Les plans sociaux se multiplient dans le ferry européen

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Dès mars, en raison des mesures de confinement et des restrictions de voyage, elles avaient été contraintes de suspendre leurs activités de transport de passagers pour se concentrer sur le fret. Pour la plupart, la décision s’était accompagnée de la mise au chômage d’une bonne part de leurs employés, en partie couverts par des programmes de maintien de l’emploi que la plupart des États européens ont initiés. Manifestement, cela n’a pas suffi.

DFDS, pourtant plus orientée fret que ses homologues d’Europe du Nord, doit réduire ses coûts, de l’ordre de quelque 35 M€, ce qui devrait se matérialiser par le licenciement de 650 personnes sur les 8 600 que le groupe emploie. La compagnie danoise de ferry a également obtenu des banques des liquidités nécessaires pour « permettre de traverser la pandémie en toute sécurité ».

L’un des grands opérateurs du ferry européen, qui s’est construit par croissance externe, notamment en exploitant l’échec des activités de diversification de Maersk et de Louis Dreyfus Armateurs, avait annoncé fin mars un résultat d’exploitation en baisse de 10 % par rapport au premier trimestre de 2019. Il l’imputait aux restrictions de voyages entre les pays qui l’ont obligé à suspendre les traversées sur les lignes Amsterdam-Newcastle et Copenhague-Oslo, tandis que les autres lignes en mer Baltique, en Méditerranée, en mer du Nord et dans la Manche se sont concentrées sur le fret. Dès avril, 17 navires sur plus de 50 étaient désarmés.

Stena, pas de reprise avant 2021

Malgré le maintien de frontières ouvertes pour les échanges, les volumes de l’armateur danois ont été particulièrement affectés par l’arrêt de production des industries automobile et textile, qui constituent son fonds de commerce. La société avait, à l’issue du premier trimestre, revu à la baisse ses perspectives pour 2020, à 2 milliards de couronnes danoises (soit autour de 270 M€).

Depuis la levée de la quarantaine britannique le 10 juillet, DFDS réarme progressivement ses navires, parmi les plus emblématiques, le Calais Seaways et le Côte d’Albâtre, réajuste ses fréquences tout en révisant les capacités et avec des modes opératoires contraignants.

Son grand rival en Europe du nord, Stena, qui occupe des positions fortes en mer d’Irlande et opère 20 lignes en Europe du nord, avait également annoncé début avril qu’en plus des 600 personnes au chômage technique, il devrait en licencier 150, estimant qu’il ne fallait pas s’attendre à une amélioration du nombre de passagers avant 2021. L’entreprise avait annoncé dès la mi-mars le licenciement de 950 employés en Scandinavie.

Fin de non-recevoir de DP World

Le 12 mai, P&O Ferries, également en difficulté financière, a aussi annoncé le licenciement de 1 100 personnes, évoquant ce préalable comme nécessaire pour que la compagnie puisse survivre. Bien que le dispositif de maintien de l’emploi du gouvernement ait été prolongé jusqu’en octobre, la compagnie britannique a néanmoins décidé de convertir les mesures de chômage partiel en une décision plus définitive. Les licenciements concernent notamment plus de 600 membres d’équipage sur les lignes Douvres-Calais et 100 employés sur les lignes Hull-Zeebrugge et Hull-Rotterdam. La compagnie avait sollicité en vain une intervention du gouvernement britannique à hauteur de 150 M£ (169,8 M€). Elle avait également fait valoir un besoin de trésorerie de 257,5 M£ (291,5 M€) auprès de sa société mère, DP World, qui lui avait opposé une fin de non-recevoir.

Net wage

Atypique dans le paysage du ferry européen, appuyée par les collectivités bretonnes et normandes, Brittany Ferries a bien résisté jusqu’à présent, mais sa situation reste dépendante d’une clientèle à 85 % britannique. La compagnie est aussi contrainte par ses conditions d’exploitation, avec des revenus en livres mais des dépenses de fonctionnement en euros. Depuis la fermeture de l’espace Schengen, le 19 mars, la compagnie opérant sous pavillon français a, comme ses homologues, interrompu son activité de transport de passagers pour se concentrer sur le fret (20 % de son chiffre d’affaires). Brittany Ferries a donc été contrainte de mettre au chômage partiel 1 311 personnes sur un effectif total de 2 865 employés.

Aujourd’hui, la direction de l’armement breton estime à 130 M€ l’impact sur son résultat. Les incertitudes pesant sur la saison touristique de l’été 2020 l’ont contrainte à mettre en sommeil quelques investissements, tel son projet d’autoroute ferroviaire. Quatre navires ont relancé la machine le 29 juin.

Si la société de Roscoff va bénéficier du dispositif de PGE instauré par le gouvernement français a hauteur de 117 M€, Jean-Marc Roué, le président de la société, estime que cela ne suffira pas. Il compte notamment sur une des dispositions du Plan Relance Tourisme, dont l’assiette est établie sur la base des trois plus importants mois de chiffre d’affaires (contre 25 % du CA moyen pour un PGE standard). Une autre mesure réservée aux PME de moins de 250 salariés lui permettrait en outre de bénéficier d’un remboursement des charges patronales sur les salaires des sédentaires ayant travaillé pendant la période d’interruption du trafic passagers (mars-juin). Il espère plus fondamentalement bénéficier du concept du « net wage » (remboursement aux armateurs des cotisations sociales). Une disposition dont bénéficie DFDS et qui est aussi accessible aux pavillons italien, allemand et belge…

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