Canal du Nicaragua: les premiers coups dans les prochaines semaines

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Daniel Ortega, président du Nicaragua et Wang Jing, président de la Hong Kong Nicaragua Developpement, société en charge de la construction du canal du Nicaragua, ont officiellement acté le début de cette future liaison interocéanique. « Nous construisons la route de la soie du XXIe siècle », a déclaré Wang Jing. Un projet pharaonique qui doit permettre de relier les deux océans et venir en complément du canal de Panama pour ses initiateurs. Une position que l’autorité du canal de Panama et d’autres pays ne partagent pas. « Au cours des dernières décennies, pour le développement économique et social, la Chine a acquis une expérience sur les grands projets d’infrastructures et un grand nombre de sociétés spécialisées ont émergé sur ce créneau. De plus, les caractéristiques des Chinois, qui ne craignent pas de souffrir, ont le courage d’agir et la volonté de travailler durement, permettent à notre société chinoise de développer le projet le plus grand et le plus complexe pour l’humanité, le grand canal du Nicaragua », a continué le président de la HKND.

Relier les deux océans

Ce projet de canal doit relier les deux océans en utilisant le lac du Nicaragua. Dans le projet exposé par la HKND, la liaison partira à proximité du port de Brito, au Nicaragua, il empruntera les deux vallées des fleuves Rio Brito et Las Lajas. Il rejoindra ensuite le lac du Nicaragua pour le traverser dans sa partie sud en passant à quatre kilomètres au sud de l’île de Ometepe. Il rejoindra ensuite la vallée du Rio Tule, traversa les Caribbean Highlands, puis empruntera la vallée du Rio Punta Gorda jusqu’à la côte caribéenne du Nicaragua. La partie la plus délicate sera le franchissement des Highlands Carribbean qui s’élèvent à 234 m. Au final ce projet, qui s’étendra sur 260 km, disposera de deux jeux d’écluses en entrée et en sortie. Outre le creusement du canal, le projet présenté par la HKND prévoit des digues de protection le long du canal, deux jeux d’écluses, un port à chaque extrémité et l’approfondissement du chenal d’accès à ce canal tant dans la partie Pacifique qu’Atlantique. Selon le projet dévoilé par la HKND, ce canal permettra d’accueillir des navires pouvant aller jusqu’à 20 000 EVP, des vraquiers de 400 000 tpl et des pétroliers de 320 000 tpl.

Le projet de la société chinoise et du gouvernement nicaraguayen ne date pas d’aujourd’hui. Depuis trois ans, ce projet occupe les autorités nationales de Managua sur sa réalisation.

Les premiers travaux, qui interviendront dans les prochains jours, doivent assurer la création d’un port et des routes d’accès au chantier pour les engins. Les premiers coups de pioche sont attendus dans le courant du premier semestre.

Difficile de passer à côté de ce projet. Pour les Nicaraguayens, ce canal devrait apporter de nouvelles opportunités d’emploi, assure le gouvernement. Il va surtout signifier un changement radical de leur paysage. L’opposition s’est principalement manifestée par les gouvernements britanniques et américains. Ils ont activé les réseaux écologistes pour une levée de boucliers contre un projet sans véritable projet environnemental. Et parce qu’aux États-Unis les choses ne se font que rarement dans la mesure, le site Daily Beast a appelé à une révolution armée pour empêcher la construction de ce canal. La Colombie a aussi enfoncé le clou en menaçant de porter plainte devant l’Unesco pour la destruction du Seaflower Biosphere Reserve, un parc naturel d’une superficie de 350 000 km2 situé dans les Caraïbes et qui est géré conjointement par la Colombie et l’Unesco. Fervents défenseurs du canal de Panama, le gouvernement américain craindrait-il la construction du canal du Nicaragua? Au début du XXe siècle, le gouvernement de Washington a milité pour la construction d’un canal au Nicaragua.

Sorte de revanche entre les États-Unis et la Chine quand cette dernière reprend le projet et décide de financer les travaux face aux oppositions américaines.

En France, des réactions discrètes

En France, les réactions se font discrètes. Seul le groupe politique EELV (Europe Écologie Les Verts) a réagi le 30 décembre après des manifestations de paysans et de populations rurales au Nicaragua qui aurait fait des blessés et entraînées des emprisonnements. Outre son appui aux populations révoltées nicaraguayennes, EELV dénonce « un véritable crime écologique pour un résultat dont nous ne sommes même pas sûrs qu’il fonctionnera un jour. D’après les spécialistes, la spécificité du lac du Nicaragua, doté de courants en spirales qui le remplit régulièrement de sédiments, rend titanesque son entretien. Ce canal serait peu concurrentiel face à l’élargissement du canal de Panama », indique un communiqué du parti politique français. Allant plus loin, « la suspension de grands travaux de ce type doit être posée lors de la COP 21 (Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) de Paris. Il est nécessaire de remettre en cause un modèle de développement international inégalitaire et prédateur. Au contraire, des projets de substitution ou compensations qui répondent aux préoccupations des populations doivent être envisagés et soutenus par des mesures de redistribution internationale, grâce notamment à la notion de dette écologique », continue le communiqué d’EELV.

Canal du Nicaragua: 110 ans d’histoire

Le projet de construire un canal au Nicaragua ne date pas d’aujourd’hui. À la fin du XIXe siècle, les États-Unis souhaitent développer une route maritime au travers de l’Amérique centrale pour relier l’Est et l’Ouest américains par voie maritime. Un projet par le Nicaragua est alors présenté. Il est adopté par la Chambre des représentants mais le Sénat refuse de faire de même. Après plusieurs négociations, le Sénat américain votera une motion pour la construction de ce canal. Le projet peut alors commencer quand un Français, Philippe Bunau-Varilla, ingénieur à la Société nouvelle du canal de Panama, ne trouvant pas l’aide financière du côté de la France, emploiera un cabinet d’avocats américains pour faire du lobbying en faveur du canal de Panama. En 1902, un amendement – connu sous le nom d’amendement Spooner – change la donne. Les efforts déployés par l’avocat américain ont porté leurs fruits et le texte place le canal de Panama comme le projet d’infrastructure des États-Unis. Même Théodore Roosevelt, devenant président des États-Unis en 1904 – et défenseur du canal du Nicaragua – se laissera bercer par le lobbying de l’avocat américain pour finalement pencher en faveur du projet panaméen. Les travaux du canal de Panama débuteront en 1904 pour se terminer en 1914. Le projet du canal du Nicaragua est rangé dans les tiroirs.

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