La piste du rétrofit électrique

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Dans un objectif de longévité des véhicules et d’optimisation de leurs coûts d’exploitation, l’industrie du poids lourd cherche à recycler tout ou partie de ses productions. Peu à peu, la reconversion de véhicules d’occasion fait aussi ses preuves dans la filière de recyclage, notamment à travers le rétrofit électrique.

Ignorée avant 2018, la transformation de véhicules thermiques en fin de première vie tente d’émerger en France et bénéficie depuis 2020 de règlements hexagonaux (arrêté du 13 mars 2020 encadrant le champ de l’activité) et du classement « faibles émissions » pour les véhicules électriques (VE) rétrofités (décrets du 18 novembre 2021).

Le rétrofit PL bénéficie des récentes aides à l’achat de PL électriques de l’appel à projets « Écosystème des VE lourds ». Les acteurs du rétrofit électrique tentent de convaincre sur la mise en œuvre d’un renouvellement accéléré du parc grâce à une conversion, solution complémentaire au neuf, et mettent l’accent sur les créations d’emplois non délocalisables de l’activité. Pour ce faire, ils misent sur le plan France 2030, un plan d’investissement du gouvernement de 30 Md€ pour accompagner les transitions, notamment en matière d’énergie, et s’appuient sur l’étude d’analyse du cycle de vie (ACV) de l’Ademe, qui indique que la conversion d’un véhicule thermique en VE réduit plus efficacement les GES qu’un VE neuf. Développée en Allemagne, entre autres par BPW ou Quantron, l’activité est portée en France par une poignée de PME dont e-Neo, Neotrucks, Phoenix Mobility, Retrofleet ou Safra, fédérées par l’association AIRe. Ces sociétés, souvent des start-up, sont dépendantes des subventions et appels à projets de l’État et des levées de fonds prévues dans leur business plan. Des effectifs réduits les conduisent aussi à s’appuyer sur des sociétés d’ingénierie et/ou fabrication de batteries tels CarWatt, Novum Tech ou Segula. Le développement du rétrofit électrique s’avère particulièrement ardu, avec des homologations UE non unifiées, coûteuses (> 150 K€ pour le rétrofit proprement dit, 100 K€ pour les batteries, 250 K€ à 1 M€ pour développer un kit de conversion selon l’étude Ademe Rétrofit 2021), longues (plus d’un an) et complexes. Elles ne couvrent pas des chaînes de traction adaptables sur différents modèles avec le même agrément et exigent de nombreux essais (batteries, bruit, freinage, direction…) par l’Utac, qui varient selon les véhicules et requièrent un accès à leurs données constructeur.

L’homologation en série du rétrofit (type et année spécifique pour chaque modèle de chaque marque) débouche sur un agrément de prototype et exonère le rétrofiteur de l’avis technique du constructeur initial. Ce n’est en revanche pas le cas pour les réceptions à titre isolé, ce qui limite le rétrofit à des modèles très répandus afin d’amortir les coûts d’étude, d’homologation et d’essais.

L’ambition d’e-Ne

La société e-Neo convertit depuis 2017 en VE à batterie (VEB) ou PAC H2 (pile à combustible ou FCEV, fuel cell electric vehicle) des véhicules particuliers et des engins de TP, et ambitionne de convertir 1 % du marché français du poids lourd avec un réseau de franchisés installateurs de ses kits homologués. Elle vient en effet de mettre au point deux démonstrateurs PL (DAF XF 105-460, Scania G440) rétrofités en attente de livraison et d’homologation.

La société, qui a noué un partenariat avec DB Schenker, L’Oréal et Engie dans le cadre d’un appel à candidatures « Écosystème H2 » de l’Ademe, a aussi exposé sur Hyvolution 2022 un Premium 4x2 FCEV tribenne à PAC H2 affichant 8,7 t de tare.

Ces conversions utilisent des moteurs électriques « automobile », des batteries Li-Fe Phosphate Novum Tech et des PAC Plug Power ou Symbio.

Les délais sont courts (un mois), la durée de vie (et le TCO) des poids lourds portée de quinze à seize ans avec un kit utilisable sur deux ou trois « planeurs » (carcasses). E-Neo met aussi en avant la location des batteries et le faible coût de H2 « marin » du programme Lyfe. Le rétrofit VEB de PL urbains devrait atteindre environ 150 K€ (contre 300 K€ pour un véhicule neuf) et le FCEV 300 (contre 750/800 K€ selon e-Neo).

L’approche NeoTrucks

Alors que les conversions PL sont encore virtuelles faute d’homologations, NeoTrucks, créé en 2020, s’est affranchi des coûts et contraintes administratives en ciblant le marché des engins logistiques (tracteurs de parc, porte caisses, avitailleurs…). Limités par construction à 25 km/h et circulant en sites privés, leur statut de véhicules spéciaux (art. R168 du Code de la route) les exonère en effet des homologations routières. Sans carte grise, contrôle technique ou « visites manutention », ils se conforment à la certification CE de la « directive machines ». NeoTrucks a établi un partenariat avec Renault Trucks, qui lui fournit des VO, lui rachète moteur, boîte et composants à l’issue de la transformation et l’accompagne pour l’engineering (interfaces électroniques, direction, circuits pneumatiques…)

Dénommé ELYT (ELectric Yard Tractor), le projet de rétrofit de VO thermiques en engin logistique, né début 2021, associe également Brevet Carrosserie (transformations) et Novum Tech (batteries, engineering). Il a été primé par l’Ademe dans le cadre du programme « Investissements d’avenir » (concours i-Nov) avec une aide financière de 949 K€ et, en tant que lauréat du programme Auratrans, en a reçu une autre de 120 K€. La société, en cours de tests opérationnels des premiers véhicules (entre autres chez Transports de Savoie et BERT), a reçu en outre un prêt d’amorçage de Bpifrance et un label « pôle de compétitivité » par le cluster Cara.

NeoTrucks table sur une production de dix unités en 2022 – sur un marché hexagonal de 250 à 400 engins logistiques et vise une part de marché de 20 % dans les trois ans, avec un déploiement européen dès 2024. ELYT bénéficie des récentes aides de l’écosystème VE lourds (voir encadré) et devrait avoisiner les 200 K€ hors installations de charge, que NeoTrucks propose de son côté (stations à panneaux photovoltaïques, borne de charge rapide de 100 kWh).

L’écosystème des véhicules électriques lourds

Les aides annoncées en février 2022 instaurent une subvention – non cumulable avec le bonus d’achat de VEB lourds ou à PAC H2 – limitée à 65 % de l’écart tarifaire entre PL électriques et équivalents diesel, avec un plafonnement à 100 K€ par véhicule pour les cars, bus et PL de PMA < 26 t et 150 K€ pour les camions de PMA supérieur ou égal à 26 t. L’installation de bornes de recharge destinées aux engins éligibles est aussi finançable jusqu’à 60 % des coûts.

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