Pourtant un utilisateur fidèle du rail, Vivescia Agriculture confie toujours plus de tonnages au fluvial. Même si les trafics acheminés via ces deux modes de transport se sont équilibrés en 2019 avec environ 800 000 t chacun, la tendance est incontestablement en faveur du transport fluvial.
Le rail a en effet perdu 100 000 t ces deux dernières années, là où le fluvial en a gagnées 200 000 durant la même période. La part du fluvial va d’ailleurs continuer de progresser cette année, à la faveur de la montée en puissance du silo de Givet (dans les Ardennes, à la frontière avec la Belgique) récemment modernisé. À l’issue d’un investissement de plusieurs millions d’euros, ses capacités d’expédition sont à présent de l’ordre de 250 à 300 000 t annuelles vers le Benelux. Au-delà de ce premier hub fluvial, un autre est en train de se mettre en place à Mouy-sur-Seine (Seine-et-Marne). Les travaux sont actuellement en cours sur ce site de la coopérative, dont la pleine capacité d’expédition sera de l’ordre de 150 à 200 000 tonnes par an à partir de juillet 2020.
Vivescia Agriculture a donc clairement fait le choix d’itinéraires à grand gabarit pour ses acheminements au détriment du réseau Freycinet souffrant, tout comme les lignes capillaires fret, d’un manque d’entretien.
Des règles d’exploitation à aménager
De tels reports vers le réseau structurant (lignes principales) pourraient aussi concerner le rail. Le chargeur est, plus que jamais, confronté à la problématique du bon acheminement de ses trafics sur le réseau des lignes capillaires fret. Celui-ci reste toutefois important puisqu’il représente 40 % des tonnages expédiés par le rail. "Mais nous souhaiterions à présent que les règles de circulation régissant la desserte de ces lignes soient aménagées. Comment pouvons-nous admettre, en effet, que deux trains ne puissent pas circuler sur la même ligne alors que l’un d’entre eux est stationné à 70 km de là et que l’autre venant du réseau structurant n’a à parcourir que deux kilomètres de ladite ligne ?", s’interroge Yves-Marie Laurent, directeur Supply Chain de Vivescia Agriculture.
Ce n’est pas là la seule pierre d’achoppement concernant le rail. Une autre est tout aussi délicate puisqu’elle concerne directement la pérennisation de lignes capillaires conventionnées ayant bénéficié d’une remise à niveau de leurs infrastructures il y a quelques années seulement. Le renouvellement des conventions actuelles régissant l’exploitation de ces lignes en 2022/2023 pourrait être délicat. En effet, une nouvelle remise à niveau s’avère indispensable et les premières estimations de travaux avancées par SNCF Réseau pourraient varier de 1 à 10 en fonction des conditions d’exploitation et de la qualité de service souhaitées.
Avenir non assuré sur les lignes capillaires
La réalisation d’expertises complémentaires, conduites par SNCF Réseau devrait donc permettre de mieux affiner les budgets à mettre en place d’ici là. S’ils sont trop importants et si la compétitivité de la solution ferroviaire se dégrade sensiblement, "nous estimons, dès maintenant, que l’avenir de ce type de ligne pourrait alors s’assombrir durablement", prévient Yves-Marie Laurent.
En attendant, le groupe coopératif agricole et agroalimentaire doit composer avec les conséquences des mouvements sociaux actuels. Pour cette année, le décalage de planning est de l’ordre de trente à quarante trains par rapport à la prévision. Comme les différentes grèves ont impacté trois des quatre derniers exercices (2016, 2018, 2019), le transfert modal du rail vers le fluvial s’explique donc d’autant plus facilement.