Les 1000 / Transport combiné rail-route : une confiance à regagner

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La part du combiné rail-route a encore progressé puisqu’elle s’établit désormais à 41% de l’ensemble du fret ferroviaire acheminé.

Crédit photo Olivier Constant
Toujours considéré comme l’un des rares modes de transport réellement décarboné, le combiné rail-route ne s’imposera que si la régularité et la qualité de service sont au rendez-vous. Il n’en a pas été ainsi au cours du premier semestre 2023. De quoi sérieusement malmener les objectifs de triplement du trafic d’ici à 2030.

Alors même que son trafic avait encore augmenté de 9,4% à 25,176 milliards de tonnes/km transportés au cours de l’année 2022, le combiné rail-route a vécu un premier semestre 2023 comme il n’en avait jamais connu. Le trafic a, en effet, reculé de 22% au cours de cette période. En marge du ralentissement économique et de l’augmentation du coût de l’énergie électrique, la faute en incombe principalement aux conséquences des mouvements sociaux liés à la réforme des retraites. Il en a découlé « un mouvement de report modal inversé qui avait débuté dès 2022 avec l’augmentation exponentielle du coût de l’électricité servant à alimenter les locomotives. Il est avéré pour nous sur les caisses chargées d’un lot unique car nous sommes là en concurrence frontale avec la route longue distance », explique Thomas Pellegrin, directeur général de SMTRT.

Un report modal inversé conjoncturel ?

De quoi justifier pour le directeur commercial de Lomak, Manuel Cordelet, « la réactivation du dispositif exceptionnel mis en place en 2019 pour la discontinuité de la période de valorisation des caisses de transport combiné dans le cadre des Certificats d’Economie d’Energie (CEE). Nous souhaitons que la prolongation s’étende sur une période de douze mois. Nous rappelons, sur ce point, que contrairement aux opérateurs ferroviaires et aux entreprises ferroviaires, nous ne bénéficions pas d’aides spécifiques pour nos opérations. Et pourtant, par notre capacité à mettre des véhicules sur la route en cas d’aléas, nous sommes en quelque sorte les sherpas du rail ».
Cela se vérifie encore avec l’arrêt de toutes les circulations ferroviaires sur la ligne de la Maurienne depuis le 27 août 2023 pour cause d’éboulement. Tant les opérateurs de transport combiné, comme Ambrogio Intermodal, que les entreprises ferroviaires semblent bien esseulés pour trouver des solutions de substitution. Le fait de détourner les trains par Bâle, par exemple, implique des coûts supplémentaires qui ne feront l’objet d’aucune compensation jusqu’à la réouverture de la ligne prévue à l’été 2024. L’absence d’itinéraires alternatifs aux corridors européens en cas d’incident est une fois de plus dénoncée par l’ensemble de la profession.
Pour autant, ce report modal inversé pourrait n’être que conjoncturel si l’on en juge par la fréquentation record qu’a connu la Journée du Transport Combiné le 26 octobre 2023 à Paris. Ce sont quelque 255 participants (+ 30% par rapport à l’édition 2022) qui ont répondu à l’invitation du Groupement National des Transports Combinés (GNTC), ce dernier révélant au passage l’adhésion de deux nouveaux membres transporteurs routiers avec le Groupe Mauffrey et Vigneron Transports.
Surtout, la part du combiné rail-route a encore progressé puisqu’elle s’établit désormais à 41% de l’ensemble du fret ferroviaire acheminé.

Des investissements multipliés par deux

Les raisons de croire au développement du combiné rail-route restent donc plus que jamais d’actualité. D’autant que Thierry Coquil, directeur général de la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM), a confirmé la multiplication par deux des investissements consacrés au fret ferroviaire d’ici à 2030. Sur les 4 milliards d'euros évoqués par l’État, 1,9 Md€ dont 470 M€ dans le cadre des contrats de plan Etat-Régions (CPER) seront engagés d’ici à 2027. Ces travaux concerneront notamment les triages, les terminaux multimodaux, les mises au gabarit P400 et l’extension de l’ERTMS. Ces trois derniers points sont d’autant plus cruciaux que sans la baisse enregistrée au cours du premier semestre 2023 le combiné rail-route aurait été de plus en plus confronté à un mur de capacité. Intervenant à la tribune, Jean-Claude Brunier, président du groupe Open Modal, a souhaité que « des investissements prioritaires soient réalisés sur l’axe Atlantique afin de permettre la circulation des trains longs. Ces convois de 850 mètres de longueur permettent de gagner 10 à 15% de productivité ». Avant d’ajouter que « 15% des sillons attribués ne correspondent pas à ce que nous souhaitons ».
La représentante de Pepsico s’est, pour sa part, interrogée sur la possibilité de déroger à la règle du jour A, jour B pour l’enlèvement et la livraison. Une approche que partage Manuel Cordelet en soulignant « qu’une livraison en 48, voire 72 heures aurait un impact certain sur l’amélioration de la qualité de service ».

Points de vigilance

La Journée du Transport Combiné a, une fois encore, permis de mettre en lumière tous les dossiers vecteurs de croissance et qui, pourtant, ne parviennent pas au stade de la concrétisation. Tel est le cas, par exemple, du 46 tonnes. Une fois le décret signé pour son application en juillet 2022, son expérimentation devait immédiatement débuter pour une période de dix-huit mois. Partenaires de cette opération permettant d’obtenir des gains de productivité de l’ordre de 7%, les Transports Lahaye et Lomak attendent toujours que cette expérimentation devienne opérationnelle sur les axes Rennes-Vénissieux et Miramas-Dourges.
Cette expérimentation est d’autant plus cruciale que des points de vigilance sur la compétitivité du rail-route apparaissent. Ont notamment été ainsi évoqués par Ivan Stempezynski, président du GNTC, « l’expérimentation des maxi trucks qui pourraient entrer en concurrence directe de segments de combiné rail-route et la révision imminente de plusieurs directives au niveau européen. Celles-ci pourraient, notamment, conduire à une uniformisation du 44 tonnes pour le transport routier transfrontalier. La dérogation à 42 tonnes (versus 40 t – NDLR) pour les camions assurant du combiné rail-route disparaitrait ainsi ». Autre point de vigilance de taille : la situation de Fret SNCF. L’opérateur historique va devoir céder progressivement à d’autres entreprises ferroviaires 21 services de transport combiné à partir du 1er janvier 2024.

Une qualité de service perfectible

En attendant la réalisation de ces investissements, il reste néanmoins un point noir et de taille, celui de la qualité de service. La ponctualité des trains combiné n’était que de 59% à fin septembre 2023. Un résultat à mettre en parallèle avec les 78% du fret ferroviaire dans son ensemble. SNCF Réseau souligne, toutefois, que 89% des sillons demandés pour le service 2024 avaient déjà été attribués à mi-septembre 2023. C’est près de 20% de plus qu’il y a dix ans.
Ces résultats ne sont guère incitatifs quant à l’atteinte de l’objectif… ambitieux de triplement du trafic d’ici à 2030. Le combiné rail-route va donc devoir à la fois plaider sa cause auprès de tous les décisionnaires pour augmenter sa part de marché et répondre enfin aux attentes des chargeurs, ceux-ci souhaitant tout simplement bénéficier d’un service fiable aux mêmes conditions tarifaires que la route. Si toutes les conditions sont réunies, l’année 2025 pourrait être celle d’une franche reprise de la croissance du combiné rail-route, ce secteur bénéficiant, en outre, de 62 M€ d’aides opérationnelles annuelles sur la période 2023-2030, notamment pour l'aide à la pince et le démarrage de nouveaux services.

 

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