Un porteur musclé tous temps

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L'EuroTech Iveco avait séduit les Transports Pedretti pour les livraisons dans leurs montagnes de Savoie, par deux caractéristiques : le rayon de braquage et l'option pare-chocs avant en acier. Le moteur Cursor 8 a apporté une substantielle économie de carburant et un frein moteur efficace, avec un poids plus favorable. De quoi faire de l'EuroTech le pilier de la flotte de distribution en montagne.

Les Transports Pedretti achètent des porteurs au point de vente Iveco local depuis 1977. La rusticité et la robustesse des premiers modèles convenaient à un service difficile de transports de denrées alimentaires depuis Chambéry vers les stations d'altitude de Savoie. A partir de 1993 apparurent les EuroTech qui disposaient d'un nouvel essieu avant à angle de braquage majoré (52° pour la fusée intérieure) permettant d'utiliser un empattement de 5,70 m avec une capacité de manoeuvre correcte dans les espaces réduits des stations. De plus Iveco a rapidement proposé en option le pare-chocs en acier de son modèle chantier EuroTrakker, qui supporte mieux les chocs contre les murs de neige que les boucliers en matériau synthétique et offre une garde au sol importante dans le porte-à-faux avant (64 cm sous le pare-chocs), pour évoluer au-dessus des obstacles anti-stationnement dont les municipalités parsèment les trottoirs. Les phares sont protégés par une grille et l'accès au pare-brise n'a pas été négligé, avec un marchepied repliable et deux encoches grillagées dans le pare-chocs. De plus sur le pare-chocs est en trois parties, il est possible de ne remplacer qu'un élément de coin au lieu de l'ensemble.

L'EuroTech ne bénéficie pas d'une cabine vraiment surbaissée, ce qui constitue un avantage chez Pedretti. Le plancher est à 1,28 m du sol à vide, c'est moins bien qu'un Premium Distribution (1,16 m avec les mêmes pneus 315/80 R 22.5) ou qu'un Daf 85 CF mais guère plus haut qu'un Volvo FM 12 ou qu'un Mercedes Atego 1828. L'accès au poste de conduite s'effectue avec l'emmarchement du modèle chantier, c'est-à-dire deux marches fixes à 68 et 99 cm du sol et une marche souple (s'effaçant en cas de choc) à 38 cm du sol. Le revêtement des marches est constitué d'une grille en aluminium très pratique pour gratter les semelles en montant à bord.

Moteur Cursor 8 en version 310 ch

Le moteur Iveco Cursor, apparu en 1998, a surpris à plusieurs titres. D'abord par son originalité : il n'est pas une évolution d'un groupe existant et n'utilise pas tout ou partie de l'outil industriel de la génération précédente. Ensuite par les technologies utilisées, comme l'injecteur pompe à commande directe par arbre à came en tête et à gestion électronique de l'avance à l'injection et du débit de gazole, comme le frein moteur à décompression, ou comme le turbocompresseur à géométrie variable (TGV) dont la section d'entrée diminue aux bas régimes pour délivrer une pression plus élevée, et permettre ainsi une injection plus copieuse et plus de couple. Enfin par la cylindrée de valeur intermédiaire (7,8 l) alors que les autres constructeurs se concentrent sur des moteurs plus petits (6 à 6,7 l) ou nettement plus gros (12 à 13 l). De surcroît Iveco « tire » des puissances au litre élevées : 40 ch/l pour la version 310 ch et 45 ch/l pour la version la plus poussée de 352 ch. L'architecture est conçue pour supporter le rendement élevé : « sous-bloc » intégrant les demi-chapeaux inférieurs des paliers de la ligne de vilebrequin, culasse monobloc contenant l'arbre à cames, distribution à l'arrière du moteur. Grâce à la gestion par une centrale électronique, les courbes de couple et de puissance peuvent être aménagées à la demande. Le Cursor 8 du véhicule en essai développe 310 ch sur une plage de 450 tr/mn (de 1950 à 2400 tr/mn) tandis que la valeur de couple maximum de 113 mkg est maintenue constante de 1100 à 1950 tr/mn. La version 272 ch développe un couple maxi de 97 mkg ou 113 mkg suivant qu'elle est montée sur un porteur isolé ou un porteur remorquant. Le Cursor 8 est un moteur rapide (pleine puissance jusqu'à 2400 tr/mn) mais la vitesse moyenne de piston ne dépasse pas la valeur très orthodoxe de 10 m/s.

La consommation spécifique est minimum autour de 1600 tr/mn avec une valeur de 141,5 g/ch/h. Les performances du moteur sont matérialisées pour le chauffeur sur le compte-tours avec une zone verte de 1200 à 2100 tr/mn, une zone super-verte de 1300 à 1900 tr/ mn qui s'étend pratiquement jusqu'à la puissance maxi.

En utilisation, le moteur est évidemment très souple : sur la neige il est possible d'évoluer sur les bas régimes, de reprendre à 1000 tr/mn en sortie de virage sans le moindre à-coup et de monter tranquillement entre 1000 et 1500 tr/mn en 6e grande ou 7e petite. Avec le turbo à géométrie variable, il n'y a pas de chute brutale de couple vers 1000 tr/mn comme avec une suralimentation traditionnelle à correcteur de débit anti-fumée.

A 85 km/h sur le dernier rapport le moteur développe 280 ch et à 90 km/h il est pratiquement à sa puissance maximum. Si les transports Pedretti ont opté pour un moteur de 310 ch ce n'est pas pour « traîner » dans les accès aux stations qui représentent de 10 à 15 km de montée continue. Les conducteurs peuvent exploiter la puissance disponible et notamment faire de franches remises en vitesse après les virages serrés. La contrepartie est une consommation moyenne qui s'écarte résolument des valeurs habituellement relevées en messagerie en plaine. Le véhicule de l'essai a ainsi consommé 32,8 l/ 100 km pendant les trois premières semaines de novembre, ce qui est assez proche de la moyenne globale annuelle calculée par Cédric Pedretti.

La faible consommation d'huile a été une surprise. Le constructeur préconisait une vidange à 80 000 km avec un appoint vers 40 000 km. Effectivement le complément est de l'ordre de 5 l. Par sécurité, François Cruvieux a fait analyser l'huile à 80 000 km sur les premiers véhicules et le laboratoire a estimé un potentiel d'utilisation résiduel de 20 à 30 000 km. La vidange a été maintenue à 80 000 km parce ce qu'elle correspond à la révision annuelle à l'entrée de l'hiver.

Boîte de vitesses

La boîte de vitesses ZF 16 S 109 qui est associée au Cursor 8-310 ch possède 16 rapports. C'est plus qu'il n'en faut pour un porteur 19 tonnes mais le conducteur n'est pas tenu d'utiliser tous les rapports : le démarrage sur le plat peut s'effectuer en troisième petite et les demi-rapports ne sont utiles qu'en rampe. César Gomes, le conducteur du véhicule de l'essai, apprécie beaucoup de pouvoir ajuster le régime dans une montée en virage avec le bouton de présélection des demi-vitesses. De même en descente ou il est possible d'améliorer la retenue du frein moteur en reprenant 300 tr/mn avec une demi-vitesse. La grille en deux H juxtaposés est préférée aux deux H superposés aussi bien par les conducteurs que par le chef d'atelier : pas de risque de surrégime en commettant une erreur au changement de gamme qui, en montagne s'effectue toujours dans les parties les plus accidentées du parcours.

Il y a une ombre au tableau, c'est la dureté de passage des vitesses à froid, principalement la 5ème, malgré la longueur du levier, trop encombrant au goût de César Gomes. Cette remarque souvent entendue sur les ZF Ecosplit et résolue radicalement avec le montage de l'assistance ServoShift, est donc aussi valable pour la ZF Ecomid 16S109 associée au Cursor 8-310 ch. La boîte de vitesses est souvent sollicitée, du fait du profil de la route et des montées en station parfois très encombrées, ce qui se traduit par une longévité limitée des embrayages : guère plus de 150 000 km, ce qui représente un changement tous les deux ans. François Cruvieux espère un jour disposer d'une boîte de vitesses à passage automatisé des rapports, du type Eurotronic et adaptée aux moteurs de 300ch, où le pilotage électronique de l'embrayage améliore la longévité de celui-ci. C'est l'un des arguments développés par les constructeurs pour justifier un supplément de prix, mais c'est aussi ce qui semble se confirmer sur les tracteurs grands routiers ainsi équipés. En même temps, le problème de l'effort à froid de synchronisation mécanique serait résolu.

Freins et ralentisseurs : le grand jeu

Les porteurs Cursor ont le freinage d'origine des EuroTech, soit des disques à l'avant et des tambours à l'arrière sans électronique dans la commande sauf l'ABS. Le moteur Cursor est doté d'un ralentisseur « à décompression », terme impropre puisque l'effort de retenue provient de la compression de l'air dans le cylindre, sans injection. La « décompression » consiste à entrouvrir les soupapes d'échappement pour évacuer l'air comprimé vers l'extérieur et éviter qu'il ne se comporte comme un ressort et restitue de l'énergie motrice. L'efficacité est renforcée par le turbo à géométrie variable qui « gave » le moteur pendant la phase de compression, d'où le nom d'Iveco Turbo Brake. La puissance de retenue atteint 310 ch à 2800 tr/mn en utilisation continue et même 340 ch temporairement à 3000 tr/mn. Un sélecteur au tableau de bord permet de choisir le mode de mise en action : soit comme un « frein d'échappement », par le traditionnel bouton de commande au plancher, soit en lâchant l'accélérateur, soit couplé avec le frein à pied. César Gomes préfère la commande au pied pour ralentir son camion sur sol neigeux, et rétrograde pour prendre des tours et augmenter l'effort de retenue. Le compte-tours comporte une zone jaune de 2400 à 3000 tr/mn avec un pointillé rouge à partir de 2600 tr/mn. Le Telma, très efficace du fait de la démultiplication du pont arrière (1/4,1) et du poids du camion, n'est utilisé que sur sol sec ou moyennement humide. Quant au freinage de service, au pied, il est aussi sollicité puisque les freins des premiers Cursor ont été refaits préventivement après 190 000 km, avant d'attaquer la saison d'hiver 2001-2002. Il y a néanmoins un progrès car sur les autres marques, avec frein sur échappement et Telma, les freins atteignaient à peine 150 000 km

Cabine : bien pour la livraison

Présentée en 1992, la cabine EuroTech n'a pratiquement pas évolué - sauf quelques détails pratiques et les teintes de tissus et revêtements. En tracteur routier elle a été rattrapée par la concurrence, mais en utilisation porteur de livraison, elle possède des atouts, notamment le volume habitable. En effet, dans le système modulaire de sa gamme Euro, Iveco a pris soin, sur la cabine EuroTech, d'allonger de 15 cm le panneau derrière la porte par rapport à la cabine EuroCargo. De ce fait le chauffeur dispose d'un espace derrière son siège et n'a pas l'impression d'avoir « le dos au mur ». La largeur extérieure de 2,30 m donne une largeur intérieure correcte (2,10 m aux accoudoirs de porte). Le capot moteur, de 36 cm de haut n'est pas jugé encombrant et la boîte à couvercle qui le surmonte est pratique en livraison. Pour traverser la cabine, c'est surtout le levier de vitesses qui gêne. La hauteur intérieure est de 1,22 m au-dessus du capot et de 1,57 m devant les sièges. Pas de recherche esthétique dans la planche de bord mais une fonctionnalité correcte. Pour César Gomez il manque un réglage électrique des rétroviseurs et la commande de lève-glaces est mal placée, derrière la poignée-montoir (air connu). La visibilité est bonne et les deux extensions vers le bas des vitres latérales sont jugées utiles en manoeuvre dans les stations d'altitude. Les vitres ne se salissent pas mais ce n'est pas le cas de la poignée extérieure de porte, boueuse tout l'hiver à cause des projections. La position de conduite est bonne, le volant est réglable en hauteur et inclinaison avec un levier sur le côté de la colonne.

Confort et tenue de route

La suspension arrière pneumatique a demandé un temps d'adaptation aux conducteurs habitués aux lames de ressort, dans le comportement en virage mais elle apporte un gain en confort incomparable et elle donne la possibilité d'ajuster la hauteur pour les mises à quai, de rentrer sous les auvents de magasins et de décharger à l'abri des intempéries. Le confort acoustique est bon avec le moteur Cursor parce que celui-ci est nettement moins bruyant que son prédécesseur. Amélioration aussi pour la direction, que César Gomes juge plus précise et plus douce que celle de son EuroTech 190-30. Il apprécie le rayon de braquage qui lui permet d'aller livrer au plus près de ses clients, ce que ne peuvent faire certains de ses confrères.

Synthèse

L'EuroTech Cursor 8 en cabine courte est un véhicule « passe-partout » en distribution, très maniable grâce à ses capacités de braquage. Sa cabine, d'un volume satisfaisant mais un peu haute par rapport au sol, se révèle extérieurement peu vulnérable dans la partie inférieure, surtout avec l'option choisie chez Pedretti. Les performances du Cursor, obtenues avec un poids mort limité, en font un moteur recommandable aux transporteurs qui ont besoin d'un bon niveau de performances, soit pour tenir une moyenne commerciale élevée, soit pour circuler dans une région difficile, soit pour les deux comme c'est le cas chez Pedretti.

Le parcours d'essai

Au départ de Chambéry, le porteur EuroTech Cursor pesait 17,3 tonnes et affichait 110 000 km au compteur. La tournée, d'un total de 300 km, menait d'abord à Tignes pour deux livraisons, le reste étant déchargé à Bourg-Saint-Maurice au retour. Au volant, César Gomes, 12 ans d'expérience des routes alpines chez Pedretti. La neige était au rendez-vous au début de la montée vers Tignes, avant le passage des engins de salage. La moyenne qui avait été de 72 km/h jusqu'à Bourg-Saint-Maurice, descendait à 45 km/h sur les 30 km restant pour atteindre Tignes.

César Gomes, le conducteur du véhicule de l'essai, 12 ans d'expérience de livraison dans les stations d'altitude. Visavu
Caractéristiques techniques
Porteur Iveco EuroTech MH 190 E 31 P Cursor 8

Empattement : 5,70 m

Poids total en charge : 19 t

Poids total roulant : 40/44 t

Moteur : Iveco Cursor 8 type F2B E0681B - 6 cylindres en ligne 115x125 - cylindrée : 7 790 cm3 - suralimenté par turbocompresseur à géométrie variable, interrefroidi par échangeur air-air - 4 soupapes par cylindre - arbre à cames en tête dans la culasse monobloc - distribution à l'arrière - pistons monoblocs en aluminium - chemises humides - injection directe par injecteurs-pompes actionnés par l'arbre à cames et gérés électroniquement (système PDE)

Puissance maxi : 310 ch (228 kW) de 1950 à 2400 tr/mn

Couple maxi : 113 mkg (1115 Nm) de 1100 à 1950 tr/mn

Consommation spécifique minimum : 141,5 g/ch.h autour de 1600 tr/mn

Contenance en liquides de refroidissement : huile : 25,5 litres - eau : 26 litres

Puissance administrative : 21 CV

Compresseur bicylindre 460 cm3

Echangeur de chaleur eau-huile

Frein moteur ITB (Iveco turbo break) à décompression renforcé par le turbocompresseur - puissance 310 ch à 2800 tr/mn en continu, 340 ch à 3000 tr/mn temporairement.

Réchauffeur d'air au démarrage par résistance dans la tubulure d'admission.

Poids du moteur à sec : 678 kg

Embrayage : monodisque de 16" (410 mm) Commande hydraulique et assistance pneumatique.

Boîte de vitesses : ZF 16 S 109 à 16 rapports avant synchronisés et deux rapports arrière - ouverture : 13,30 - rapport de 1ère : 13,30 - rapport supérieur : 1 - grille en double H

Essieu avant : Iveco 5876 capacité au sol : 8 tonnes

Direction à assistance hydraulique intégrée ZF 8098 - rayon de braquage : 9,62 m hors-tout

Pont arrière : Meritor U 177 E à simple réduction - rapport : 1/4,10 - capacité au sol : 13 tonnes

Pneumatiques : 315/80 R 22.5

Performances : vitesse maxi théorique : 115 km/h limitée à 90 km/h

Vitesse à 1000 tr/mn en 1re vitesse : 3,60 km/h

Régime moteur à 90 km/h : 1875 tr/mn

Régulateur de vitesse électronique

Freinage : pneumatique à gestion pneumatique - freins avant à disque Knorr SB 7000, diamètre des disques : 436 mm - freins arrière à tambours, diamètre 410 mm - ABS - frein de parking par frein à ressort sur les roues arrière

Système ralentisseur : Frein à décompression ITB (voir moteur) - commandes au choix : au pied, au lâcher de pédale d'accélérateur, couplé avec la pédale de frein - régulation de la retenue avec le régulateur de vitesse.

Telma sur transmission CC220 (option)

Suspension avant : ressorts paraboliques - amortisseurs - barre stabilisatrice

Suspension arrière : pneumatique à 4 coussins - contrôle électronique Ecas - télécommande en cabine de monte et baisse (+140 mm -70 mm) - amortisseurs - barre stabilisatrice.

Cabine : courte - suspendue sur 4 ressorts hélicoïdaux - basculante par pompe hydraulique et vérin - siège conducteur à suspension pneumatique - siège passager simple.

Réservoir de gazole : 380 l en aluminium

Equipement électrique : deux batteries de 143 Ah - alternateur 90 A

Poids du véhicule en ordre de marche avec ralentisseur Telma, carrosserie fourgon frigorifique et hayon élévateur : 11 140 kg

Moteur Iveco Cursor de 7,8 l de cylindrée avec arbre à cames en tête et turbocompresseur à géométrie variable. Visavu L'anneau tubulaire au centre de la jante est posé à l'atelier en début de saison. Visavu

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