Investi dans le militantisme syndicat — deux mandats à la tête d’Armateurs de France –, Jean-Emmanuel Sauvée va succéder en octobre à Alain Bovis, à la tête de l’Académie de marine pour un mandat de deux ans.
« Dans le tohu-bohu médiatique, nous nous devons de faire entendre haut et fort une voix de raison et d’expérience, d’impartialité et d’objectivité. En célébrant le centenaire de sa renaissance en 2021, l’Académie a engagé un retour aux sources, celles d’une institution dévouée à l’intérêt public, au service de l’ensemble de la communauté maritime », indique Alain Bovis dans un message de fin de mandat.
Polytechnicien et ingénieur diplômé de l'Ensta (École nationale supérieure de techniques avancées), l'expert en hydrodynamique navale, à la longue carrière à la DGA et à DCNS, aujourd'hui à la tête d'une société de conseil en stratégie, se sera attaché pendant son mandat de quatre ans (deux en tant que vice-président) à mieux faire connaître cette historique institution placée sous la tutelle du ministre des Armées et créée pour produire du contenu de qualité (culturels, scientifiques, technologiques, économiques, juridiques et environnementaux) sur les problématiques relatives au maritime et aux mers et océans
Le centenaire de la refondation de l'Académie durant son mandat, en 2021, l’a sans doute aidé mais il faut reconnaître au président sortant d’avoir rendu plus visible et audible la vielle dame, dont ses membres contribuent à l’élaboration des politiques publiques – l'Académie a notamment remis des études au secrétaire d’État en charge de la mer et au chef d’état-major de la Marine nationale –, et s’investissent dans l’éducation nationale.
« Il nous faut diffuser plus largement et plus rapidement nos avis afin qu’ils soient relayés dans l’opinion publique », insiste Alain Bovis avant de remettre le tablier. « Notre modèle économique est équilibré et nous a permis de faire face à nos obligations et à nos projets. Cependant, un véritable effort reste nécessaire pour lever des fonds au titre du mécénat individuel et collectif. Notre développement futur est en jeu », pose-t-il en passage de relais à Jean-Emmanuel Sauvée.
Un président représentant les activités de transport maritime
Faut-il y voir un autre signe d'ouverture ? Le nouveau président de cette maison, au caractère militaire plus affirmé, est un représentant des activités maritimes civiles, celles du transport.
Le profil ADN du nouvel impétrant coche toutes les cases. Jean-Emmanuel Sauvée est issu d’une famille de marins : son grand-père fut lieutenant au service de la Compagnie des Messageries maritimes avant de devenir journaliste maritime et fondateur de La voix du marin ; son père fut capitaine au long cours au sein de la Compagnie des Messageries maritimes puis administrateur général des Affaires maritimes. Le dirigeant, dont on ne sait plus bien si le cœur est en Bretagne, où il est né, où à Marseille, où il s’est posé depuis plus de 20 ans, est aussi un ancien officier de la marine marchande, formé à l'ENSM de Nantes.
Il est un homme connu du sérail pour être le cofondateur, en 1998, avec une dizaine de navigants, de Ponant, l’une des rares sinon l'unique compagnie de croisière sous pavillon français, qui a été ensuite rachetée par Artemis en 2015, la holding de François Pinault. Il a lâché la barre en 2021, de gré ou de force, est-on tenté d'ajouter (le secteur maritime n’aime guère les infos qui font splash et pschitt).
Aujourd’hui, Jean-Emmanuel Sauvée pilote la division baptisée « Transport maritime spécialisé » du groupe CMA CGM (qui a possédé un temps 90 % de Ponant), dans laquelle l’armateur marseillais présidé et dirigé par Rodolphe Saadé, nouveau tycoon des médias, a versé ses dernières acquisitions et participations : la compagnie de ferries La Méridionale, dont Jean-Emmanuel Sauvé est en outre le président non opérationnel, la participation de 12 % dans la compagnie transmanche Brittany Ferries, les 35 % dans Neoline, la société à l’origine d’un roulier à voile transatlantique, et les activités de car carriers.
Nouveau bureau
Le nouvel élu sera assisté par l’archiviste-paléographe Hélène Richard, qui en tant que vice-présidente est « condamnée » à en devenir présidente en 2026, conformément aux statuts du bureau. Diplômée de l’école nationale des chartes et titulaire du diplôme de conservateur des bibliothèques, elle a fait toute sa carrière
au sein des bibliothèques publiques et de recherche dont la Bibliothèque nationale de France et l’Inspection générale des bibliothèques. Elle est actuellement vice-présidente de la Société française d’histoire maritime.
Parmi les trois autres membres titulaires figurent Catherine Chabaud, députée européenne depuis 2019 et grande navigatrice (Figaro, Route du rhum, Vendée globe), devenue une légende pour avoir été la première femme ayant bouclé le tour du monde en solitaire ; Christian Dugué, polytechnicien (IGA), un spécialiste reconnu des sous-marins et de la propulsion nucléaire ayant participé à la construction du Triomphant et au programme du SNA Barracuda entre autres, et Jean-Étienne Quintin. Expert en contentieux maritimes et mandaté auprès de l’OTAN, ce spécialiste en assurance maritime et transport, très au fait des risques de guerre, a rejoint le courtier Diot Siaci après un parcours au sein de grands société de courtage en France et à l’étranger.
Parmi les temps forts qui attendent le nouveau bureau, l’organisation d’un colloque international à Marseille les 25 et 26 mars prochain en prélude à la Conférence
des Nations Unies sur les Océans de Nice, en juin 2025.
Adeline Descamps
Un institution royale
Créée à Brest au XVIIIe siècle, l'Académie de marine est aujourd'hui un établissement public national à caractère administratif placé sous la « protection » du président de la République et la tutelle du ministre des armées dont l'organisation est fixée par décret.
Les membres de l'Académie de marine sont des personnalités représentatives de l’ensemble des domaines d’activités ayant trait à la mer : 78 membres titulaires, de nationalité française, vingt membres (maximum) associés, de nationalité étrangère et des membres honoraires. Ils sont répartis dans six sections (Marine militaire ; Marine marchande, pêche et plaisance ; Sciences et techniques ; Navigation et océanologie ; Histoire, lettres et arts ; Droit et économie).
Comme pour une académie, le recrutement des membres s'effectue par élection lorsque, à la suite du décès, de la démission, ou de l’admission d’un membre à l’honorariat, un poste est devenu vacant dans l’une des sections.