Conteneur : le marché multiplie les signaux faibles mais sans désactiver les commandes

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Plans sociaux, valeurs au plancher sur le marché de l'occasion, tarifs d'affrètement en chute libre, multiplication des annulations de départs, ajournement des livraisons, navires retirés du marché... Le sentiment négatif du marché ne dissuade pourtant pas les armateurs de passer commandes, CMA CGM en tête avec 36 des 187 navires commandés en neuf mois, moyennant 6,5 Md$.

L’information peut paraître anecdotique mais elle n’en est pas moins symbolique. Car le transitaire numérique Flexport avait été sacrément porté par la vague porteuse du secteur durant la pandémie, doublant son chiffre d'affaires en un an et levant 935 M$ à l’occasion d’un tour de table financier.

La récession du marché, qui s’est accompagnée d’une chute des taux de fret et donc de sa facturation, l'a amputé de 70 % de son chiffre d'affaires au cours du premier semestre 2023, selon The Information, un média spécialisé dans les technologies.

L’entreprise vient d'annoncer le licenciement de 600 personnes, soit environ 20 % de la main-d'œuvre, alors qu’elle s’était déjà séparée de 20 % de ses effectifs cette année.

Les prix tirés vers le bas

L’actualité sur le marché S&P n’est guère plus enthousiasmante. Parmi les dernières ventes signalées, le panamax Oakland (4 890 EVP), un porte-conteneurs mis en service en octobre 2000, a été vendu par Costamare à des intérêts chinois pour un peu moins de 12 M$.

MSC a, lui, fait main basse sur les Northern Magnitude (6 732 EVP) pour 17,5, de 5 M$ inférieur à l’évaluation faite par VesselsValue.

Un post-panamax de 20 ans et de 7 000 EVP a été cédé pour 26 M$. Il y a un an, il aurait été vendu pour 75 M$.

Chute des tarifs d'affrètement

Le ralentissement de la demande, associé à la surcapacité croissante – 2,5 MEVP à livrer d'ici la fin de cette année, 3 MEVP attendus en 2024, selon Drewry –, font aussi chuter les revenus quotidiens à l'affrètement.

Le Xiamen, un porte-conteneurs de 17 ans d’âge et de 4 253 EVP, a été négocié à 18 000 $/jour sur une durée d’un an, soit environ 2 000 $/jour de moins que la moyenne annuelle des panamax standard, ce que Vessels Value interprète comme un signal avant-coureur d’un nouveau ralentissement des taux d'affrètement et des valeurs.

Augmentation significative des départs annulés

Autre signal faible, une augmentation notable des blank sailing durant le quatrième trimestre sur les routes de l'Asie vers l'Europe du Nord et la Méditerranée.

La moyenne annuelle des annulations de traversées a connu d'importantes fluctuations au cours des trois dernières années. Elle était de 7 % en 2019, de 12 %, en 2020 et 2021 puis est repartie à la hausse en 2022. Depuis le début de l’année, elle est passée de 21 % aux premiers jours de 2023 à 10 % au cours des semaines 8 à 12 (20 février-20 mars), atteignant même 4 % au cours des semaines 25 à 29 (19 juin-17 juillet).

Traditionnellement, la Golden week au début du mois d'octobre – semaine de jours fériés en Chine – entraîne un pic dans les suppressions des services programmés. Cette année, le taux d'annulation a atteint les  16 % au cours des semaines 38 à 42 (18 septembre-22 octobre) selon les programmes annoncés par les membres des trois alliances.

Mais à la différence des année d'avant-Covid, l'événement n’a pas été vraiment précédé d’une montée en charge de la demande, en anticipation des fermetures d'usines.

The Alliance, qui positionnent des 24 000 EVP (ceux de Hapag-Lloyd) sur les boucles FE2, FE3 et FE4 entre Asie et Europe du Nord, a ainsi annulé tous les départs prévus lors de la semaine 40. Un grand vide.

Offre deux fois supérieure à la demande

La pratique des blank sailing, stratégie déployer pour éviter de submerger en offre un marché sans demande, pourrait devenir monnaie courante dans les semaines qui viennent si la demande ne se restaure pas.

Selon les données fournies par les grandes institutions internationales, une croissance de l’offre de 7 % devra composer avec une demande de transport par la mer de 3 % en 2024.

187 porte-conteneurs commandés en neuf mois

Malgré le ralentissement, l'intérêt pour la commande ne faiblit pas. Au total, 187 porte-conteneurs (soit une capacité de 1,75 MEVP) ont été ajoutés au planning des chantiers  au cours des neuf premiers mois de cette année, portant le portefeuille en construction à un niveau record de 7,88 MEVP, ce qui équivaut à près de 29 % de la capacité actuelle de la flotte, selon Alphaliner.

Yangzijiang Shipbuilding vient d’achever les six megamax (24 346 EVP) à propulsion conventionnelle pour MSC avec la livraison du MSC Micol, sistership MSC Turkiye, tous deux propriété de Seaspan et affrété par le transporteur italo-suisse dans le cadre d'un contrat à long terme. Les quatre autres navires seront en propriété par le leader mondial du conteneur, adossé à un financement en leasing, avec BoComm Leasing et la China Development Bank.

Le MSC Micol restera néanmoins trois semaines sans emploi jusqu'au début du mois de novembre, date à laquelle il devrait rejoindre, si tout va mieux, le service Asie - Europe Lion/AE6 de 2M (MSC et Maersk), actuellement assuré par une flotte de 13 navires de 19 500 à 24 300 EVP.

Avec la livraison du MSC China, le chantier Jiangnan de CSSC a aussi, de son côté, achevé une série de huit porte-conteneurs de 24 116 EVP à propulsion conventionnelle, inaugurée par le MSC Tessa.

Compte tenu de la conjoncture, le MSC China passera aussi près d'un mois à l'arrêt avant de rejoindre, en principe, le service Griffin/AE55 de 2M. Avec son sistership, le MSC Claude Girardet, il sera le plus grand navire de cette rotation qui mixte des  16 000 EVP avec 23 rangées de conteneurs avec des unités de 15 000 EVP et plus.

Paralèlement, MSC augmentera sa flotte au GNL de vingt autres navires de 10 300 et 11 400 EVP, commandés au chantier naval international de Zhoushan Changhong.

CMA CGM, plus grand client des chantiers

Mais de tous les transporteurs, c'est CMA CGM le plus grand client des chantiers cette année, optant à la fois pour la propulsion au GNL (dix autres megamax) et pour le méthanol à double carburant (six unités de 15 000 EVP, douze de 13 000 EVP et huit de 9 200 EVP). Soit 36 navires pour un investissement de 6,5 Md$, selon Alphaliner.

Part verte du carnet de commandes ?

La société taïwanaise Evergreen a quant à elle opté pour le méthanol comme carburant de substitution pour 24 autres navires de 16 000 EVP, ce qui représente un investissement de plus de 4,62 Md$.

Maersk, qui vient de mettre en service son premier porte-conteneurs au méthanol, a porté cette année son carnet de commandes de navires à double carburant au méthanol à 24 unités en commandant six navires de 9 000 EVP à Yangzijiang Shipbuilding.

Son carnet de commandes devrait encore s'étoffer puisque le transporteur danois serait en train de sélectionner un chantier naval pour construire jusqu'à 15 navires de 3 500 EVP au méthanol.

Avec 76 autres navires à double carburant au méthanol commandés cette année, il y 139 unités à construire actuellement. Le méthanol représente, à lui seul, la moitié de la capacité totale des porte-conteneurs commandés cette année, devant le GNL avec 30 %.

Adeline Descamps

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