Le deuxième trimestre 2022 avait marqué le pas. Le troisième avait confirmé l’inflexion, en particulier pour ce qui est des revenus moyens par EVP, indicateur scruté par les analystes car le numéro dix de la ligne régulière a enregistré ces derniers mois les meilleurs ratios du secteur (3 596 $ /EVP entre avril-juin et 3 353 $/EVP sur la période juillet-septembre). Le quatrième trimestre s’apparente de ce point de vue à un échouement avec des taux moyens tombés à 2 122 $/EVP.
Quant aux taux de fret spot et contrat confondus, ils ont pu atteindre les 7 696 $ par conteneur de 40 pieds (durant les trois premiers mois de l’année dernière) avant de chuter de 45 % au cours des trois trimestres suivants. Néanmoins, sur l'ensemble de l'année, le revenu par conteneur (3 240 $/EVP) est resté supérieur de 16 % au niveau de 2021.
ZIM est un cas à part dans le transport maritime de conteneurs car la plus petite compagnie parmi les grandes, que l’on destinait avant la pandémie aux crocs d’une de ses concurrentes, a pleinement profité d’un effet d’aubaine en s’introduisant à la bourse de New York au moment précis où la conjoncture du transport maritime se faisait particulièrement attractive pour les investisseurs. Le transporteur de conteneurs peut se targuer d’avoir été parmi les cinq premières réussites boursières de l’année 2021. Les analystes financiers ont même parlé de « home run », une expression qui désigne un gain considérable réalisé en un délai très court.
75 % des contrats en spot, hors du transpacifique
Sur le plan financier, la société a emmagasiné plusieurs trimestres consécutifs de belle facture, profitant à plein de son positionnement de ligne et de sa stratégie commerciale. Sur le marché transpacifique, ligne la plus lucrative du marché conteneur pendant deux ans avec des taux de fret spot à des niveaux inédits, le transporteur y opère en force, avec une douzaine de services hebdomadaires et une grande part de ses capacités (placées à 50 % sur le marché au comptant).
Sur ses autres trafics, 75 % de ses contrats sont négociés pour une durée de moins de trois mois. Une autre aubaine car sur le marché au comptant, les prix se sont embrasés. Les contrats annuels transpacifiques pour 2023 qui commencent en mai sont en cours de négociation. Le TPM, qui s’est tenu du 26 février au 1er mars outre-Atlantique, a donné le coup d’envoi. Mais la baisse, inévitable par rapport aux niveaux contractés en 2022, devrait se faire sentir pour l’armateur dans les résultats de la seconde partie de l’année.
Une politique d’affrètement encombrante
Quoi qu’il en soit, les paramètres gagnants d’hier sont aujourd’hui ceux qui la font atterrir plus brutalement que ses pairs, dont le réseau est plus diversifié et les ventes moins dépendantes des contrats de courte durée. La compagnie a problèmatique : la quasi-totalité de sa flotte (139 navires dont seulement huit en propriété) relève de l’affrètement, ce qui va inévitablement peser sur les comptes d’exploitation futurs. L’entreprise devra trouver l’équilibre économique entre les coûts de son tonnage affrété et un environnement de marché avec des taux de fret bas.
Toutefois, le transporteur dispose de leviers pour limiter la casse. Les 22 navires à renouveler en 2023 et 37 en 2024 sont autant de fenêtres de tir, ou pour négocier les tarifs à la baisse ou pour les restituer à leurs propriétaires si « les conditions du marché le nécessitaient », a fait savoir le directeur financier à l’occasion de la conférence téléphonique avec les investisseurs. Mais tout en excluant l’option « rupture du contrat avant terme »
Il y a quelques semaines, la société, qui a 41 porte-conteneurs en commande (correspondant à 62,5 % de sa flotte en exploitation), a pris livraison du ZIM Sammy Ofer, le premier des 10 nouveaux navires de 15 000 EVP, alimentés au GNL, affrétés par Seaspan. Les deuxième et troisième unité de la série devraient être en mesure de naviguer dans les prochaines semaines. Neuf doivent être livrés cette année. Mais l’armateur assure qu’il n’est pas dans son intention de reporter certains d’entre eux.
Extrait du rapport d’activité 2022 ©JMM
En baisse de 76 % par rapport à l'année précédente
Les résultats du quatrième trimestre sont restés historiques mais ils ont bien dévissé, à la fois par rapport au précédent mais aussi comparé à la même période de 2021. Ainsi, le résultat net s'est élevé à 417 M$ contre 1,17 Md$ au troisième trimestre et 1,71 Md$ au quatrième trimestre 2021. Le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (973 M$) a chuté de 59 % en glissement annuel. Le résultat d'exploitation (Ebit) de 585 M$ glisse de 72 % sur un an et a été divisé par trois par rapport à la période juillet-septembre.
La chute des revenus est à l’avenant (- 37 %). La baisse des volumes transportés est aussi plus marquée que pour ses pairs (- 4 %) avec 823 000 EVP en fin d’année dernière et de 3 % sur l’ensemble de l’année (3,38 MEVP).
« Alors que les incertitudes macroéconomiques, la chute précipitée des taux de fret au cours des derniers mois et le déséquilibre entre l'offre et la demande continuent d'entraîner des perspectives difficiles à court terme pour le transport maritime par conteneurs. Mais nous sommes confiants », assure Eli Glickman, le PDG de ZIM. Le dirigeant s’attend pour 2023 à un Ebitda ajusté compris entre 1,8 et 2,2 Md$ et un Ebit ajusté compris entre 100 et 500 M$.
« Le retour de capital aux actionnaires reste une priorité pour notre entreprise. Nos solides performances permettent de déclarer un dividende d'environ 769 M$ au quatrième trimestre, soit 6,40 $ par action », rassure le dirigeant. Cela porte les dividendes annuels à 16,94 $ par action, soit 2,04 Md$ redistribués, ce qui représente environ 44 % du revenu net total de 2022. Au-delà de ses engagements de retribution à hauteur de 30 % et des attentes des marchés. Les actions de la société ont d’abord bondi, jusqu’à 25 % après la publication des résultats le 13 mars, mais à la clôture, la hausse n’était plus que de 6,6 %. Les échanges ont été importants, avec un volume plus de quatre fois supérieur à la moyenne.
Les temps sont difficiles mais ZIM est assise sur un matelas de liquidités de 5,78 Md$ tandis que le ratio d'endettement net, qui mesure la solidité de la structure financière, est de 0,0x au 31 décembre 2022. Elle peut donc affronter le gros temps avant de subir les assauts mordants du marché.
Adeline Descamps
{{ENC:1}}