Coup de théâtre, faute d’un accord sur les conditions de la transaction, DFDS a fait savoir dans un communiqué publié ce 1er novembre qu’il n’ira pas plus loin dans l’acquisition du réseau routier international d’Ekol Logistics. Deux ans après avoir entamé les négociations avec le groupe turc et sept mois après avoir conclu un accord d'achat d'actions et obtenu le feu vert des autorités turques de la concurrence. « Un certain nombre de conditions contractuelles de l'accord [n’ayant] pas été remplies dans le délai convenu, nous avons résilié le contrat d'achat d'actions et la transaction n'aura donc pas lieu », indique le bref communiqué.
La transaction, qui portait sur un montant de 260 M€ (7,6 fois l’Ebitda), devait être finalisée au quatrième trimestre 2024, sous réserve de l'approbation de la direction antitrust européenne, qui n'avait pas encore rendu son avis. Ekol Logistics a réalisé un chiffed d'affaires de 470 M€ en 2023, emploie 3 700 personnes et dispose de 26 sites.
Une acquisition en reflet de la stratégie de DFDS
Le groupe danois de transport (ferries et ro-ro) et de logistique (route/rail), qui a pris le contrôle de l'armateur turc U.N. Ro-Ro en 2018, avait manifesté en octobre 2022 son intérêt pour cette autre entreprise turque, qui transporte des marchandises entre la Turquie et l'Europe et dont plus de la moitié des transports combinent la route, le ferry et le rail.
Les deux entreprises sont par ailleurs familières l'une de l'autre, coopérant de longue date en Méditerranée. Ekol achète des capacités sur le réseau méditerranéen des ferries de DFDS. L'accord s’est depuis étendu au transport ferroviaire, que le groupe danois développe depuis les ports d'arrivée vers plusieurs destinations européennes. « Une telle combinaison d'activités de ferry et de logistique dans le réseau méditerranéen refléterait le modèle commercial éprouvé de DFDS en Europe du Nord », justifiait lors de la manifestation d'intérêt la direction.
Le groupe danois cherche à étendre ses connexions intermodales en Europe du Sud avec des solutions de transport de bout en bout. La Turquie est un des pivots. Torben Carlsen, PDG de DFDS, croit beaucoup à la montée en puissance du nearshoring vers l’Europe en raison des perturbations croissantes dans le transport maritime, des préoccupations environnementales et de la montée des tensions commerciales et géopolitiques, fait-il valoir.
Dans ce schéma, la Turquie deviendrait central car « le pays dispose d’un secteur industriel et d'une main-d'œuvre qualifiée et abondante » tandis que les « fabricants européens y ayant des usines de production ou d'assemblage » sont une cible et la remorque un moyen pour « minimiser les jours de voyage ». Le fret transporté de part et d’autre est notamment sensible au temps (automobile, pièces industrielles et textile/vêtement). Selon les données de DFDS, la demande de transport entre la Turquie et l'Europe va croître en moyenne d'environ 14 % par an jusqu'en 2028, précisément grâce à la délocalisation des chaînes d'approvisionnement vers l'Europe.
En marche forcée
Le Danois est en marche forcée depuis quelques années pour développer la complémentarité entre le roulier maritime et la logistique ferroviaire et routière de la remorque (flotte de 3 900 remorques/caisses mobiles). En témoigne le rachat à Kühne de l’opérateur ferroviaire allemand PrimeRail en 2022.
Dans l'Hexagone, DFDS, qui opère depuis Marseille, Dunkerque, Calais, Sète et Dieppe, a choisi pour son réseau Méditerranéen de faire passer ses remorques par Sète, où il est implanté depuis 2019. Il semble vouloir y dupliquer le schéma éprouvé à Trieste, son hub pour les marchandises transportées entre la Turquie et l’Europe centrale, où il exploite l’un des quatre terminaux ferroviaires.
Revoyure de ses bénéfices
La résiliation de l'accord, qui « pourrait avoir un certain impact financier sur les résultats du quatrième trimestre » mais aussi le « ralentissement plus généralisé que prévu en Europe et une concurrence accrue sur les marchés du transport terrestre en Europe du Nord ainsi que le ferry méditerranéen » amènent l’entreprise à revoir à la baisse ses prévisions pour 2024.
Elle s’attend désormais à un Ebit (excédent brut d'exploitation) entre 1,5 et 1,7 milliard de couronnes danoises (entre 201 et 228 M€) contre 1,7 et 2,1 précédemment (entre 228 et 281 M€). Ses flux de trésorerie disponible ont été ajustés à 1,2 milliard de DK (160 M€) contre 1,5 milliard. « Les conditions actuelles de marché devraient se maintenir pour le reste de l'année, alors qu'un rebond de l'activité était précédemment attendu », souligne encore la direction dans son communiqué. DFDS publiera ses résultats financiers pour le troisième trimestre le 7 novembre.
Adeline Descamps