Les taux de fret suivis par l'indice mondial des conteneurs de Drewry ont encore diminué de 8 % dans la semaine se terminant le 6 septembre pour s'établir à 4 775 $ par conteneur de 40 pieds (FEU), un niveau inférieur de 54 % au précédent pic pandémique de 10 377 $ observé en septembre 2021. Mais il est toujours bien au-delà (+ 236 %) du taux moyen d'avant la pandémie, à 1 420 $. Selon ce baromètre, les prix du transport moyens peuvent être estimés à 4 127 $/FEU depuis le début de l'année.
La ligne Asie-Europe reste la plus problématique du point de vue des prix pratiqués : de Shanghai à Rotterdam, ils ont chuté de 985 $ (- 14 %) pour atteindre 6 219 $ par conteneur de 40 pieds. De même, vers Gênes, les tarifs se sont contractés de 12 % soit 769 $ pour s'établir à 5 842 $/FEU.
Sur le transatlantique, de Rotterdam à New York, une nouvelle fièvre semble se profiler : les tarifs sur le marché comptant ont bondi de 16 % ou 304 $ pour atteindre 2 212 $ par conteneur de 40 pieds.
Résistance transpacifique
Le marché transpacifique continue de résister à la baisse qui s'observe depuis la mi-juillet après que les taux de fret se sont enflammés pendant plusieurs semaines consécutives en réaction aux perturbations en mer (déroutement massif de porte-conteneurs, allongement des distances). Les entreprises ont pris leurs dispositions pour envoyer leurs marchandises avant la haute saison, dopant la demande de transport. Les taux spot de Shanghai à Los Angeles n'ont baissé que de 3 % (218 $). Il en coûte 6 030 $ par boîte de 40 pieds pour le fret conteneurisé entrant par la porte ouest-américaine.
Les ports de Los Angeles et Long Beach servent par ailleurs de sas d'entrée au fret qui entre d'ordinaire par la façade Est. Un phénomène d'anticipation au risque d'une grève portuaire des dockers. Le 5 septembre, à l'issue de deux journées de réunion, l'International Longshoremen's Association (ILA) a annoncé qu'elle bénéficiait de l'adhésion des délégués représentant les 13 principales zones portuaires de la côte est et du golfe du Mexique aux États-Unis. Les dockers et leurs employeurs ne parviennent pas à se mettre d'accord sur les termes du nouveau contrat de travail de six ans, la précédente convention collective expirant à la fin du mois. L'ILA campe sur ses propositions respectives tandis que l'l'United States Maritime Alliance (USMX) a indiqué dans un communiqué qu'elle cherchait à reprendre les négociations. Dans ces échanges, l'inflation sert de curseur. L'automatisation voire la semi-automatisation est la ligne rouge.
Une semaine de grève égal un mois de retard
Selon une règle empirique largement admise dans le secteur veut qu'une grève d'une semaine puisse entraîner un mois de retards importants. D’après Sea-intelligence, une grève signifierait l'impossibilité de charger 20 000 EVP par jour, estimation faite sur la base d’un traitement mensuel d'un port est-américain (2,3 MEVP en octobre), soit 74 000 EVP par jour, dont 36 000 à l'importation et 38 000 à l'exportation.
Si les grèves sont familières aux usagers des ports américains – sur la côte Ouest, un accord a été trouvé 13 mois après l'expiration de la convention collective –, l'issue du mouvement est plus complexe compte tenu de l'agenda politique chargé. Dans une année à échéance présidentielle, il pourrait être difficile de tenir les intérêts politiques à l'écart des négociations alors qu'une grève pourrait menacer l'économie américaine. Le syndicat a clairement signifié qu'il ne voulait pas d'ingérence.
En attendant, les taux de fret de Shanghai vers New York ont diminué de 2 % pour atteindre respectivement 8 451 $.
Faiblesse du secteur frigorifique
Après une reprise timide au premier trimestre de l'année, les taux de fret reefer sur la plupart des routes sont, eux, restés faibles tout au long du semestre, indique aussi l'indicateur de suivi de Drewry.
Les volumes transportés ont chuté de plus de 5 % en 2023, la majeure partie de la baisse s'étant produite au cours des trois premiers trimestres de l'année, bien avant que les navires ne soient pris pour cible par des drones et des missiles à Bab-el-Mandeb. La chute de la demande de transport est bien supérieure à la baisse de 0,7 % du commerce maritime mondial de produits réfrigérés, faisant suite à la baisse de 1,5 % en glissement annuel en 2022.
Adeline Descamps