Les projets foisonnent pour réduire l’impact des transports, et notamment maritimes, sur l’environnement. Au-delà des normes imposées, la matière grise est en ébullition autour de projets qui sont si nombreux qu’ils en deviennent moins futuristes. Hydrogène, ammoniac, méthanol, biocarburants, GNL…, les études sur les alternatives au fuel actuellement les plus prometteuses se multiplient, parfois dans la surenchère.
Les armements montent au créneau pour mettre en avant leurs efforts… et espèrent ainsi bénéficier des aides publiques qu’annoncent les gouvernements du monde entier pour relancer la machine économique. Rodolphe Saadé, à la tête de CMA CGM a associé sa compagnie à 155 autres multinationales dans une déclaration demandant aux gouvernements de la planète de conditionner à des critères environnementaux les aides de toutes formes accordées pour relancer l’économie. Début juillet, il énonçait la liste des grandes entreprises qui l’ont rejoint au sein d’une grande alliance industrielle pour développer les énergies de demain et dont il est à l’initiative. Après avoir obtenu le soutien du président de la République Emmanuel Macron en décembre dernier et la participation de l’ensemble de la filière française fédérée au sein du Cluster maritime français, il a convaincu Amazon Web Services, Engie, Faurecia, Michelin, Schneider Electric, Total, Wärtsilä, Carrefour et le Crédit Agricole Corporate Investment Banking.
Quand le vent devient hydrogène
Au Danemark, ce sont six parmi les plus grandes entreprises du pays qui se lancent ensemble dans un ambitieux projet d’hydrogène vert, produit grâce à de l’énergie générée par un parc éolien offshore de 3 GW. L’hydrogène servira au transport en général et à l’industrie lourde. Parmi les partenaires du projet, on trouve quelques leaders du transport maritime, le premier d’entre eux dans le conteneur, A.P. Møller-Maersk, et le spécialiste européen du ferry DFDS. Dans cette aventure, ils sont associés à la compagnie aérienne SAS, au commissionnaire et logisticien DSV Panalpina, aux aéroports de Copenhague et à Orsted, l’un des grands développeurs mondiaux de parcs éoliens. Ils prévoient d’ouvrir leur première installation d’hydrogène d’ici 2023 puis de monter en puissance pour atteindre la pleine capacité en 2030.
Même cap sur l’hydrogène à base d’énergies renouvelables au Portugal. Le gouvernement vient de lancer sa première « Stratégie nationale hydrogène » assortie de 7 Md€ d’investissements et avec un objectif de 1 GW produit en 2030. L’usine devrait être construite sur le port de Sines, qui reçoit déjà 30 % des importations européennes de GNL américain et qui accèderait ainsi au statut de « hub énergétique européen ». Associé aux Pays-Bas, le Portugal compte aussi, à partir de ce projet, créer la « première route maritime hydrogène intra-européenne » qui relierait Sines à Rotterdam.
Régulation du marché attendue
En Scandinavie encore, c’est l’Association des armateurs norvégiens qui monte au créneau, feuille de route à l’appui intitulée Zéro émission en 2050, formalisant des engagements et objectifs (des navires zéro émission dès 2030) et… définissant le rôle des autorités. Dans l’éditorial, le président de l’association, Harald Solberg presse les gouvernants: « Le développement technologique se produit maintenant (…) Les autorités internationales, régionales et nationales ont également un rôle crucial à jouer en facilitant un développement à la fois souhaité et nécessaire. Nous avons besoin de nouvelles technologies et de solutions durables et le développement doit arriver rapidement. »
Avançons vite, groupés, mais pas n’importe comment. En contrepartie de leurs engagements, les armateurs de tous pays attendent des incitations claires en matière de R&D, de financement, de réglementations… Dans un secteur extrêmement concurrentiel, alourdir ses investissements en s’imposant de nouvelles règles, c’est risquer de perdre des parts de marché au profit de compagnies et de pays moins-disants sur le changement climatique.
Les armateurs norvégiens le rappellent clairement quand ils s’adressent aux autorités « internationales et nationales ». Ils attendent d’elles qu’elles « régulent le marché de façon à ce qu’il soit rentable d’équiper les navires de technologies zéro émission, et ce le plus rapidement possible, et qu’elles instaurent une interdiction internationale à partir de 2050 sur du carburant qui ne soit pas climatiquement neutre ».