Dans le contexte de la rangée des ports du nord, Anvers bénéficie d’une situation géographique particulière. Situé à 80 km à l’intérieur des terres, il est, grâce aux divers approfondissements de l’Escaut, devenu accessible aux plus grands ULCS jusqu’à 22 300 EVP. Pourtant, la « prolifération » de géants de 18 000 à 23 700 EVP (ULCS) n’est pas sans lui poser problème.
Un navire d’une telle longueur (peu ou prou 400 m de long et 58,80 m de large, 22 à 23 rangées de conteneurs) requiert en réalité 40 m de plus sans compter les emplacements pour les feeders impliqués dans les escales. Il faut être en mesure d’aligner un minimum de six méga-portiques à quai et maintenir des cadences de manutention élevées, car les escales sont de l’ordre de 7 à 9 000 EVP et plus. La logistique sur site doit être performante, surtout si deux géants doivent être traités simultanément.
Si les trafics de ces deux dernières années se maintiennent au même rythme, le port belge va rapidement se heurter aux limites de ses capacités en postes à quai, notamment dans la partie Nord, où se trouvent les terminaux à marée rive gauche (Deurganckdok) et rive droite (Europa terminal et Noordzeeterminal). La perspective est assez préoccupante dans le Deurganckdok où « logent » MPET (terminal exploité par MSC et PSA) et Antwerp Gateway (DP World, CMA CGM, Cosco, Port de Duisbourg). Le premier (7,3 MEVP, dont 630 000 EVP en fluvial, + 8,2 %) aligne 41 portiques sur 3 550 m de quai. Tout récemment, il a enregistré un nouveau record avec l’accueil duMSC Isabella de 23 656 EVP. Au départ, une seule escale était prévue. Mais en raison de la congestion du terminal néerlandais d’APMT à Maasvlakte, le mégamax a été détourné sur Anvers pour y décharger la cargaison destinée à Rotterdam: 4 500 conteneurs, soit 7 000 EVP. MPET a dû aligner 7 méga-portiques et permettre à plusieurs feeders d’y faire escale simultanément. Une semaine plus tard, après une escale à Felixstowe, le MSC Isabella était de retour pour y charger cette fois 5 200 conteneurs, soit 8 000 EVP.
Rétrocession de quai
Le terminal devrait afficher un trafic annuel proche des 8 MEVP en fin d’année pour une capacité de 9 à 9,5 MEVP. L’extension, qui ne se décidera pas avant 2022-2023, est inscrite dans le projet d’agrandissement de Saeftinghedok, dans le voisinage immédiat du Deurganckdok. Il ne s’agit pas (pour l’instant) d’une véritable darse à marée, mais d’un quai de 1 500 m.
Rien n’est en revanche envisagé sur l’autre versant du Deurgangdock, où il s’agit d’épargner le reste d’un village abandonné (Doel), foyer de résistance de 18 personnes. L’accès à cette infrastructure étant partagé avec celui du Deurganckdok, il faudra amputer le quai principal de MPET de 200 m, qui perdra donc en capacité. D’autre part, la mise en service du quai de Saefthinghe – aucune date n’est encore prévue pour le démarrage des travaux – implique que MPET restitue 800 m de quai et 75 ha sur le versant Est, que le port a, en 2014, provisoirement prélevés sur la concession de Antwerp Gateway. Au total, MPET perdra donc 1 000 m de quai largement exploités actuellement.
Quant à Antwerp Gateway, plusieurs de ses clients unis au sein de Ocean Alliance (CMA CGM, Cosco/OOCL, Evergreen) alignent déjà des ultra-ULCS et attendent des 23 700 EVP. Pour pouvoir traiter un trafic de 3,6 MEVP d’ici deux ans, soit près d’un million de plus qu’actuellement, près de 200 M€ d’investissements sont envisagés. Aux onze portiques s’ajouteront cinq méga portiques. Les zones de stockage seront optimisées (conteneurs rangés par couches de cinq au lieu de quatre). Le parc de chariots cavaliers s’étoffera d’engins hybrides plus élevés. Il en va de même pour les deux terminaux de PSA sur la rive droite du fleuve. S’ils poursuivent sur leur lancée, ils devraient solder l’année avec 3,6 MEVP. Le Noordzeeterminal, fréquenté par les membres de THE Alliance (Hapag-Lloyd, One, Yang Ming et HMM dès 2020) qui évoluent également à l’échelle d’ultra-ULCS, va réceptionner deux nouveaux super-portiques, de fabrication chinoise, qui porteront le parc à quatorze, la plupart en mesure de traiter des PC jusqu’à 23 000 EVP. Le terminal devrait en outre voir son quai de 1 265 m s’allonger de 140 m.