Journal de la Marine Marchande (JMM): Vous avez publié vos résultats trimestriels le 12 mai. Vous indiquez avoir constaté un bon début d’année alors que les chiffres pour les vracs secs sont en baisse. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l’année a commencé sur un bon pied malgré ces résultats?
Carsten Motensen (C.M.): Les vracs secs ont suivi les prévisions des analystes avec une baisse de 55 % sur les marchés spots. Le marché a été touché de tous les côtés avec une hausse importante de l’offre de navires et des demandes de transport, en baisse notamment à cause des inondations en Australie, du tremblement de terre au Japon et des mouvements sociaux en Afrique du Nord. Dans ce contexte, je suis plutôt satisfait des résultats que nous avons atteints dans notre division vracs secs. Nous avons réussi à conclure des contrats à des taux attractifs pour donner à Norden une grande assise dans un marché faible. De plus, notre division pétrole a réalisé des résultats au-dessus de nos prévisions, ce qui fait que Norden a enregistré un bon début d’année.
JMM: L’entrée en flotte de nouveaux navires et le peu de démolition tendent à créer une surcapacité. Pensez-vous participer à cet effort de démolition?
C.M.: La démolition de navires âgés a heureusement augmentée. Si nous prenons en référence le premier trimestre de cette année comme base, il apparaît qu’entre 3 % et 4 % de la flotte sera démolie au cours des douze mois de 2011. Selon la pyramide des âges de la flotte mondiale des vraquiers, les capacités de démolition des navires sont encore importantes. L’envoi massif dans les chantiers de déconstruction de navires pourrait permettre un rééquilibrage du marché.
Maintenant, si nous regardons plus particulièrement notre flotte, la démolition n’est pas à l’ordre du jour pour notre armement. Notre flotte est peu âgée. Au début de l’année, l’âge moyen de nos navires est de 4,2 ans pour notre flotte en propriété et de 2,2 ans pour les navires affrétés à long terme avec option d’achat. Ces deux chiffres devraient encore baisser en 2011 avec l’arrivée de nouveaux navires.
Nous pensons qu’une flotte moderne, à un coût d’exploitation faible et peu gourmande en soute, est un atout face à la concurrence, et nous investissons dans ce sens.
JMM: Quelle politique de gestion de la flotte entendez-vous mettre en place dans les prochains mois face à la surcapacité?
C.M.: En 2011, nous verrons notre flotte de navires détenus en propre et ceux affrétés à long terme avec option d’achat augmenter pour passer de 46 navires à 78. Nous allons compléter cette flotte par des affrètements à court terme voire des contrats au voyage en fonction des conditions du marché et de nos obligations. Aujourd’hui, nous opérons environ 120 navires sous affrètement à court terme.
JMM: Le groupe minier brésilien Vale a annoncé la construction de navires minéraliers (VLOC, Very Large Ore Carriers) de plus grande capacité que les capesize. Une décision qui semble inquiéter les marchés. Partagez-vous ce point de vue?
C.M.: La construction de ces navires de grande capacité ne devrait pas changer la donne. Vale et les autres groupes miniers brésiliens sont dans une phase de croissance de leur capacité d’extraction de 33 % entre 2010 et 2013, selon les derniers chiffres publiés par World Steel Dynamics. Cette augmentation de production des mines va obligatoirement avoir des effets positifs sur le marché des vracs secs, d’autant plus qu’ils seront transportés entre le Brésil et la Chine, rallongeant ainsi les routes maritimes et le temps d’occupation des navires.
JMM: Le marché des vracs secs est aujourd’hui guidé par la demande asiatique. Les inondations en Australie et le tremblement de terre au Japon ont sérieusement affecté le marché. Comment analysez-vous les prochains mois sur les marchés indien et asiatique?
C.M.: Nous sommes confiants en l’avenir. Le marché des vracs secs va se développer tant sur le court terme que sur le long terme. Il restera toujours sous l’influence de la Chine, de l’Inde mais aussi des autres marchés émergents dont l’appétit en matières premières pour l’infrastructure, l’industrialisation, l’urbanisation et l’énergie croît. Nous estimons que la demande sera toujours poussée par la croissance du PIB de ces pays émergents et aussi par l’intérêt économique d’importer des matières premières plutôt que de les produire localement, en Chine ou en Inde, ce qui coûterait plus cher.
La demande n’est pas le seul paramètre. L’élément clé demeure l’offre de navires. Avec une projection de croissance de la flotte de 13 % nette (à savoir après démolition d’une partie de la flotte). 2011 devrait donc être encore une année difficile avec une pression sur les taux de fret et des temps difficiles pour certains armateurs. Norden est prêt à relever le défi. 86 % des disponibilités en jour de notre flotte sont couvertes, ce qui nous évite d’être à la merci d’une baisse des taux. Et dans le même temps, nous regardons les opportunités qui pourraient survenir dans ces temps difficiles grâce à notre force financière. Nous voyons dans la faiblesse du marché une opportunité, pas une crainte.