Voguer sans marins, voler sans pilote à bord

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Quand le navire sans équipage pointe sa proue. Quand l’avion sans personnel naviguant pointe son nez… Le rendez-vous est singulier. La mise en perspective du maritime et de l’aéronautique, qui n’en sont sans doute pas au même niveau de maturité technologique et normative, est intéressante. La rencontre est ambitieuse à la fois par le nombre d’aspects abordés, le public visé et son approche duale (civil/militaire). Perspectives technologiques, facteurs économiques (coût d’investissement, compétitivité, etc.), attentes des exploitants et des constructeurs, cadres réglementaires et juridiques (l’OMI fera le point en cours sur ses travaux quant aux instruments juridiques garantissant une conception, construction et exploitation sûres des navires autonomes), systèmes de navigation hyper digitalisés (ces mines de données opérationnelles et personnelles ne sont pas sans poser des défis ardus à la sécurité et à la sûreté), aspects sociaux et sociétaux (l’impact sur le personnel, tant à bord qu’à terre, est un des enjeux*), responsabilité d’assurances (un partage complexe)… le colloque est censé aborder tous ces points en s’adressant aux professionnels du transport maritime et aéronautique, depuis la recherche et l’industrie jusqu’aux navigants, en passant par les exploitants et les administrations concernées par les services à la navigation. « Les militaires sont aussi intéressés car ils sont déjà utilisateurs de certains moyens automatisés et devront cohabiter avec les civils dans leurs milieux respectifs », précise Édouard Berlet, membre titulaire de l’Académie de marine chargé de la section Droit et économie.

À n’en pas douter, le « navire autonome », défini par l’OMI de façon très large comme étant un navire qui peut fonctionner de façon partielle ou totale sans intervention humaine, sera l’un des enjeux industriels majeurs du secteur. Et ce, quel que soit le degré d’autonomie qui va prévaloir. L’intérêt des compagnies maritimes se porte actuellement sur un degré d’autonomie partiel.

Associé au « zéro émission »

La Norvège et la Finlande ont officiellement sonné le départ de cette course technologique, faite de « ship intelligence » et « smart ship », un mélange de capteurs sophistiqués et d’intelligence artificielle pour détecter des objets, éviter les collisions, changer automatiquement de cap et de vitesse, effectuer l’accostage automatique… Et il ne s’agit nullement d’une aide au stationnement, ou d’une conduite d’un point A à un point B, mais bien d’autonomie complète en voyage réel (cf. ci-contre).

Les approches débordent désormais du seul cadre technologique. Associé notamment aux compagnies maritimes Finferries et ESL Shipping, Rolls-Royce a investi 6,6 M€ dans un projet visant (« Awaa ») destiné à explorer les facteurs économiques, sociaux, juridiques, réglementaires et technologiques nécessaires au fonctionnement des futurs navires autonomes.

Sur la base d’une étude, BHP Billiton considère que le déploiement de flottes automatisées permettra à l’industrie maritime mondiale de réaliser une économie de 86 Md$ par an. Le géant minier ambitionne de réaliser tous ses transports – soit environ 1 500 voyages chaque année pour convoyer 250 Mt de vrac sec – sur des navires autonomes d’ici une décennie.

Au-delà des déclarations d’intérêt, Oskar Levander, le « grand prêtre » de l’autonomie des navires chez Rolls-Royce, estime pour sa part que « l’autonomisation » n’est pas pertinente pour tous les navires: « les avantages sont marginaux pour les méga porte-conteneurs. Une exploitation autonome sur des routes de haute mer utilisant des vraquiers assistés par le vent et naviguant plus lentement, par exemple, pourrait permettre d’économiser 50 à 60 % de carburant ».

Oskar Levander touche du doigt un autre point militant en faveur du navire autonome. Les actuelles démonstrations associent souvent l’autonomie au « zéro émission ».

* Une étude de Bank of England estime que la vague d’automatisation maritime pourrait balayer 15 millions d’emplois dans le monde

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