Ce mardi 7 mars, en début de journée d'action nationale interprofessionnelle organisée par les syndicats contre la réforme des retraites, Garonor s'active doucement. Les camions entrent et sortent du parc d'activité installé entre les communes d'Aulnay-sous-Bois et du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), qui fait lien logistique entre le pôle aéroportuaire de Roissy Charles-de-Gaulle et Paris.
Check-list
Dans une allée, Saidani fait la check-list du chargement dans son camion avant de partir. Il a 60 ans, dont 30 d'activité de conducteur routier. Il a changé plusieurs fois d'employeur, et travaille aujourd'hui chez Défi Trans. Le métier, il le connait par cœur, et supporte de moins en moins l'attitude de certains clients irrespectueux.
"Les clients gagnent de l'argent grâce aux marchandises que l'on transporte, et ils nous traitent comme des chiens. La situation est différente dans d'autres pays comme les Pays-Bas ou la Belgique".
Usé, il lui reste 3 ans d'activité professionnelle avant la retraite. Partir plus tard, pour lui c'est non. Le métier est trop dégradé.
Temps de pause
Un peu plus loin, Dominique 56 ans, employé chez Saftair Ventilation, est routier depuis l'âge de 20 ans. Il a commencé à travailler à 16 ans. En pause dans sa cabine, il explique qu'en principe, il devrait "pouvoir partir à 60 ans, avec une carrière longue grâce aux six trimestres cotisés avant 18 ans".
Dominique livre en région parisienne, ses trajets longs sont limités : il en effectue seulement lorsqu'il remplace ses collègues. Mais ses journées sont à rallonge : "je me lève à 3 h 45 chaque jour, et je rentre à 17 h".
Changer de métier
Quelques quais de chargement plus loin nous croisons Yassine, 36 ans, conducteur depuis l'âge de 18 ans. Il souhaite changer de métier avant la retraite : "Cela ne paye plus comme avant, et pourtant je suis en intérim".
Yassine n'a pas évalué l'âge de son départ, mais a fait un autre calcul, celui du coût de la vie. Difficile pour lui de faire grève : "perdre une journée de salaire, je ne peux pas".
Le point de vue est le même pour Saidani : "avec les prix qui augmentent, c'est compliqué financièrement. Pourtant, si les routiers bloquaient le pays, tout le monde finirait par mourir de faim. C'est nous qui approvisionnons les commerces".
Dominique est plus mesuré et résigné sur l'allongement de la durée de cotisation et l'âge de départ à la retraite : "les manifestants ont raison. En même temps, Macron l'avait annoncé dans son programme. C'est sûr que cela va être de plus en plus dur. Le corps n'a plus l'endurance des débuts. Après s'il faut bosser plus pour les générations futures, je le ferai."
Opposé à la réforme
Yassine est opposé au projet de loi sur la retraite. "C'est inquiétant. J'espère que les choses vont bouger. Le problème, c'est qu'il y a eu déjà cinq manifestations, des millions de gens dans les rues et rien ne change".
Crédit photo : Christophe Barette
Que faut-il faire pour être entendu ? Saidani évoque la grande grève et les blocages de 1995. Yassine pense qu'il faudrait bloquer des points stratégiques pour contraindre le gouvernement à retirer son projet.
En attendant la retraite ou le retrait, chacun repart en tournée : Saidani en Hollande, Yassine et Dominique en région parisienne. Dominique pense déjà, à sa future vie. "J'ai passé mon permis bateau. J'ai la mer à côté de chez moi. La retraite, cela devrait bien se passer".
Crédit photo : Christophe Barette
