« Méga », c’est le terme qui revient sans cesse pour parler du port de Mariel. Mégaport, mégaprojet, mégagrues, tout y est immense. Mariel, une fois en service, constituera la principale porte d’entrée et de sortie de Cuba, après des décennies de semi-isolement. La baie se situe à 45 km à l’ouest de La Havane. Et à 200 miles nautiques de Miami. Là se situe tout l’enjeu. Alors que le canal de Panama laissera bientôt passer les géants post-Panamax, il faut aussi trouver les ports capables de recevoir leurs 16 m de tirant d’eau pour répartir ensuite les conteneurs à travers tout le continent américain, Nord et Sud. Sur les Caraïbes, ils sont trois: Kingston à la Jamaïque, Carthagène en Colombie et la future ZEDM, Zone spéciale de développement de Mariel, à Cuba, en plein chantier actuellement. L’aménagement de ce port est le fruit d’une collaboration entre le Brésil et Cuba. Et d’un pari: celui de la fin de l’embargo américain sur Cuba et de la reprise des échanges commerciaux de l’île avec son voisin nord-américain. En 2009 déjà, dans une de ces notes confidentielles dévoilées par Wikileaks, le chargé d’affaires américain à Brasilia transmettait à Washington une note dans laquelle il faisait part de l’insistance des Brésiliens à voir reprendre ces relations interrompues il y a cinquante ans. « Leur projet d’aider Cuba à construire un port en eaux profondes à Mariel n’a de sens que si Cuba et les États-Unis développent une relation commerciale. » L’annonce, en décembre, d’un éventuel réchauffement a donné davantage de crédit à l’opportunité de la ZEDM, même si les Cubains soutiennent évidemment que le port a toute sa raison d’être avec ou sans les États-Unis.
Bienvenue aux investissements étrangers
C’est donc la société brésilienne Odebrecht et la cubaine Gaesa (Groupe d’administration d’entreprise SA, filiale du ministère de la Défense) qui ont été chargées de son aménagement. Coût total de l’investissement: 800 M$. Pour la construction du port lui-même et celle de l’immense zone franche qui l’entourera. Sur cette zone, Cuba vit là encore une « révolution culturelle », c’est le terme employé officiellement, puisque pour la première fois depuis la prise de pouvoir par les hommes de Fidel Castro en 1959, le pays fait clairement appel aux investissements étrangers.
Pour les attirer, la zone franche est dotée de règles spécifiques, avec une loi spécialement adoptée pour les faciliter, des mesures spécifiques en matière d’imposition ou encore de réglementation du travail. Un guichet unique permet aussi de limiter la lenteur bureaucratique dont pâtit Cuba. « La procédure pour l’attribution des licences, permis et autorisations requis pour les opérateurs étrangers est concentrée dans notre bureau à travers ce système innovant », a indiqué Yanet Vazquez, directrice adjointe du bureau régulateur de la ZEDM.
Depuis quelques mois, les annonces se multiplient. Il y a tout juste un an, les présidents de Cuba et du Brésil, Raul Castro et Dilma Russef, ont inauguré les 700 premiers mètres de quais. Le chantier se poursuit avec « l’installation d’équipements modernes capables de traiter jusqu’à 800 000 EVP par an, notamment quatre portiques STS, douze grues RTG mobiles, vingt-deux tracteurs ». Le quai actuel de 700 m pourrait être étendu jusqu’à 2 400 m. L’ensemble du port devrait s’achever d’ici 2019.
120 projets validés
Au cours de l’année passée, tout le trafic auparavant réalisé à La Havane a été transféré à Mariel, le port de la capitale cubaine ne se consacrant désormais qu’aux paquebots de tourisme. L’activité annoncée de Mariel est de 250 000 EVP.
Au début de cette année, Cuba a rendu publics les noms des trois premières entreprises acceptées sur la ZEDM, dont une grosse société agroalimentaire mexicaine spécialisée dans la viande. Début avril, nouvelle annonce de Cuba sur les candidats: plus de 300 sociétés étrangères sont sur les rangs pour prendre place à Mariel et 120 projets auraient déjà été validés, avec des investissements globaux de plus d’1 Md$. Mais ces chiffres n’ont pas encore été validés par Cuba. Les pays les plus intéressés sont l’Espagne, l’Italie, la France, le Portugal et la Russie pour l’Europe; la Chine, le Vietnam et la Corée du Sud pour l’Asie; le Canada, Panama, le Brésil et le Mexique pour l’Amérique. Avec des activités liées à l’industrie, la logistique, les énergies renouvelables et des travaux d’installation qui pourraient démarrer au second semestre de cette année.
Parmi les projets retenus figurent trois constructeurs automobiles: Toyota par sa filiale chinoise, la Chinoise Geely et la Sud-Coréenne Hyundai. La Russie serait candidate pour construire un nouvel aéroport à proximité de Mariel et de La Havane. Pour la France est également cité le groupe Bouygues.