Le 22 novembre à Lyon, le Salon Solutrans a été l’occasion, pour le Cluster européen pour les solutions de mobilité (Cara), de présenter un point d’étape du projet Award, qui vise l’expérimentation de véhicules autonomes lors d’opérations logistiques réelles, par tous types de temps. Commencé en 2021, il implique 29 partenaires et est financé par la Commission européenne à hauteur de 26 M€. Les enjeux sont d’améliorer les conditions de travail des personnels et de réduire le coût et l’impact environnemental des opérations.
Les partenaires d’Award ont choisi quatre cas : un véhicule de remorquage pour le transport de bagages (testé à l’aéroport d’Oslo), un chariot élévateur ou encore un tracteur permettant le chargement et déchargement de conteneurs. Testé au port de Rotterdam, ce dernier est aussi utilisé dans un dernier cas : les transferts de plateforme à plateforme (d’un site du fabricant autrichien de moteurs Rotax au site local de DB Schenker, par exemple). Il a subi deux ans de tests consistant à le faire rouler en avant puis en arrière, et à le faire freiner sous un tunnel de pluie, et s’entraîne à présent à entrer sur une route en s’approchant d’une barrière pour déclencher son ouverture.
Plusieurs freins restent à lever. « Il faut tout automatiser : l’autorisation d’ouverture du portail, le nettoyage des roues du tracteur, etc. », observe Olav Madland, dirigeant d’un partenaire norvégien du projet, Applied Autonomy. Autre point : à partir du moment où ces véhicules circulent au milieu d’autres conduits par des humains, ils ralentissent, voire s’arrêtent plus souvent.
Par ailleurs, des interventions humaines restent nécessaires, notamment pour éventuellement prendre « la main » sur un véhicule autonome. « Les conducteurs deviennent des téléopérateurs, dont on peut limiter le nombre, puisqu’un seul peut surveiller plusieurs véhicules autonomes », commente Sami Koskinen, chef de projet au centre de recherche finlandais VTT.
Leur intervention est exigée par la réglementation, mais reste à clarifier. Pour Victoire Coüelle, conseillère politique à l’Union internationale des transports routiers (IRU), « un des plus gros changements porte sur le rôle de ces opérateurs humains ». Leurs missions n’ont plus rien à voir avec celles des conducteurs routiers et sont assurées, dans cette phase expérimentale, par des ingénieurs. « Un suivi de leur activité cérébrale en opération a révélé qu’ils sont épuisés en une heure », assure Olav Madland. De fait, interroge Victoire Coüelle, « qui doit réguler leurs temps ? Quelles conditions de travail ? Combien doivent-ils être pour gérer toute une flotte autonome ? Quelles connaissances et titres leur faut-il ? … »
De leur côté, les transporteurs routiers, représentés à l’IRU par leurs organisations professionnelles, ne se voient pas encore porter ces emplois. « Ils sont encore détachés du sujet du véhicule autonome, qu’ils voient un peu comme un risque pour leur activité, observe la conseillère. Ils posent aussi des questions sur la responsabilité en cas d’accident. » La profession est curieuse de ces innovations et de leurs apports, conclut-elle, même si pour certains, « ce n’est presque plus du transport… »