Fabrication de conteneurs : vers une réédition de l’ère Covid ?

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Crédit photo ©CIMC
Les fabricants de boîtes, tous chinois, ont réalisé un semestre très profitable, pour certains, historique, grâce aux perturbations en mer Rouge. Si les déroutements absorbent 10 % de la capacité des navires, un nombre important de conteneurs se trouve englouti en cours de route.
 

Les fabricants de conteneurs aimeraient bien rééditer les performances qu’ils avaient enregistrés durant la pandémie. Les perturbations en mer Rouge pourraient bien leur en offrir l’opportunité. Les détournements de navires autour du cap de Bonne Espérance, afin d’éviter la route traditionnelle via le canal de Suez devenue peu sécure du fait des attaques des Houthis, ont aussi un impact sur le parc de conteneurs. Si les déroutements absorbent 10 % de la capacité des navires et que ceux-ci peuvent transporter plus de 24 000 EVP en moyenne, un nombre important de conteneurs se trouve englouti en cours de route.

Sous l’ère Covid, le boom de la demande face à une offre limitée avait fait grimper en flèche les tarifs des boîtes, à la vente comme à la location. Pour répondre à la demande accrue, les fabricants avaient augmenté leur production à des niveaux historiques. Mais avec le retournement de conjoncture en 2023, la pénurie de boîtes, qui avait été exacerbée par les goulets d’étranglement dans les ports, s’est transformée en surplus et a conduit à un effondrement de la production de conteneurs neufs. En 2023, l’excédent de conteneurs sur le marché était estimé à 6 MEVP par Drewry, tandis que la production annuelle est retombée à 2,3 MEVP, soit une baisse de près de 40 % par rapport à l'année précédente. Mais à une jauge toutefois bien supérieure aux 1,8 MEVP de la terrible année 2009.

Bénéfices en hausse

« Bénéficiant d'une forte demande de transport par conteneurs au cours du premier semestre de l'année en raison de la reprise du marché et de l’allongement des routes maritimes, causé par la crise en mer Rouge, l'activité de fabrication de conteneurs de notre groupe a connu une augmentation significative des ventes », a indiqué China International Marine Containers, à l’issue des six premiers mois de cette année.

CIMC compose avec Cosco Shipping, CXIC (CXIC Group Containers) et Singamas (Singamas Container Holdings) le quatuor de tête mondial (et chinois) dans la fabrication de ces parallélépipèdes usinés dans un acier de simple facture mais devenus si essentiels durant la pandémie.

Le plus grand fabricant mondial de boîtes a été porté par la demande mondiale de transport maritime par conteneurs au cours du premier semestre qui s’est redressée de 7,1 % par rapport à l'année précédente, selon les données de Container Trade Statistics (CTS), atteignant les 89,6 MEVP.

Un semestre historique pour CIMC

La société, cotée à Shenzhen et à Hong Kong, a enregistré un chiffre d’affaires semestriel de 3,5 Md$, en hausse de 82,5 % par rapport à l'année précédente, tandis que son bénéfice net s’est établi à 178 M$ (+ 66 %). « Il s'agit de la meilleure performance de l'entreprise au premier semestre depuis le début de sa production en 1982 », précise le communiqué. Le volume cumulé des ventes de conteneurs dry a atteint 1,38 MEVP contre 263 100 EVP un an plus tôt. Un pas de géant (425,54 %) qu’il faut nuancer par un effet de base, l’année 2023 ayant été particulièrement faible. Il faut y ajouter 44 700 EVP de reefers, toutefois en sous-régime par rapport à 2023 (51 500 EVP).

Le marché du transport de conteneurs est toujours confronté à un certain nombre d'incertitudes en raison de la persistance des événements géopolitiques et de la perspective d’une grève d’ampleur sur la côte est-américaine et le golfe du Mexique, indique l'entreprise. « Ces facteurs influent sur la capacité de transport effective et l'efficacité de la rotation des conteneurs. Face au risque de pénurie de conteneurs engendré par ces événements incertains, la volonté des clients d'épargner du temps et de l'argent est renforcée », indique le rapport financier semestriel.

Pour autant, le leader mondial est confiant. « Compte tenu du taux de renouvellement des anciens conteneurs, on peut raisonnablement penser que la demande de nouveaux conteneurs devrait être soutenue au cours de la période 2024-2025 ».

Un quart des ventes dans les conteneurs spéciaux pour Singamas

De son côté, Singamas Container a également prévu de passer une belle année si son deuxième semestre est à l’image du premier. Bailleur et fabricant de boîtes, la société, cotée à Hong Kong, a vu ses revenus progresser de 28,2 % pour atteindre 228,7 M$ (sur les 242 M$ du groupe), représentant un volume de ventes de 93 000 EVP, à 73 % dans le dry. Son bénéfice (avant impôts et intérêts) ressort en progression de 75,9 % pour s’établir à 18,1 M$.

Outre la croissance de la demande de conteneurs en lien avec « la reprise du commerce mondial, la congestion des ports et les besoins d'équipements supplémentaires alors que les transporteurs naviguent autour du cap Bonne Espérance », le fabricant a également profité de la dynamique du leasing, qui offre « des recettes relativement stables dans la mesure où il s’agit de contrats entre 3 et 10 ans ou plus ». Si le groupe entend développer ses capacités dans ce segment au cours des prochaines années, il reste marginal (2,8 M$). « Mais cette activité permet au groupe d'optimiser ses opérations », ajoute la direction.

Le prix de vente moyen d'un conteneur de 20 pieds ayant chuté à 1 918 $ au cours du premier semestre (2 078 $ il y a un an à la même période), il faut en déduire que l’entreprise a tiré ses recettes de l’augmentation de la demande et d’un taux d'utilisation plus élevé de ses capacités de production.

Le plus petit des quatre géants du secteur est réputé pour avoir une gamme de conteneurs un peu plus large que ses concurrents. S’il a réalisé l’essentiel de ses ventes (73,2 %) dans le dry, les conteneurs spécialisés représentent plus du quart de ses ventes. « Les conteneurs de systèmes de stockage d'énergie ont notamment contribué à l’amélioration des bénéfices », a précisé l'entreprise. »

Commandes bien orientées

Au cours du prochain semestre, Teo Siong Seng, le PDG du groupe, prévoit que la demande de restera forte, « car l'impact de la crise de la mer Rouge devrait se prolonger pendant un certain temps ». Pour l’instant, les commandes pour le troisième trimestre sont bien orientées, fait-il valoir, « car les détaillants américains font du stock avant la saison des achats ». La demande est en revanche plus incertaine pour le dernier trimestre, séquence traditionnellement plus calme. Le numéro trois mondial redoute aussi des effets liés aux résultats de l'élection présidentielle américaine. « Ils risquent d'affecter les liens sino-américains, ce qui pourrait avoir un effet d'entraînement sur le commerce ».

Une demande de remplacement de 1 à 2,5 MEVP

La société de courtage Guotai Junan Securities estime que, compte tenu de la durée de vie d’une boîte de l’ordre de 12 à 15 ans, une demande de remplacement d'environ 2 à 2,5 MEVP devrait s’observer cette année. Cela porterait alors à 4,5 MEVP le potentiel en année pleine.

« Bien que les prix des équipements et les taux de fret restent élevés, le volume des échanges de conteneurs a chuté en raison de la prudence croissante des acheteurs », modère Christian Roeloffs, cofondateur et PDG de Container xChange, place de marché pour le commerce et la location de conteneurs, qui souligne l'extrême volatilité du marché. « Nous avons vu les prix d'un conteneur de 40 pieds passer de 2 200 à 2 300 $ en avril à 2 500 à 2 700 $ en mai. Depuis le début de l’année, les prix des conteneurs en Chine connaissent une volatilité importante, avec des taux qui changent rapidement, parfois en quelques jours seulement », indique-t-il.

Selon des sondages effectués auprès de ses clients, un nombre important de conteneurs seraient bloqués dans des lieux du réseau où il y a un excédent structurel de conteneurs. La récupération de ces boîtes peut ne pas être économiquement réalisable en raison de coûts élevés de transport, d'un stockage peu coûteux sur place, ou de conteneurs en fin de vie.

Entre 2017 et début 2020, les prix des conteneurs avaient chuté de manière assez spectaculaire. À la fin de 2019, ils valaient entre 1 650 à 1 750 $ par EVP. Durant la pandémie, ils se sont envolés, autour de 3 500 $.

Adeline Descamps

 

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