Les transits de navires par le canal de Panama ont été stables en septembre par rapport à août, mais l’exercice fiscal (octobre 2023-septembre 2024) s’est caractérisé par une navigation difficile avec une baisse de 29 % de transits de navires en raison des conditions météorologiques et du manque criant de précipitations.
Le déficit hydrique – le principal ennemi de l'infrastructure –, que le réchauffement climatique a exacerbé ces dernières années (évaporation plus marquée des deux lacs artificiels qui fournissent en eau le système de ses écluses), a été aggravé l’an dernier par le phénomène de sécheresse intense El Niño, qui se produit tous les sept ans.
Durant la saison sèche (jusqu’en avril-mai), l’administrateur de l’isthme centraméricain a été contraint de réduire la jauge des passages à plusieurs reprises pour ne pas surajouter au stress hydrique, engendrant des perturbations non négligeables. Au pic de la congestion, une centaine de navires étaient comptabilisés au mouillage et certains ont dû attendre jusqu'à 21 jours pour traverser la voie navigable qui permet de passer de l'océan Pacifique à la mer des Caraïbes en moins de dix heures.
Ce n’est que depuis le 1er juin que le gestionnaire s’autorise à lever progressivement les barrières. En septembre, il était enfin revenu à son niveau de fonctionnement quasi normal, soit 36 transits quotidiens contre 24 en janvier. Au grand soulagement du gestionnaire, El Niña, qui a succédé à El Niño, s'est caractérisé par une augmentation des précipitations, ce qui a permis de ramener les réservoirs des deux lacs Gatùn et Alajuela à leur niveau optimal et de porter le tirant d’eau à ses 50 pieds habituels (15,24 m).
Un trafic sanctionné
La situation s’est normalisée mais le trafic a été sanctionné. Au cours de l'exercice 2024, le canal de Panama a enregistré 9 944 transits (2 856 néo-panamax et 7 088 panamax) pour un volume de 423 Mt contre 511 Mt pour l’exercice précédent.
Les statistiques sont sans appels : les mois, où le canal a dû réduire considérablement le nombre des transits, ont perdu la moitié de leur trafic comparé à l’exercice précédent. Novembre, décembre, janvier et mars ont accusé des baisses entre 41,61 % et 50,12 %. Durant cette période, guère plus de 24 navires pouvaient alors emprunter la voie navigable. A contrario, en août et septembre, où 34 à 35 navires étaient autorisés à passer, la chute des transits avait été endiguée : - 6,42 % en août et – 1,96 % en septembre.
Les porte-conteneurs, les chimiquiers et les vraquiers demeurent les premiers clients de l’infrastructure. En raison de ces contraintes, les grands porte-conteneurs ont pourtant dû transborder les boîtes à travers l'isthme par train. Mais avec 2 773 transits, leur nombre ne s’est replié que de 0,5 %. Les vraquiers (1 278) ont en revanche bien déserté (- 107), toutefois moins que les méthaniers (- 183,5 %) mais ces derniers ne font pas partie des premiers usagers (115 unités enregistrées). En revanche, les transporteurs de GPL (1 561) sont restés fidèles (- 12,56 %)
L'administrateur du canal, Ricaurte Vásquez Morales, a présenté ces résultats à l’occasion du New York Maritime Forum et insisté sur « quelques avancées opérationnelles » en dépit des circonstances particulières de l’exercice. « Le temps d’attente a été réduit de 1 %, ce qui se traduit par une moyenne d'environ 15 heures de moins par rapport à 2023 tandis que les navires ont passé 16 heures de moins dans les eaux du canal », a assuré le président de l’ACP, l'autorité du canal de Panama.
L’État du Panama prévoit d'augmenter ses recettes de près de 20 % pour l'année fiscale 2024/25, gageant sur 5,6 Md$. Fin août, l'administrateur a présenté une nouvelle méthode d’attribution des créneaux, entrée en vigueur depuis ce mois d'octobre pour tous les segments de marché à l'exception du GNL et du GPL. La nouvelle grille tarifaire comprend notamment des frais visant à décourager les annulations de dernière minute et à « fournir des alternatives de transit aux navires qui n'ont pas obtenu de créneau alors qu’ils sont déjà dans les eaux du canal, dans le but d'optimiser la capacité et de minimiser les temps d'attente », se défend l'administrateur.
Début de la saison des croisières
La saison des croisières 2024-2025 pour le canal a démarré le 7 octobre, avec le Brilliance of the Seas, qui ouvre la voie aux 225 attendus (contre 200 durant la précédente). Pourtant, certaines compagnies de croisière ont modifié ou annulé leurs itinéraires en raison des difficultés de navigation. L’administrateur est néanmoins confiant : pour 2025, la demande mondiale de passagers est estimée à 6,9 %, tandis que la flotte mondiale de croisières augmentera de 19 unités, pour un total de 460 navires. Ce sont autant de clients.
Pour cette saison, quatorze paquebots traverseront le canal de Panama pour la première fois, dont le World Explorer, parmi les plus grands au monde. En outre, 54 navires de taille neo-panamax devraient emprunter la voie (contre 42 pour la précédente année), dont neuf seront parmi les plus grands à avoir jamais traversé.
Fin août, dans la catégorie des porte-conteneurs, le MSC Marie, d'une capacité de 17 640 EVP et long de 366 m avec 51 rangées de boîtes dans la largeur, est devenu le premier néo-panamax de cette taille à transiter par les écluses les plus récentes (2016). Il a délogé l’Ever Max (17 312 EVP).
Régler un problème structurel
Encore faut-il que le canal de Panama ne soit pas à nouveau entravé. L’ennemi public numéro un reste l’eau. Le conseil d'administration de l’ACP (Autorité du canal de Panama) a présenté au gouvernement, en septembre 2023, une première proposition à deux options. La première consiste à définir le bassin versant du canal et de modifier ou d'étendre les limites établies par une loi de 2006. La seconde serait de lever les restrictions imposées au canal pour la construction d'un nouveau réservoir. Plus récemment, il a soumis un autre projet qui consiste à « identifier des sources d'eau alternatives à partir des 51 bassins versants et lacs du Panama ainsi que des possibilités pour augmenter la capacité de stockage ».
Adeline Descamps
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