Cela fait quelques années maintenant que les céréaliers français espèrent faucher les blés sereinement, gageant sur la restauration de leur pré carré chaque année depuis l’horribilis 2016, qui s’était soldée par une maigre récolte de 28 Mt. Ce manque à gagner de quelque 20 Mt à la production et de 12 Mt à l’exportation avait pesé sur les trafics des principaux ports céréaliers français (– 63 % à Dunkerque, – 41 % à Marseille, – 33 % à Nantes-Saint-Nazaire, – 32 % à Bordeaux, – 30 % à Caen, – 18 % à Rouen, – 15 % à La Rochelle…). Il a également mis en cale sèche les trésoreries des exploitations (les 3/4 des producteurs ont eu cette année-là des revenus nets nuls ou négatifs). Depuis, l’épi de blé gaulois peine à faire face à la productivité des terres de la mer Noire, qui « donnent » deux fois plus et ont profité du passage à vide hexagonal pour pallier les défaillances.
Selon l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), qui a tenu un point presse fin juillet alors que les céréaliers étaient encore au champ, la récolte de blé tendre devrait atteindre les 35 Mt, soit 1,8 Mt de moins qu’en 2017 et 5 Mt en deçà des estimations émises début juin. En cause, la sécheresse, qui a touché de nombreuses zones géographiques en juin et juillet et contrarié les récoltes dans la dernière ligne droite. Selon les régions, le rendement moyen oscillerait entre 70 et 73 quintaux à l’hectare, donc en dessous de la moyenne décennale. Mais la fièvre qui s’est emparée cet été des prix laisse espérer une amélioration des trésoreries exsangues.
La qualité, elle, est au rendez-vous avec un taux de protéines du blé tendre généralement supérieur à 11 %, voire à 11,5 %.
Petite consolation: les excès du thermomètre ont été plus néfastes encore à la Russie, avec un manque à gagner de 20 % (68,5 Mt) par rapport au « super cru » de 2017. L’Allemagne déplore aussi une perte importante de l’ordre de 8 Mt de blé.
Réforme de la Pac
Sur un plan plus politique, les céréaliers attendent de savoir quel traitement leur sera réservé dans le cadre de la politique agricole commune post-2020 (Pac), qui doit être bouclée avant les prochaines élections européennes fin mai 2019. On sait qu’elle devra être « plus moderne, plus souple, plus efficace, plus écologique », mais avec moins d’argent dans les caisses, ce qui signifie arithmétiquement: moins d’aides agricoles.
La Commission européenne, qui a présenté début juin sa proposition législative, évoque une baisse de 15 % de l’enveloppe budgétaire, soit 365 Md€ pour 2021-2027. L’AGPB dénonce, entre autres, des « écarts » dans les aides européennes à l’hectare d’un pays à l’autre, lesquels engendrent des « distorsions de concurrence ». Elle évoque notamment des différentiels de 12 à 15 € par tonne de blé entre la France et l’Allemagne.
Dans sa proposition, la Commission évoque « une plus grande convergence des niveaux de paiement direct entre les États membres en réduisant de 50 % l’écart entre, d’une part, les niveaux d’aide de l’UE par hectare et, d’autre part, 90 % de la moyenne de l’UE ».