Des infrastructures portuaires qui se dégradent, des tarifs à la hausse, des contentieux à gogo et au final des grèves et des blocages répétés : rien ne va plus au port de Longoni, seul port de commerce de Mayotte et, à ce titre, outil "névralgique dans l'approvisionnement de l'île, dont l'économie est dépendante des importations", souligne un référé de la Cour des comptes rendu public le 21 décembre mais adressé le 16 octobre à la ministre des Transports, Élisabeth Borne, son collègue de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, et à Annick Girardin, ministre des Outre-Mer.
Un changement de statut préconisé
Le Port de Longoni a été transféré par l'État au département en novembre 2009, dans le cadre de la décentralisation. Celui-ci a choisi d'en attribuer la gestion à la CCI, puis depuis le 1er novembre 2013, sous la forme d'une délégation de service publics, à une société de droit privé, Mayotte Channel Gateway. Mais problème : la gestion s'avère "défaillante par l'ensemble des acteurs concernés", souligne la Cour des comptes. En conséquence, la Cour préconise que l'État, actuellement écarté des organes de gouvernance du port, puisse retrouver une capacité d'intervention. Pour cela, elle préconise un changement de statut, en suggérant deux options :
- soit le modèle de Grand Port Maritime, comme en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion ;
- soit le statut de société nationale "comme un rapport interministériel d'inspection d'octobre 2016 l'a recommandé pour Saint-Pierre et Miquelon".
Dans sa réponse en date du 13 décembre, la ministre des Transports met en exergue les difficultés juridiques et financières ce ces options. Élisabeth Borne admet en revanche les difficultés et rappelle que "une mission interministérielle a été mise en place pour évaluer la situation du port de Longoni, en particulier les scenarii envisageables permettant d'établir un pilotage plus efficace du contrat de concession actuel".
Des défaillances sérieuses...
Les défaillances constatées par la Cour sont de plusieurs ordres. Elle pointe d'abord qu'en dépit d'alertes récurrentes de la part de la direction de la Mer sud-Océan indien concernant une dégradation des infrastructures portuaires susceptible de porter atteinte à la sécurité, le département "n'a entrepris ni investissements, ni études préalables pour l'entretien et la mise aux normes des équipements". D'autre part, le délégataire a fait l'acquisition de grues mobiles et de portiques motorisés "à un coût supérieur à celui prévu". Les droits de port et les redevances d'occupation du domaine public ont été augmentés, alors que la DSP ne le prévoyait pas.
... et de nombreux différends
Il résulte de cette gestion de nombreux différends. Le département et le délégataire sont en désaccord sur l'exercice de l'activité de manutention. "Le délégataire veut l'exercer en concurrence de la Société mahoraise d'acconnage, de représentation et de transit (SMART)". Cette entreprise estime quant à elle que la manutention ne rentre pas dans le champ de la délégation. Le calcul de la redevance versée au département et les tarifs d'usage des outillages publics sont également source de conflit.
Enfin, la Cour note que "des obligations contractuelles n'ont pas été respectées par les parties telles que l'établissement d'un bilan d'ouverture de la délégation, le transfert de la trésorerie du précédent délégataire, la transmission des rapports d'activité et comptes annuels ainsi que la présentation de plans d'investissement et de développement stratégique".
Cette situation conflictuelle a induit "des grèves et des blocages répétés du port", et "la médiation conduite en janvier 2017 n'a pas abouti faute de volonté des parties de trouver un compromis", rappelle enfin la Cour.