William Arthur Ward, écrivain américain méconnu en France mais connu outre-Atlantique pour ses pensées courtes, aurait pu prêter celle-ci pour qualifier « l’instant présent du conteneur »: « Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles ». En l’occurrence, tous les acteurs de la ligne régulière se plaignent des vents obliques. Ils espèrent que cela changera. Mais peu ajustent les voiles. Ils pourraient même être passibles d’excès de confiance, à en juger par leur appétence à alimenter le marché en EVP. Le flux ne risque pas de se tarir au vu de l’afflux de méga navires qui doit déferler ces trois prochaines années. Le choc d’offre dans l’environnement déprimé, qui structure leur quotidien depuis quelques années, n’est cependant plus la seule problématique de la ligne régulière.
En termes d’aléas, l’année 2018 a bien tenu la marée. Les difficultés ont même coagulé. Les implications du nouveau règlement de l’OMI 2020 sur le coût du bunker, l’inexorable montée des tensions commerciales, la baisse de régime de l’économie chinoise, la faiblesse des marchés de consommation… l’ensemble de ces facteurs a largement perturbé les flux. Ils ont surtout cisaillé la dynamique décennale du commerce conteneurisé, dont les volumes n’ont augmenté « que » de 2,6 % en 2018 contre 6 % en 2017, soit 152 MEVP transportés, selon la Revue du transport maritime (Review of Maritime Transport 2019) publiée fin octobre par la CNUCED. Le secteur conteneurisé a en effet « carburé » ces dernières années au rythme annuel moyen de 5,8 %.
Si la demande a fléchi, la flotte de porte-conteneurs, elle, continue de grossir et s’est encore étoffée de 6 % en 2018, contre 4 % en 2017. La faible croissance des échanges commerciaux et la livraison soutenue de méga porte-conteneurs sur un marché déjà trop approvisionné ont exercé une pression supplémentaire sur les fondamentaux du marché. Une année étrange…
