C’est dans les locaux de l’Assemblée nationale, dans le 7e arrondissement de Paris, que France Logistique a organisé sa journée annuelle le 9 novembre. Cet événement a constitué l’occasion pour les acteurs de la filière transport routier et logistique d’échanger sur la planification écologique. Des tables rondes ont été organisées, notamment sur les thématiques de l’évolution de la demande de transports, de la transition énergétique du secteur et de la logistique urbaine.
Au cours de la première table ronde, Marie Lebec, vice-présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, a rappelé l’avantage géographique de l’Hexagone pour le transport : « La France est un carrefour privilégié des flux, elle est frontalière avec sept pays différents. De plus, pour les pays de l’est, la France est la porte d’entrée pour le transport routier. C’est pour cela qu’il faut inciter les grands groupes de transport à venir investir dans l’Hexagone. » Avec les différents plans mis en place par le Gouvernement, la France veut « réussir à faire concorder économie et transition écologique », ce qui permet aux entreprises de bénéficier de leviers de développement. La décarbonation du transport modifie non seulement les moyens de transport, mais également les trajets. « Les flux vont être moins nombreux, en raison de la nature des marchandises qui sont plus durables dans le temps. Il y aura une réorganisation à avoir selon les nouvelles exigences, qui sera plus complexe », estime Thierry Pech, directeur général du laboratoire d’idées Terra Nova. En outre, les chargeurs, dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP), vont devoir prendre en charge de nouveaux flux de transport. « Dans notre démarche de circularité, nous devons penser au transport de déchets. Dans le domaine du BTP, les acteurs sont obligés de trier les différentes fractions de matériaux de chantier. Les flux liés aux déchets seront davantage traités par des petits camions », explique Noémie Chocat, directrice de la stratégie de Saint-Gobain. Avant d’ajouter : « Il y aurait probablement une réflexion à avoir sur une massification des flux des différents déchets. » Pour l’aciériste ArcelorMittal, il est indispensable que le transport décarboné soit compétitif. Et cela passera notamment par le transport combiné rail-route. « Avec une activité à échelle européenne, nous devons repenser l’approvisionnement et optimiser la réutilisation. Nous voyons deux enjeux principaux : le développement des infrastructures ferroviaires et la compétitivité des transports par camion », indique Liem Hazoumé, directeur des achats transport chez ArcelorMittal Europe. Si, au cours de cette table ronde, il est apparu que la diminution des émissions de CO2 s’inscrit bien dans la RSE des entreprises chargeuses, toutes pointent un certain manque de visibilité. « La transition écologique doit être négociée avec les acteurs pour que la planification soit efficace », indique Thierry Pech. Ce qui conduit les acteurs politiques à s’interroger sur le bon cadre réglementaire à adopter, comme le souligne Marie Lebec : « La difficulté est de savoir quel est le bon niveau de réglementation (local, national, voire européen). Il ne faudrait pas rajouter de la complexité au risque d’être contre-productif. Sachant que personne n’y arrivera dans son coin. »
Au cours de cette journée, une table ronde a été consacrée sur la transition énergétique du transport. Différents acteurs ont également témoigné de leurs actions pour verdir leur activité. Si chacun a entrepris sa transition énergétique selon ses usages, tous s’accordent à dire que le TRM de demain s’appuiera sur un mix énergétique (électrique et biogaz). « Le transport sera plus contraint dans le futur avec l’instauration des ZFE. Il subsiste des interrogations sur la massification et les motorisations à privilégier. Mais peut-on vraiment aller plus loin avec l’évolution du marché actuel ? » insiste Olivier Storch, directeur général adjoint finances et transformation chez Ceva Logistics. Toutefois, les transporteurs s’interrogent sur l’utilisation de l’hydrogène pour le TRM. Un propos qu’explicite Laurent Galle, directeur de la société Noblet, expert de la location de camions avec chauffeur : « Pour l’heure, le rendement de la pile à combustible, qui convertit l’hydrogène en électricité, est moins bon que celui pour les batteries. Donc l’utilisation de l’hydrogène n’est pas encore pertinente pour un transport compétitif. » À l’instar des chargeurs, les transporteurs ont besoin d’une visibilité pour mieux décider de leur stratégie. « Le métier du transport est percuté par différentes réglementations contradictoires ou impossibles à tenir sans planification », détaille Laurent Galle. Si le transport routier a commencé sa décarbonation, reste la question du coût. « Il faut prendre conscience qu’un transport écologique sera obligatoirement plus onéreux », souligne Olivier Storch. Un propos qu’explicite Noémie Feldbauer, directrice de la transition énergétique chez Heppner : « On passe d’un transport mono-énergie avec le diesel à un modèle multi-énergie plus coûteux. Le risque lié à l’investissement doit être partagé entre le transporteur et le chargeur. » « La vraie question est comment justifier le prix du transport pour amortir le surcoût. Une chose est sûre, c’est qu’il ne faut pas l’impacter sur la marge du transporteur, qui est déjà peu importante », précise Gautier Chalus, directeur adjoint du département infrastructures et mobilité, de la direction de l’investissement de la Banque des Territoires. Avant de poursuivre : « Il faudrait trouver un système de valorisation ou d’incitation pour les chargeurs sur leur choix d’un transport bas carbone. Peut-être un abattement sur une taxe carbone par exemple. »
En conclusion, la filière transport et logistique a d’ores et déjà commencé son travail sur la décarbonation. « Les échanges de la journée ont démontré qu’il s’agit d’un travail collectif, et que l’implication des chargeurs et des clients est essentielle pour parvenir à cette transition énergétique », souligne Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique. En outre, il est donc important d’avoir un cadre réglementaire favorable et une planification réaliste pour procurer de la visibilité pour les investissements.