Si la campagne 2016-2017 pouvait plaider en faveur de récoltes malmenées par la sécheresse pour expliquer une chute de 23 % des sorties maritimes bordelaises, la défense ne tient pas pour cette dernière campagne. « La collecte locale a progressé globalement et l’ensemble de la filière s’attendait à un regain d’activité mais il ne s’est jamais produit », reconnaît Didier Domens, du Grand Port maritime de Bordeaux. Avec un trafic de « seulement » 790 000 t (– 13 %, soit un manque à gagner de 117 000 t) – un niveau historiquement bas –, le port de Bordeaux voit l’un de ses trafics principaux s’amenuiser au fil des années.
Aspiré par le marché espagnol
« Il y a une tendance de fond à la baisse des surfaces de maïs dans le Sud-Ouest, mais la concurrence russe et ukrainienne tire par ailleurs les prix vers le bas et incite les vendeurs du Sud-Ouest à trouver de meilleurs débouchés vers l’Espagne et par la route. Cette configuration s’est déjà produite auparavant, mais là, c’est particulièrement marqué », analyse Julien Bas, représentant les deux opérateurs céréaliers InVivo et SPBL. « Il semble que la structuration se fait davantage vers du marché intérieur. Si la production mondiale est bonne partout, c’est une tendance qui pourrait s’installer ».
De fait, sur cette dernière campagne, les exports maritimes en blé ont chuté de moitié (– 58 %, – 163 000 t), soit autant de volumes aspirés par le marché espagnol. Avec 642 000 tonnes, les sorties de maïs gagnent certes 10 %, soit 58 000 tonnes, mais elles peinent à retrouver le niveau d’avant 2016. Pour Didier Domens, « cette céréale subit les effets de la faiblesse de ses cours et reste fortement concurrencée par le blé tendre en alimentation animale sur le marché européen ». Les experts du secteur estimaient en avril 2018 les exportations de blé tendre de la France vers l’Union européenne à 8,94 Mt. « Cela ne s’était pas vu depuis la campagne 2005-2006. Nous nous interrogeons dorénavant sur la stratégie à adopter ».