Les États-Unis sont dans une année-majuscule, celle du renouvellement du mandat confié au locataire de la Maison Blanche. Les deux candidats en lice, le démocrate Joe Biden, actuel occupant du Bureau Ovale, et le républicain Donald Trump, son prédécesseur, ont au moins deux points en commun : ils veulent rempiler à la tête du pays et contrer la présumée sino-influence.
Sous l'administration de Donald Trump, les autorités américaines avaient multiplié les droits de douanes « punitifs », notamment sur les importations de produits chinois pour arracher à Pékin un accord commercial plus équilibré pour la balance commerciale américaine. L'ex-président avait eu la même attitude à l'égard de l'Union européenne, qui avait riposté en surtaxant des produits américains.
Copie conforme
Nonobstant quelques évolutions à la marge et une attitude plus amicale envers ses alliés européens, les barrières commerciales sont non seulement restées fermées à la Chine sous Joe Biden mais elles ont été renforcées avec une approche visant à limiter l'accès des Chinois aux technologies de pointe (semi-conducteurs avancés, intelligence artificielle, terres rares et matériaux stratégiques, batteries et véhicules électrique) et au capital des entreprises américaines.
Dans les faits, les effets sont quasi nuls. Le Mexique et le Vietnam, par où transitent les produits chinois destinés aux États-Unis, servent de sas d’entrée, offrant une porte d'entrée afranchie des barrières. L'évolution des flux de conteneurs peuvent en témoigner, selon les données de suivi de Xeneta, la plateforme d'analyse comparative sur les taux de fret.
Le Mexique, en porte dérobée
L'entreprise note que les échanges conteneurisés entre la Chine et le Mexique ont augmenté de 34,8 % en 2023 alors qu'elles avaient cru de 3,5 % en 2022. En janvier, ils faisaient à nouveau un bond de 60 % par rapport à janvier 2023 pour atteindre les 117 000 EVP expédiés depuis le pays (contre 73 000 EVP il y a un an, selon les données Container Trades Statistics).
Le premier trimestre a enregistré une nouvelle progression de 34 % par rapport au mois de mars 2023 et les derniers droits de douane américains pourraient leur donner un élan supplémentaire.
« Dans un scénario purement hypothétique, si ce taux de croissance se maintient, en 2031, il y aura plus de conteneurs importés de Chine au Mexique que via la côte ouest des États-Unis, provoque Peter Sand, analyste maritime chez Xeneta. Il semble que les chargeurs américains cherchent à importer des marchandises en provenance de pays tels que le Vietnam comme alternative à la Chine, comme c'est de plus en plus le cas depuis que la hausse des tarifs douaniers de 2018 a frappé le marché ». Le spécialiste voit dans l'ouverture d'un nouvel aéroport réservé au fret à Mexico l'an dernier une preuve supplémentaire de la poussée de la demande ces dernières années.
Aux risques et périls des chargeurs
Si l'importation via les ports de la côte ouest du Mexique depuis la Chine est considérée comme une alternative viable à la route transpacifique bien établie, « les importateurs devront faire face à une forte volatilité à mesure que les volumes continueront d'augmenter, à plus de complexité et à des coûts », prévient Peter Sand
En avril, les taux à long terme pour le transport maritime de fret de la Chine vers la côte ouest du Mexique (2110 $ par conteneurs de 40 pieds, FEU) sont tombés en-dessous de ceux de la façade ouest-américaine (2 190 $/FEU).
Depuis lors, les taux à long terme ont changé plus de cinq fois de trajectoire pour finalement converger vers un niveau peu ou prou similaire le 14 mars, à 1887 $/FEU vers la côte ouest du Mexique et 1 892 $ vers les États-Unis.
Ils viennent de subir un coup de surchauffe. Le 14 mai, le taux spot moyen de la Chine vers Los Angeles était fixé à 3 837 $/FEU (+ 162 % par rapport au 14 mai 2023). Ils témoignent de la forte demande américaine et sans doute aussi des effets de panique sur une problématique de capacité du fait des perturbations en mer Rouge qui a poussé la quasi-totalité de la flotte de porte-conteneurs à dévier, allongeant les distances de 10 à 15 jours.
Quoi qu'il en soit, la taxopathologie commerciale n'a jamais été une grande alliée du commerce. « Plus de paperasserie et de complexité dans les chaînes d'approvisionnement, c'est la dernière chose dont le secteur du transport maritime de marchandises avait besoin en ce moment », reconnait le consultant de Xeneta.
Adeline Descamps
Chine/États-Unis : protectionnisme et escalade douanière pour horizon indépassable ?
Guerre commerciale États-Unis/Chine : salve de droits de douane sur plusieurs produits chinois
Droits de douane : l'Union européenne pourrait-elle suivre ?
La Commission européenne a ouvert une enquête début mai sur les pratiques considérées comme déloyales des autorités chinoises, notamment les subventions à certains secteurs, à commencer par celui des véhicules électriques ou de l'acier. À l'issue de l'enquête, l'UE pourrait décider de taxer les véhicules importés de Chine, au-delà des 10 % actuels.
Pour autant, Bruxelles est beaucoup plus réservée que Washington sur le recours aux droits de douane à l'encontre de la Chine, simplement parce que les règles de l'OMC exigeraient qu'elle apporte les preuves que les subventions sont la cause des prix bas des produits chinois.
L'Allemagne et la Suède, dont l'industrie est à forte dominante automobile, ont exprimé très rapidement leurs réserves sur les droits de douane punitifs sur les véhicules électriques chinois, comme vient de le faire Washington en les faisant passer de 25 à 100 %.
300 unités construites en Chine
« C'est une mauvaise idée (...) de démanteler le commerce mondial », a déclaré le Premier ministre suédois Ulf Kristersson lors d'une conférence de presse relayé par l'AFP, alors que la compétitivité économique européenne a fait partie des discussions avec le chancelier allemand en visite. Olaf Scholz a souligné de son côté que 50 % des importations de véhicules électriques en provenance de Chine étaient aujourd'hui le fruit de fabricants occidentaux.
Selon une récente étude de l'ONG Transport & Environment (T&E), environ 20 % de toutes les voitures électriques vendues dans l'UE l'année dernière, soit 300 000 unités, ont été construites en Chine. Plus de la moitié étaient le fait de marques occidentales, notamment Tesla, Dacia, BMW. Le patron de la marque emblématique allemande, Oliver Zipse, était d'ailleurs monté au créneau début mai lorsque Bruxelles a ouvert son enquête
La constructeur automobile suédois Volvo Cars, propriété du groupe chinois Geely, vend 42 % de sa production en Europe et 24 % en Chine. Il possède trois usines d'assemblage en Chine et deux en Europe, une troisième étant en construction en Slovaquie.
A.D.