Somarsid et Sosersid sont deux sociétés sœurs, l’une qui se consacre à la manutention, l’autre à la gestion de la logistique et des contrats. Elles sont nées dans le giron des hauts-fourneaux de Fos-sur-Mer, aujourd’hui exploités par Arcelor Mittal. Elles y déchargent sur un quai du site industriel les navires de charbon et minerai. 8 à 9 Mt sont ainsi sorties chaque année des cales des vraquiers pour être déposées sur les convoyeurs à destination de l’usine Arcelor Mittal. En sortie, sur un deuxième quai du site sidérurgique équipé de trois grues dont une de 250 t, l’acier sous forme de tôles ou de bobines de 20 à 25 t est chargé en conventionnel à bord des navires, à raison de 2,5 Mt par an, soit 130 escales en moyenne.
Depuis 2014, les deux entreprises ont été reprises par HES International, un holding financier détenu par Macquarie Infrastructure and Real Assets et West Street Infrastructure Partners III (Goldman Sachs) et investissant dans des terminaux de vrac sec et liquide. Le manutentionnaire d’AcelorMittal, dont il a été une filiale jusqu’en 2014, continue de travailler pour le groupe sidérurgique mais développe, depuis 2002, une activité breakbulk et colis lourds.
C’est en darse 3 de Fos que se trouve un terminal dédié où opèrent deux grues avec des capacités respectives de 120 et 250 t. Le site, où se font 50 à 60 escales par an, est aussi équipé depuis 2017 d’une imposante rampe ro-ro, capable de supporter des passages jusqu’à 800 t et particulièrement adaptée pour les éléments destinés au projet international Iter, portant sur la construction à Cadarache (Bouches-du-Rhône) d’un réacteur nucléaire expérimental sur la fusion nucléaire. Ses différentes parties, en provenance de Chine, du Japon, d’Inde ou des États-Unis, sont déchargées des navires en lo-lo, placées sur remorque, puis embarquées sur barge fluviale en ro-ro jusqu’à Berre, où elles empruntent alors la route jusqu’à Cadarache.
Préférence au fluvial
Pour Jean-Claude Sarremejeanne, PDG de Sosersid-Somarsid, le marché des colis lourds reste caractérisé par sa grande diversité: « des éoliennes, des pièces lourdes industrielles, des échangeurs pour le secteur parapétrolier, et même des œuvres d’art très volumineuses », détaille-t-il. Si cette activité est très liée à « la dynamique de l’industrie et surtout au carnet de commandes à l’export de ses acteurs, la réussite d’un port dans les colis lourds dépend aussi de sa capacité à trouver des schémas logistiques qui satisfassent les clients », insiste celui qui, depuis juin dernier, est aussi le président de l’Union maritime et fluviale de Marseille-Fos après y avoir animé un groupe de travail sur le conventionnel.
À titre d’exemple, des rames de métro construites par Alstom à Belfort et destinées à Alger ont transité en 2019 par Fos, alors que les industriels du sillon rhénan sont plus volontiers tournés vers les ports de la mer du Nord. Un aiguillage avait été installé sur les quais du port phocéen, permettant à Sosersid-Somarsid d’embarquer sur un navire « raillé » les huit trains complets qui ont traversé la France sur le réseau ferré national.
Mais ces transports en lien avec le ferroviaire restent, pour les colis exceptionnels, plus rares que ceux liés au fluvial. Les colis lourds manutentionnés à Fos, à l’import comme à l’export, ont souvent une forte connexion par barges avec Lyon ou Chalon-sur-Saône. Ainsi les générateurs de vapeur fabriqués par Framatome à Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône, transitent par Fos pour être exportés par la mer.
Carte à jouer à Fos
Alors que son activité est centrée sur la manutention, Jean-Claude Sarremejeanne estime qu’elle ne représente qu’une petite part de la logistique des colis lourds: « C’est l’ensemble de la route logistique terrestre qui compte, mais aussi la possibilité de trouver un navire adapté. Pour cela, Anvers et Rotterdam ont un avantage avec, pour le conventionnel, une offre maritime supérieure [plus grand nombre de navires disponibles, meilleure offre maritime à terre par les manutentionnaires et les prestataires divers, NDLR]. Pour des colis jusqu’à 100 ou 120 t, il est facile de monter jusqu’à Anvers par la route ou avec un bateau Freycinet. Au-delà, c’est plus difficile et Fos a son rôle à jouer en favorisant l’éclosion de routes logistiques, notamment par train ».
Pour le spécialiste, la stabilité économique de l’offre portuaire – plus il y a de colis, plus le tarif sera constant et compétitif – peut faire la différence. L’offre technique est aussi importante: « Il s’agit de mettre en œuvre les outils qui attirent les trafics. C’est ce que l’on a fait pour Alstom en développant, en partenariat avec le Grand port maritime de Marseille, des installations ferroviaires sur les quais qui serviront à d’autres flux ».
Pour mieux connaître ses marchés et favoriser les collaborations, l’entreprise a rejoint en 2015 l’association internationale Heavy Lift Group. Créée aux Pays-Bas en 1987, elle regroupe 57 entreprises de 40 pays dont, en France, le consignataire Asa, l’agent maritime Sogebras ou encore le commissionnaire TPI. « Les colis lourds demandent un savoir-faire spécifique car un produit dont la fabrication a duré deux ans, au-delà du prix de la pièce, est attendu en exploitation par le client. C’est pourquoi nous n’avons pas droit à l’erreur. Nous devons nous entourer de partenaires routiers ou fluviaux très spécialisés, toute la chaîne de transport exigeant du matériel, des compétences et une précision de tous les instants ».