Entre vice caché et enzyme glouton

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Lundi 26, 13 h 30 précises la 11e chambre reprenait ses débats basés sur la vie commerciale et technique du pétrolier depuis sa sortie de chantier de réparation. Le 21, les représentants de Total avaient expliqué leur mode de fonctionnement de « leur » vetting (1), soulignant que Total était la seule compagnie pétrolière à refuser systématiquement d’affréter un navire de 25 ans et plus.

Le président Parlos s’est interrogé sur l’influence d’un affrètement au voyage sur la sécurité maritime par rapport à un affrètement à temps, citant le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale selon lequel le premier type d’affrètement est moins sûr.

La nature du produit transporté a également retenu l’attention de la cour: les produits blancs sont inflammables ou explosifs, mais moins agressifs pour l’environnement et transportés par des navires plutôt de qualité alors que les produits noirs, très polluants, sont transportés par les navires les moins sûrs et les plus "stressés". En effet, le fait de chauffer une cargaison durant le transport génère des contraintes physiques supplémentaires sur la structure du navire, rappelait un rapport du Sénat, cité par le président.

Puis ce dernier s’est interrogé sur les conséquences prévisibles du "cocktail" formé par un chargement de produits noirs sur un navire âgé affrété à temps. "Le marché est le marché", a répondu Bertrand Thouilin, (seul salarié du groupe Total qui est prévenu en tant que personne physique), "en 1999, il y avait peu de navires récents disponibles pour charger du fioul". M. Pollara, patron de Panship, gestionnaire technique de l’Erika soulignait que, selon les périodes, le taux d’affrètement d’un transporteur de produits noirs peut être supérieur à celui d’un transporteur de blancs.

LE VICE CACHÉ

Après plusieurs échanges sur le rapport de force entre affréteurs et fréteurs et l’influence de l’âge sur l’état d’un navire, un avocat d’une partie civile demanda au représentant officiel de Total, M. Irissoux s’il avait quelque chose à reprocher à l’exploitant de l’Erika ou au Rina qui le classait . "Il n’est pas normal qu’un navire de 24 ans et onze mois, même conforté à une tempête de force 10 casse: il ne peut s’agir que d’un vice caché", répondait M. Irissoux.

La qualité du vetting Total ne fut pas la seule mise sur la sellette. Le "concours de beauté" pour reprendre l’expression du rapport de l’Assemblée nationale, des autres grandes compagnies pétrolières fut également détaillé en matière de vetting: l’Erika avait été affrété plusieurs fois par BP, et était jugé "acceptable" par d’autres comme Repsol, Exxon ou Shell. Cette dernière finit cependant par le refuser pour transporter une cargaison lui appartenant tout en acceptant que l’Erika puisse venir charger à ses terminaux pour enlever une cargaison vendue "départ", sous réserve de l’accord final de la direction du terminal.

"Comment un navire après avoir connu sa special survey, étant classé par une société membre de l’IACS et régulièrement visité par les compagnies pétrolières, même si ces dernières ne descendent ni dans les cuves, ni dans les ballasts, peut-il subir une telle dégradation qu’il casse, six mois plus tard?", s’interrogeait le ministère public. "Cela était hautement improbable" a répondu Bertrand Thouilin. "En toute logique, cela ne pouvait pas arriver", a estimé M. Pollara. Ce dernier a cependant évoqué l’existence d’un rapport de l’ABS selon lequel existeraient des micro-organismes vivant dans les hydrocarbures qui accéléraient de façon surprenante la corrosion des tôles. Ce phénomène a été signalé dans des cuves à terre, qui furent très fortement corrodées en très peu de temps (2). Après 18 h 30, l’évocation de cette hypothèse n’entraîna pas de réaction. Et pourtant. Personne n’évoqua à ce stade, le fait de Dieu.

1) Mis à part celui d’Elf, jusqu’à son rachat par Total, les principes de vetting des autres compagnies pétrolières reposent tous sur la méthode mise au point par l’OCIMF, Oil Companies International Maritime Forum. Sont propres à chaque compagnie, l’interprétation des résultats et la décision d’accepter ou non le navire, avec ou sans réserve. NDLR.

2) Rappelons que pour "expliquer" la cassure du pont principal du Castor chargé de près 30 000 t. d’essence sans plomb en décembre 2000, l’ABS évoqua dans un rapport intermédiaire un phénomène de correction hyperaccélérée, encore un peu mystérieuse (JMM du 9-11-2001; p. 21).

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