Le marché du transport volumineux a pris de la densité au fil des années. Soucieux de diversifier la clientèle de son entreprise, Jean-Paul Jung, P-dg d'Altrans, a rapidement conclu que les ensembles inférieurs à 40 tonnes de Poids Total Roulant rataient les frets de retour lourds. De plus, les véhicules de 26 tonnes et même de 36 tonnes de PTR (le maxi autorisé en Europe sur 4 essieux) restaient trop spécialisés. Les ensembles porteurs 2 essieux et remorque longue à 3 essieux centraux, moins chers à l'achat, ont été progressivement abandonnés au profit d'une configuration inverse avec une remorque à deux essieux centraux. Outre une meilleure latitude de chargement celle-ci permet de ne pas payer de taxe à l'essieu. L'évolution du code européen a aussi favorisé cette configuration : avec l'augmentation de 18,35 m à 18,75 m de la longueur totale d'un camion avec remorque, la distance entre carrosseries est passée à 75 cm ce qui permet d'exploiter au mieux une longueur utile totale de 15,65 m.
Pour définir le profil de ces véhicules, Bernard Bender, directeur technique d'Altrans, a pris en compte les besoins spécifiques de l'industrie automobile et les dimensions des modules de chargement sans s'aligner sur les normalisations allemandes qui privilégient deux caisses identiques de 7,82 m. Altrans a préféré un porteur carrossé en 8,13 m de longueur utile (8,22 m hors tout) attelé à une remorque de 7,33 m utiles (7,42 m hors tout). Il n'y a pas de différence entre les deux formules pour charger 38 palettes mais pour transporter au plancher 9 modules automobiles de 1,60 m de longueur (soit 18 sur deux niveaux) une des deux caisses doit avoir une longueur intérieure d'au moins 8 m.
Le porteur Mercedes Actros retenu est le 2540 BL 6x2 à suspension pneumatique intégrale, au PTC de 24,5 t - au lieu de 26 t à cause des pneumatiques taille basse. Le troisième essieu en monte simple est fixe et non relevable... par absence de débattement sous le plancher. La suspension peut cependant être délestée pour démarrer sur une route de faible adhérence - on fait chuter la pression d'air dans les coussins pour transférer la charge sur le pont moteur. La remorque à deux essieux centraux et à timon rigide réglable affiche un PTC de 15,99 t. Sur l'ensemble de l'attelage, la charge se répartit de manière homogène avec 1,8 t par mètre linéaire de plancher.
Le porteur est équipé de pneus 315/60 R 22.5, plus endurants que les modèles 295/60 R 22.5. Les caisses déposables sont autoporteuses et comportent deux longerons de 150 mm qui reposent directement sur ceux du camion sans faux-châssis. Les fixations des caisses par twist-lock normalisés sont montées en consoles sur les longerons. La hauteur du châssis est réglée à 850 mm du sol, la structure de la caisse a une hauteur de 150 mm, ce qui donne un dessus de plancher à 1 m exactement du sol. La hauteur utile est de 2,98 m. Le toit est coulissant avec une épaisseur de 65 mm aux rails. La hauteur hors tout respecte les 4,04 m. L'ensemble rail et bâche se soulève de 300 mm pour permettre le chargement latéral de deux modules de hauteur unitaire 1,50 m qui s'emboîtent l'un sur l'autre sur 30 mm environ. Le plancher à l'aplomb des roues est constitué d'une tôle de quelques millimètres
Les carrosseries sont déposables sur béquilles pour assurer l'interchangeabilité du porteur en cas de défaillance, dans un laps de temps compatible avec le « juste-à-temps » exigé par les clients. Deuxième raison, la possibilité d'échange de caisses en relais dans l'entreprise ou avec des confrères, ainsi que la dépose chez les clients. Raffinement supplémentaire, les caisses ont des points de fixation au même écartement en longueur mais les modèles de 7,42 m possèdent un deuxième jeu de twist-locks pour être éventuellement chargées sur le porteur, calées contre la cabine. Dans cette configuration la remorque peut recevoir une caisse de 8,22 m, l'opération nécessitant de raccourcir le timon réglable pour respecter les 18,65 m. Il serait même possible, si le code autorise un jour un allongement des carrosseries de transporter deux caisses de 8,22 m, en allongeant le timon. En préférant les caisses mobiles à une carrosserie fixe, Altrans sacrifie une tonne de charge utile par ensemble mais privilégie la souplesse d'utilisation.
En effet, pour Jean-Paul Jung : « à l'époque actuelle il n'y a pas de trafic garanti, la clientèle, volontairement ou involontairement, n'est pas fiable et il faut se prémunir contre le risque de non-reconduction d'un contrat. Première règle, un client ne doit pas représenter plus de 7 % du chiffre d'affaires global ». C'est ainsi que les 12 à 13 % d'activité liés à la Smart sont réalisés avec plusieurs fournisseurs de l'usine. « Deuxième règle, le matériel spécialisé tel que les ensembles grand volume dédiés à l'automobile, doit être utilisable sur d'autres trafics » gérés par Altrans en chimie conditionnée, jouets, cosmétiques ou matériel électrique.
Les porteurs sont équipés du déflecteur aérodynamique tridimensionnel proposé en option par Mercedes. Il n'y a pas de ralentisseur secondaire, le système d'origine étant jugé suffisamment performant. Le réservoir de gazole est de 700 l pour une autonomie d'environ 1800 km. Les cabines sont équipées des options climatiseur et chauffage additionnel. Les pneumatiques sont en majorité des Continental. Le suivi par satellite est à l'ordre du jour avec deux objectifs : social pour le suivi des temps de conduite et logistique pour la localisation et le suivi des livraisons. Le premier véhicule est en fin de test et 25 tracteurs sont en cours d'équipement. Ce ne seront pas des Mercedes car le nouveau tachygraphe électronique des Actros est incompatible avec le système de localisation de la société Metod, retenu par Altrans.
Pour faire tourner ses camions 16 heures par jour, Altrans multiplie les formules d'exploitation : deux tours par jour avec deux chauffeurs, ce qui représente entre 1000 et 1200 km, ou bien 3 chauffeurs en relais, ou encore 2 tracteurs et 4 chauffeurs entre Hambach et le sud-ouest de la France. C'est ainsi que l'entreprise a pu établir des lignes régulières sur 12 destinations à travers la France. Il y a aujourd'hui 20 tracteurs qui tournent sur la base de 250 000 km par an. Un kilométrage que Jean-Paul Jung souhaite parvenir à doubler.
Les ravitaillements en carburant sont effectués à 70 % au siège de l'entreprise, qui utilise aussi des cartes de paiement. Pour former les chauffeurs à la conduite économique, avec à la clé une baisse moyenne de la consommation de l'ordre de deux litres de gazole aux cent kilomètres, Altrans emploie depuis 4 ans un moniteur de conduite. Un deuxième le rejoindra bientôt. Habilité pour la Formation Continue Obligatoire de Sécurité, ce formateur dispense également aux conducteurs un enseignement sur le matériel roulant, la sécurité routière, les opérations de chargement/déchargement, la présentation et le comportement à tenir vis-à-vis de la clientèle.
Avec une moyenne de 31 à 32 l/100 km sur les tracteurs et de 34 à 35 l/100 km sur les porteurs 2540 avec remorque, pour des véhicules transportant 5 à 20 tonnes de marchandises, la consommation en carburant des Actros est jugée bonne par Altrans. Elle peut descendre nettement en dessous de 30 l/ 100 km sur un tracteur avec une charge de 5 t et sur un parcours facile. Il y a eu cependant quelques cas d'évolution anormale, en général suffisamment voyants - de l'ordre de 4 l/ 100 km - pour ne pas être imputés à une dérive de la conduite du chauffeur. Le moniteur est alors chargé de mener une enquête en suivant les opérations de mise en ordre exécutées par le constructeur et en faisant un rapport. C'est ainsi qu'il a été constaté au banc à rouleaux des pertes de puissance sensibles dues à un problème d'injecteurs, qui paraissait provenir d'un colmatage partiel du filtre à gazole. En conséquence, même si la vidange de l'huile est toujours pratiquée à 80 000 km, le filtre à combustible est systématiquement changé chez Altrans entre 35 et 40 000 km.
Le parc Altrans est constitué de 200 véhicules moteurs dont 100 tracteurs, 40 porteurs isolés 4x2 et 60 ensembles camions remorques en majorité 6x2. Mercedes est fournisseur exclusif des porteurs. Un peu plus de variété dans les tracteurs puisqu'une trentaine d'entre eux ne provient pas de la marque à l'étoile. Les semi-remorques viennent de chez Schmitz. Elles sont à bâchage coulissant latéral, de hauteur standard sauf quelques 2,82 m utiles. Les essieux sont d'origine Discos avec freins à disque, EBS et roues à déport 120. Les remorques des ensembles sont fournies par General Trailers qui est aussi responsable des caisses déposables. Les deux essieux centraux sont équipés de pneus jumelés 215/75 R 17.5 et de freins à tambour à commande pneumatique en attendant la disponibilité de disques et d'EBS.
Les tracteurs sont conservés 3 ans soit environ 600 000 km. Certains sont ensuite déclassés et affectés à la logistique où ils effectuent encore 2 ans. Les porteurs sont conservés jusqu'au-delà de 700 000 km.
Altrans a été créée à Frauenberg le 2 mai 1974. D'abord société d'affrètement, elle est très vite devenue transporteur de fret léger avec des porteurs simples (de 7,5 à 10,99 t de PTC) ou remorquant (13t de PTC). Des véhicules permettant de transporter jusqu'à 100 m3 de marchandises avec une licence B. Ce choix évitait d'investir lourdement dans les autorisations de transport patrimoniales. Selon Jean-Paul Jung, « Mercedes était le seul, à cette époque, capable de fournir ce genre de véhicules avec suffisamment de puissance et de fiabilité pour faire de la longue distance ». Au milieu des années 1980, l'évolution du régime des licences, liée à la libéralisation du secteur, amène Altrans à se repositionner en se dotant de tracteurs et de semi-remorques maxi-code, qui ont cependant permis de conserver l'activité « volume ». En 1993, Altrans est venu s'installer à Hambach, sur une bretelle d'autoroute, tout près du futur site de l'usine d'assemblage de la Smart. Grâce à cette dernière, le transporteur a pu développer ses capacités d'entreposage.
En 2000, le Groupe Altrans répartit ses 220 MF de CA sur trois métiers : le transport (160 MF), la logistique (40 MF) et la location de voitures et d'utilitaires légers (20 millions). Le transport couvre la France et l'Allemagne mais Altrans peut élargir son champ d'action en fonction de l'évolution géographique de ses clients. En plus du siège d'Hambach, Altrans dispose d'agences à Metz, Strasbourg, Lyon, Oyonnax et Nîmes. Ces trois derniers sites possèdent un petit parc de véhicules (de 12 à 20 chacun). Ce dispositif est complété par deux filiales, en Allemagne et au Luxembourg.
La logistique dispose de 45.000 m2 d'entrepôts, situés pour environ un tiers au siège à Hambach, pour un autre tiers dans un rayon de 20 km et le reste à Lyon et Oyonnax. Il faut ajouter 3000 m2 à Sarrebruck. La location, du type courte durée, s'exerce dans 4 villes : Metz, Strasbourg, Sarreguemines et Nancy. Le parc de 400 véhicules comporte 2/3 d'utilitaires et 1/3 de voitures. La clientèle est principalement constituée d'entreprises. Jean-Paul Jung est un des fondateurs du groupement de loueurs indépendants Eurli.
