Adani dans les starting-blocks

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À quelques semaines du sommet onusien sur le climat, à l’heure où le charbon a plus que jamais mauvaise presse, il fallait oser. Et pourtant, l’Australie l’a fait. La semaine dernière, Canberra a finalement donné son feu vert à la multinationale indienne Adani Group, lui permettant de poursuivre son pharaonique projet minier (11,8 Md€) dans le Queensland, au nord-est du pays. Carmichael Coal Mine, c’est son nom, comprend l’exploitation de plusieurs mines dans le bassin de Galilée. Mais il ne s’arrête pas là: s’ajouteraient l’extension du port à Abbot Point pour l’exportation du minerai, essentiellement vers l’Inde, et la construction de 189 km de voies ferrées reliant les deux sites, ainsi que la ligne des centrales à charbon pour alimenter les mines.

Emploi contre environnement

Très contesté, car situé sur des terres que des populations locales continuent de revendiquer, et pour la partie portuaire à proximité de la Grande barrière de corail, ce projet prévoit d’extraire jusqu’à 60 Mt de charbon par an. Il pourrait, aux dires de ses promoteurs, augmenter de 70 % les exportations depuis ce terminal! Pour faire passer la pilule, les autorités australiennes – qui voient en cette opportunité la création de 10 000 emplois – assurent avoir pris toutes les garanties environnementales. Le feu vert a cette fois été assorti de 36 conditions, « les plus strictes de l’histoire australienne », a insisté Greg Hunt, ministre de l’Environnement. Par exemple, le dragage des fonds sous-marins a été limité à 3 Mm3, contre les 38 Mm3 réclamés par Adani.

Un appétit féroce

Mais qu’importe, restrictions ou pas, pour l’homme d’affaires indien, cette décision est aujourd’hui plus qu’inespérée. En proie à plusieurs revers, il était à deux doigts de jeter l’éponge cet été. Il y avait d’abord eu le lâchage des banques. En tout, une dizaine. Toutes étaient peu désireuses de salir leur image en finançant un projet aussi polluant. Puis ce fut le blocage de la justice australienne. La Cour fédérale s’inquiétait de la survie de deux espèces en danger. Bref, avant l’ultime décision gouvernementale, le projet battait sérieusement de l’aile.

Ces déconvenues sont d’autant plus exaspérantes qu’en Inde, le groupe n’a eu de cesse d’empiler les acquisitions au pas de course. Ce conglomérat, qui est aussi bien présent dans le trading de charbon que dans l’exploration de pétrole et de gaz, la production d’électricité et la logistique, pèse aujourd’hui pas moins de 9,4 Md$, contre 765 M$ en 2002. En son sein, Adani Ports and Special Economic Zone Limited (Apsez) contrôle environ 10 terminaux dans le pays: quatre à l’est et six à l’ouest dont Mundra, premier port privé du pays, et sa zone économique spéciale. Les deux sont situés sur le golfe de Kutch, dans l’État du Goujerat au nord de Mumbai. « Compte tenu de notre situation, nous devrions être capables de traiter jusqu’à 200 Mt de marchandises dans nos ports d’ici à 2020, contre 144 en 2015 », a déclaré Gautam Adani dans un rare entretien à Times of India, en juin.

Viabilité financière

Après une telle ascension, l’Australie fait figure de belle épine. Car même après ce feu vert des autorités, les incertitudes sur la faisabilité du projet perdurent. Le manque de soutien des banques, la dégringolade des prix du charbon et l’endettement du groupe rendent son financement très hasardeux. D’autant que le Coréen LG, qui s’était engagé à acheter 4 Mt de charbon, s’est lui aussi retiré en septembre. « Le projet connaît d’importantes difficultés », confirme Julien Vincent, chercheur au sein de l’ONG Market Forces. « À elle seule, l’extension du port pourrait coûter environ 2 Md$. Or Adani ne les a pas. Et le gouvernement du Queensland, qui pourtant pousse à la roue, ne veut pas mettre le moindre dollar dans ce projet. C’est d’autant plus fou que les capacités portuaires sont excédentaires en Australie, et qu’Adani ne devrait pas avoir besoin de construire cette extension. »

Alors, viable ou pas? Le magnat indien peut encore explorer plusieurs pistes pour que son rêve devienne réalité, comme attirer des fonds privés de banques australiennes ou mettre sur pied un joint-venture, avec une société chinoise par exemple. « Cette dernière option paraît très spéculative, surtout après l’échec d’un partenariat potentiel avec le Coréen Posco, mais elle reste pour Adani une carte maîtresse s’il veut que le projet voie le jour », estime Julien Vincent.

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