Le « voyage » vers la transition énergétique des majors du pétrole

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Risque de « Stranded assets ». Les actifs pétroliers et gaziers sont touchés par le risque « d’actifs bloqués », une expression pour décrire ces projets liés aux énergies fossiles dont la valeur diminue par l’évolution de la législation, des contraintes environnementales ou des technologies. Chez Chevron, les pertes sont estimées entre 10 et 11 Md$ par les analystes financiers, 2 à 3 Md$ chez BP, etc. Contraints de regarder ailleurs, les pétroliers se tournent vers les agro-carburants, avec plus ou moins… d’énergie.

Repsol, qui a accusé 5 Md€ de dépréciations d’actifs, est de toutes les majors pétrolières la première à avoir déclaré (certes opportunément en marge de l’ouverture de la COP25 à Madrid) « revoir entièrement sa stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ». Le groupe espagnol entend augmenter ses capacités de production d’énergies renouvelables, s’engage à augmenter son prix interne du carbone (à distinguer du prix externe du carbone que sont les taxes et le marché carbone) à 25 $ la tonne en 2025 jusqu’à 70 $ en 2040. Et il va développer les biocarburants. Pour s’épargner des critiques de « greenwashing », ses dirigeants verront au moins 40 % de leur rémunération variable indexée sur l’atteinte de ces objectifs.

500 000 t d’algo-carburants

ExxonMobil a annoncé en mai qu’il investirait jusqu’à 100 M$ sur dix ans en R&D dans les technologies avancées à faibles émissions, et notamment « dans les moyens de transformer les biocarburants et le captage et stockage du carbone à une échelle commerciale dans les secteurs des transports, de la production d’énergie et de l’industrie ».

En mars, le Texan faisait part de son intention de produire 500 000 t de carburants verts par an en 2025. De quoi ajouter 0,6 % d’agro-carburants à la production mondiale qui s’élève à 84 Mt. On est encore loin du triplement considéré comme une condition du scénario climatique de l’Agence internationale de l’énergie.

Selon Exxon, il y a bien des raisons de soutenir les biocarburants à base d’algues et de cellulose. Outre le fait qu’elles « émettent environ moitié moins de gaz à effet de serre que les carburants issus du pétrole », elles ne sont pas en concurrence avec les usages alimentaires et « transforment des déchets en carburants ». Le pétrolier mentionne des rendements élevés: « Dans l’état actuel de la technologie, un hectare d’algues peut potentiellement produire plus de 14 000 litres de carburant. On peut comparer ce chiffre aux 6 000 l d’huile de palme et aux 470 l d’huile de soja produits sur une même surface. » Mais aussi, « à la différence des autres matières premières telles que le maïs, moissonné une fois par an », les algues peuvent être récoltées plusieurs fois par an.

Le géant britannique des hydrocarbures BP, à l’origine de la plus grosse marée noire de l’histoire des États-Unis à la facture lourde de près de 70 Md$, a annoncé en juillet se renforcer dans le marché des biocarburants au travers d’une co-entreprise au Brésil avec le spécialiste américain du négoce de matières premières Bunge. La nouvelle société, BP Bunge Bioenergia, fabriquera de l’éthanol à partir de canne à sucre dont le Brésil est le premier producteur mondial. L’accord permettra à BP d’augmenter son activité dans les biocarburants de plus de 50 % au Brésil, précise le groupe britannique.

Bioraffinerie indésirable

Quant à la française Total, elle planche également sur les algues, qui transforment du CO2 par photosynthèse. Mais on retient surtout les déboires de sa raffinerie de La Mède dans la zone industrialo-portuaire de Marseille-Fos. Convertie en bioraffinerie à partir d’une technologie développée par IFP Énergies Nouvelles, l’usine est dimensionnée pour produire 500 000 t/an de biodiesel de type HVO (Hydrotreated Vegetable Oil ou hydrotraitement des huiles végétales) à la structure chimique comparable à un carburant standard. « Il peut être utilisé à 100 % ou en mélange dans un moteur », indique le groupe pétrolier. Or son autorisation de pouvoir importer de l’huile de palme pour produire des biocarburants est sujet de polémiques récurrentes.

Une note des Douanes, parue en décembre, considérant que les biocarburants fabriqués à partir de résidus d’huile de palme (FPAD, distillats d’acide gras de palme) pourront finalement bénéficier de l’avantage fiscal dont l’huile elle-même est privée depuis le 1er janvier, a de nouveau enflammé les associations de défense de l’environnement.

Quoi qu’il en soit, quatre ans après l’accord de Paris sur le climat, les grands groupes pétroliers et gaziers mondiaux restent loin des objectifs fixés en 2015: réduire leur production fossile d’un tiers au cours des vingt prochaines années. « Si les entreprises assurent soutenir l’accord de Paris, elles prévoient de produire toujours plus de pétrole, de gaz et de charbon » constate Carbon Tracker, un think tank britannique.

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