Bateliers et exploitants ferroviaires néerlandais vont devoir se retrousser les manches ces prochaines années. Faisant preuve de volontarisme politique, qui se traduit par le déblocage de fonds substantiels sur le moyen terme, La Haye est décidée à augmenter la part de modal shift du fer et du fleuve au détriment de la route.
Le gouvernement a ainsi débloqué l’année dernière une enveloppe de 2 milliards d’euros pour la période 2017-2021 afin d’améliorer ses infrastructures fluviales et ferroviaires. De son côté, la fédération des ports intérieurs NVB a prévu d’investir 1 milliard d’euros pour moderniser les installations existantes.
Sur le terrain, Rotterdam a mis en oeuvre l’outil logistique Central Exchange Route visant à faciliter les acheminements groupés de conteneurs vers l’hinterland. L’objectif est de regrouper les marchandises dans un même terminal pour éviter des transbordements multiples vers les trains ou les bateaux.
En ce qui concerne le transport ferroviaire par conteneurs, La Haye prévoit par ailleurs d’allouer une enveloppe de quelque 12 à 14 M€ par an jusqu’en 2023. Cette politique volontariste confirme l’enjeu de ce mode de déplacement pour le pays. Outre la Betuwelijn, la ligne de fret entre Rotterdam la Ruhr, trois axes majeurs traversent le royaume à partir du premier port maritime européen: l’un vers Gênes, un deuxième vers Lyon et un troisième vers la Pologne et la Tchéquie.
Dans ce contexte, Rotterdam a prévu d’aménager 4 km de nouvelles voies ferrées (mise en service prévue en 2021). Il s’agit d’un tronçon, portant sur un investissement de 300 M€, qui va directement se greffer sur la Betuwelijn.
Timidité du fluvial
Le volume annuel de fret transporté par fer devrait alors se situer entre 54 et 61 Mt d’ici 2030 (42 Mt en 2016), gagent les autorités portuaires. Pour les acheminements conteneurisés, 1,2 million d’unités ont été transportées l’année dernière sur les rails à partir de Rotterdam pour un total de 16,5 Mt de marchandises (conteneurs et bulk). À noter toutefois la baisse du nombre de conteneurs maritimes transbordés, à 500 000 unités en 2017, contre 560 000 en 2016, selon les chiffres de l’entreprise RailCargo
Concernant le transport fluvial, les objectifs sont moins appuyés. La société d’exploitation de Rotterdam vise une part de modal de 45 % d’ici 2035, contre 43 % aujourd’hui. Une moindre ambition s’expliquant par le fait que 34 % des transports de marchandises sur le territoire intérieur s’effectue déjà par les voies d’eau. Plus d’un conteneur sur trois circulant dans le royaume est aujourd’hui transporté par bateau.
Règles contraignantes
En pointe en matière de transport fluvial, les Pays-Bas fort de ses 400 ports intérieurs, sont détenteurs de la première flotte fluviale en Europe avec 8 300 bateaux. Les trois quarts du trafic sont assurés par des unités battant pavillon néerlandais (11 % belges, 7 % allemands, 3 % luxembourgeois).
Principalement alimenté par Rotterdam, le trafic fluvial néerlandais s’est affiché en hausse en 2017 après deux années de baisse (369 Mt de marchandises transbordées, 4,5 MEVP), dont 203 Mt de vracs secs, 113 Mt de vracs liquides et 52 Mt par conteneurs.
Grâce à son réseau tentaculaire de liaisons hinterland, Rotterdam enregistre un trafic fluvial de quelque 105 000 bateaux par an pour des transbordements portant sur plus de 140 Mt de marchandises. Plusieurs terminaux y sont d’ailleurs exclusivement dédiés à l’instar de Barge Center Waalhaven Terminal, Delta Barge Feeder Terminal, Barge Transferium Maasvlakte. Il existe aussi plusieurs liaisons fluviales hinterland proposant des acheminements groupés.
Mais les règles professionnelles en vigueur à Rotterdam au sein de la plupart des terminaux s’avèrent des freins au dynamisme de la branche.
« Les armateurs maritimes ont conclu des accords commerciaux avec les terminaux dont ils sont souvent en partie les propriétaires. En outre, ce sont eux aussi qui supportent les frais de transbordements des conteneurs », explique Frank Reijerse, secrétaire de l’association professionnelle Centraal Bureau voor de Rijn en Binnenvaart (CBRB). Partant de là, les armateurs maritimes disposent d’une priorité pour le traitement de leurs marchandises. Mais qu’elles soient destinées au trafic fluvial ou ferroviaire, les manutentions pâtissent aussi de la taille grandissante des navires et des porte-conteneurs. De fait, les transbordements nécessitent davantage de temps et allongent les délais d’attente. Sans compter le dépassement trop fréquent des heures d’arrivée estimées à Rotterdam.