Le bioGNV, carburant décarboné et à faibles émissions atmosphériques, est renouvelable et local. Pour s’en convaincre, les équipes franciliennes de TLF et de GRDF ont organisé, fin janvier, une visite de la Ferme des 30 Arpents, à Favières en Seine-et-Marne (77). Ce domaine, détenu par la Compagnie fermière Benjamin et Edmond de Rothschild, produit du gaz « vert » depuis septembre 2021. Pour TLF, cette visite avait pour but « de sensibiliser ses membres sur la transition énergétique, par une information ciblée sur l’un des carburants immédiatement disponibles », expliquent Philippe Munier, son délégué régional, et Morgane Verdure, responsable développement durable et report modal de l’union professionnelle.
Force est de constater que, malgré ses qualités environnementales, reconnues par la vignette Crit’Air 1, le bioGNV est fragilisé depuis l’envolée des prix du gaz entre mi-2021 et fin 2022. « Cela a provoqué une désaffection chez nos clients et une incertitude sur la capacité à maîtriser les coûts d’exploitation, ou TCO, avec ce carburant », confirme Marie-Laure Lafaille, directrice Transport chez FM Logistic France (57). Un avis largement partagé par les autres membres de TLF présents à la visite. Pour les équipes GRDF, la hausse observée il y a un environ un an « était ponctuelle. Le bioGNV a retrouvé sa stabilité et sa compétitivité face au gazole et aux biocarburants », assure Anne-Claire Boscher. La diversification des sources d’approvisionnement éviterait une nouvelle flambée des prix, selon la responsable GNV/bioGNV de GRDF Île-de-France.
Plusieurs mesures, dispositifs et évolutions vont ou peuvent contribuer à stabiliser le prix du bioGNV acheté par les transporteurs. Deux contrats permettent, d’ores et déjà, de sécuriser les achats en biogaz et d’améliorer leur visibilité, ainsi que celle de leurs clients. Appelé « Biométhane purchase agreement » (BPA), le premier consiste à nouer une collaboration avec un producteur et un distributeur de bioGNV. Ce partenariat peut comprendre un ou plusieurs transporteurs et chargeurs. Les signataires d’un BPA s’entendent sur la fourniture, dans la durée, d’un volume de biométhane à un prix convenu entre eux. Le producteur de gaz « vert » – agriculteur dans 85 % des cas en France – bénéficie aussi d’une meilleure visibilité en matière de revenu et d’investissement. La proximité géographique des membres du BPA est souvent un gage de son succès.
Plus ancien, le deuxième contrat consiste à acheter du bioGNV à terme, ou sur une durée donnée. Selon GRDF, cette solution est pertinente lorsque le prix du gaz est bas, comme c’est le cas actuellement.
Si les autorités européennes s’obstinent encore à ne privilégier que l’électrique et l’hydrogène pour la mobilité lourde de demain, en France, des mesures et le marché tendent à soutenir le biométhane carburant. Selon GRDF, le parc porteurs et tracteurs GNV/bioGNV, servant au transport de fret, s’élevait à 11 000 unités fin novembre, en progression de près de 22 % sur un an. En outre, l’adoption mi-octobre de la première partie du projet de loi de finances 2024 a rendu éligible le bioGNV à la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert). Cette dernière est due par les distributeurs de carburants fossiles qui n’incorporent pas assez d’énergies renouvelables dans leurs ventes. Si le taux fixé n’est pas respecté, les distributeurs de carburants acquittent une pénalité ou achètent des certificats d’énergies renouvelables dits « crédits ou certificats Tiruert » (approche privilégiée à ce jour). Cette taxe devrait décorréler le prix du bioGNV à celui du gaz fossile et renforcer sa compétitivité face au gazole. À partir du 1er janvier 2025, enfin, l’obligation d’incorporer des énergies renouvelables, fondée sur des volumes ou un taux, sera complétée par une obligation visant à baisser l’intensité carbone des carburants fossiles commercialisés par les mêmes distributeurs. Ce nouveau système avantagera le bioGNV puisqu’il réduit « d’environ 80 % les émissions de CO2, par rapport au diesel, mais aussi 90 % des particules fines et 50 % des dioxydes d’azote (NO2) », rappelle Anne-Claire Boscher. Selon France mobilité biogaz, le taux d’incorporation du biométhane dans le gaz carburant devrait atteindre 50 % en 2025 et 100 % d’ici à 2033.
Quelques freins sont toutefois relevés par les transporteurs pour utiliser le GNV/bioGNV. Preuve que l’envolée des prix a laissé des traces, tous déclarent être prêts à investir dans ce carburant, mais « sous réserve d’un contrat et d’un client à leur côté ». Bien qu’en croissance rapide avec 650 points d’avitaillement, dont plus de 300 publics, le maillage des stations-service distribuant du bioGNV est jugé « perfectible. C’est un véritable enjeu au regard des 11 000 stations délivrant du gazole en France. Le marché du véhicule au gaz d’occasion doit aussi se structurer », souligne Vincent Le Duff, à la tête du groupe MFCTR (80 moteurs, Poincy, 77). Pour Marilou Hoddé, « nos clients pétroliers nous encouragent à diminuer l’empreinte carbone de leurs transports ». Dans ce contexte, la gérante des Transports Hoddé, basés à Argenteuil (95) et spécialisés dans la distribution d’hydrocarbures (12 moteurs), reconnaît que le « bioGNV est une solution mature ». Au préalable, elle indique devoir étudier sa compatibilité avec le transport de produits dangereux ADR et les sites Seveso.