[Dossier cartes carburant] Retour aux basiques

Ces dernières années, l’attention des acteurs du marché des cartes carburant a sou-vent porté sur les services associés et sur le transfert des données entre prestataires et transporteurs. De ce point de vue, des améliorations sont encore possibles mais plu-sieurs acteurs insistent sur l’accès par leur carte à une offre de carburant à bas prix ou sur l’extension de leur réseau.
Les Transports Granger (92) affichent clairement leurs deux principaux critères de choix au moment d’opter pour un fournisseur de carte carburant. « En juin de l’an passé, nous avons décidé de changer de prestataire. Nous avons alors été particulière-ment attentifs à l’offre tarifaire mais aussi au maillage. Nous avons choisi une offre moins onéreuse qui garantit en même temps à nos conducteurs longue distance qui sont amenés à circuler dans les pays limitrophes une plus grande couverture », ex-plique Elisa Phou-Grenault, la responsable en organisation du transporteur qui opère à partir du port de Gennevilliers. Le transporteur francilien fait également part d’une limite, notamment en matière de prévention contre la fraude : « La protection généra-lement offerte, du moins en ce qui concerne les véhicules utilitaires légers qui sont dé-pourvus de chronotachygraphe, n’est pas suffisante car un conducteur peut saisir le kilométrage qu’il veut », avance la responsable en organisation. Pour autant, Elisa Phou-Grenault souligne que les outils de prévention de la fraude sont utilisés avec parcimonie : « Mettre en place une limite budgétaire ou appliquer des restrictions peut influencer de façon négative la confiance entre les conducteurs et l’entreprise, raison pour laquelle nous y recourrons peu. Il vaut mieux trouver des moyens pédagogiques afin de la limiter », assure-t-elle. Les Transports Granger sont également intéressés par la diversification de l’offre énergétique : « Il serait utile de pouvoir disposer de manière plus systématique de HVO en station. Nous envisageons l’arrivée d’utilitaires élec-triques sur notre parc et sommes à la recherche de solutions pour les recharger », in-siste Elisa Phou-Grenault.
Lié à IDS Q8 depuis de nombreuses années, RDV Transports (62) met également en avant le critère du prix. Jean-Pierre Devigne, le gérant de l’entreprise installée à Marck, le confirme : « Le prix est un élément clé pour nous. IDS Q8 est correctement placé sur le marché. Nous surveillons les tarifs une fois par semaine et, compte tenu de la rela-tion qui nous lie à ce pétrolier, nous discutons de remises en fonction des volumes con-sommés ». Si RDV Transports se montre satisfait des services associés à l’utilisation de la carte en matière de reporting ou de prévention contre le vol, Grégoire Jacob, assis-tant pôle formation/assurance du transporteur, souligne aussi la réactivité du service client qui « répond très rapidement à nos interrogations ou à nos demandes ». Au-delà des considérations tarifaires, ce transporteur se tourne également vers l’avenir pour contribuer à la transition énergétique : « Même si l’on en est encore au stade des ré-flexions, nous évoquons sérieusement le sujet de l’hydrogène », remarque Jean-Pierre Devigne.

La grande distribution à son avantage

Dès lors les fournisseurs de cartes s’adaptent à des attentes liées au contexte inflation-niste. Siplec, l’entité du groupe E. Leclerc qui est dédiée aux produits et services relatifs à l’énergie, est confortée dans sa stratégie. Thierry Dorien, directeur adjoint de Siplec, rappelle que « E. Leclerc livre un combat constant pour les prix », ce qui se traduit no-tamment par des opérations régulières à prix coûtant. « Notre positionnement prix est notre force principale. Le prix facturé est le prix affiché au totem. Quant à notre carte, l’abonnement coûte 2,50 euros HT par mois et par carte. Il s’agit du seul coût facturé ; il n’y a pas de frais de gestion », souligne-t-il. Disposant de 556 pistes dédiées aux poids lourds, E. Leclerc est « très bien placé dans les zones périurbaines ». La carte de l’enseigne permet également de s’approvisionner sur autoroutes : « En plus des 23 stations en propres, nos abonnés peuvent accéder à celles des réseaux BP et Shell », insiste le directeur adjoint. Les services n’en sont pas moins délaissés. « Depuis la mi-avril, Siplec propose la compatibilité avec le badge télépéage Eurotoll au tarif d’un euro par badge et par an auquel sont associés des frais de gestion de 0,4 % », avance Thierry Dorien.
DKV Mobility a également mis l’accent sur la possibilité offerte aux transporteurs de bénéficier des prix de carburant les plus bas du marché en multipliant les partenariats avec les enseignes de la grande distribution. Alors que la carte DKV Mobility était déjà acceptée dans la totalité des stations Cora, Esso Express et E. Leclerc, depuis la fin de l’année 2021 un contrat a été signé avec Carrefour et des contrats-cadre l’ont été avec Intermarché et Système U. « Le développement du maillage permis par les partenariats avec Carrefour, Intermarché et Système U correspond à la demande de nos clients. Nous allons continuer d’augmenter progressivement le nombre d’affiliations à des sta-tions Intermarché et Système U qui sont toutes indépendantes. Cette démarche parti-cipe du fait que les transporteurs voient de plus en plus en DKV Mobility une solution d’approvisionnement non seulement locale et régionale mais également nationale », explique Anne-Sophie Joussemet, responsable commerciale Ouest de DKV Mobility. Cette dernière relève que la maîtrise des coûts est plus que jamais au centre des attentes des transporteurs : « DKV Analytics, notre outil de gestion de flottes, qui permet de suivre au mieux la consommation par carte, est de plus en plus utilisé ».

La bataille des affiliations

UTA Edenred partage certains des objectifs de DKV Mobility. À l’automne 2022, Edenred, qui gère la carte UTA, a annoncé la signature d’un contrat-cadre avec Inter-marché lequel concerne également l’enseigne Netto. Au total, le potentiel d’affiliation atteint 1600 stations-services dans l’Hexagone. « A l’heure actuelle, 500 sont déjà affi-liées », relève Christian Wittmer, le directeur commercial et partenariats de UTA Edenred. « Notre premier objectif consiste à donner accès à un maximum de stations à prix bas. En 2023, nous avons l’ambition d’augmenter encore plus le nombre de sta-tions afin d’accroître la capillarité de notre réseau. Notre pari est simple : un conduc-teur doit pouvoir utiliser notre carte dans un point de distribution de carburant situé dans un rayon maximal de 10 kilomètres ». En revanche, ces objectifs diffèrent quant aux entreprises du TRM ciblées, UTA Edenred privilégiant les TPE et PME jusqu’à cin-quante poids lourds même si, depuis le Covid, un focus sur l’express en moins de 3,5 tonnes a été opéré. Afin de répondre à la préoccupation tarifaire des transporteurs, Edenred a choisi de retenir le prix affiché à la pompe : « De nombreuses compagnies pétrolières appliquent des barèmes. Tel n’est pas notre cas. Nous sommes soucieux de la lisibilité de l’offre », observe Christian Wittmer.

IDS Q8 se positionne également en matière de tarif. Lionel Waelput, Sales Manager France, avance : « Nos prix sont compétitifs. Nous sommes parmi les moins chers sur le marché et parvenons à nous positionner en rapport aux prix affichés par les grandes surfaces ». Le pétrolier a fait du marché français une cible de croissance : « La France est l’objet d’une attention de développement particulière. Nous nous adressons à des transporteurs de toute taille en leur garantissant une solution de sécurisation des cartes à la pointe qui est destinée à protéger le principal poste de dépense des entre-prises », souligne-t-il. La carte à puce RFID sans contact de IDS Q8 est associée à des services qui permettent notamment l’accès à des parkings sécurisés dont le réseau va être élargi. Parmi les projets de IDS Q8 figure en outre « l’élargissement, au niveau eu-ropéen, du réseau de stations permettant l’approvisionnement en HVO, GNL et bientôt hydrogène ».

Donner l’accès à des parkings et à des stations de lavage

Chez AS 24, plusieurs évolutions sont mises en avant. « Nous sommes en train de re-voir le parcours en station. Après avoir été testé à Nantes, un nouveau parcours est en train d’être déployé sur trois mois à compter d’avril. Il facilitera le choix des pompes et passera notamment par la mise en place d’écrans tactiles », révèle Michel Le Vern, le directeur des ventes France de AS 24. La filiale de TotalEnergies prévoit de renforcer la sécurisation de sa carte par l’envoi de SMS, une solution qui sera effective en fin d’année 2023. Parmi les services associés, AS 24 a notamment fait porter ses efforts sur l’accès à un réseau de parkings sécurisés et de stations de lavage étendu : « La demande est forte pour les parkings et récurrente pour les stations. Nous intensifions donc progressivement notre réseau grâce à des partenariats. Aujourd’hui, 38 parkings dont 19 en France et 95 stations dont 79 en France sont accessibles avec notre carte dont le support sera graduellement dématérialisé », relève le directeur des ventes. Sur le plan de la transition énergétique, AS 24, après avoir créé un pôle nouvelles énergies, entend « inciter les clients à souscrire davantage au bioGNC dans les contrats ».

Des positionnements qui diffèrent

C2A, qui fournit une carte de paiement multi-services, a ces dernières années notam-ment concentré ses efforts sur le maillage en Italie. 300 nouvelles stations ont ainsi été connectées depuis l’an passé. L’Espagne a constitué l’étape suivante : « Depuis la mi-avril, deux mille stations Repsol ont rejoint le réseau multi-enseignes proposé par C2A », révèle Gilles D’Huiteau, président de C2A. Alors que de nombreux fournisseurs de cartes ciblent des transporteurs de tous les secteurs et de toutes les tailles, C2A a adopté une stratégie différente : « Nous touchons de plus en plus de clients mais notre offre concerne plus particulièrement des entreprises comptabilisant un maximum de cinquante poids lourds auxquelles nous garantissons notre agilité et une flexibilité fi-nancière », détaille Gilles D’Huiteau. Les propos de Serge Tauzin, dirigeant de Tauzin SE (40), éclairent le mode de fonctionnement de C2A : « Chaque fin de journée, notre poste carburant est réglé. Pareille possibilité me garantit une tranquillité d’esprit au-tour d’un poste de coût qui est devenu extrêmement important. Qui plus est, je suis également satisfait de pouvoir, si j’en éprouve la nécessité, échanger directement par téléphone avec le dirigeant de C2A. La relation entre C2A et Tauzin SE demeure ainsi humaine », souligne Serge Tauzin.

Bien entendu, comprendre les besoins de chaque entreprise reste un enjeu pour les fournisseurs de carte. Roy Skop, directeur région Europe de Soldo, le rappelle : « Nous essayons de comprendre au mieux l’activité de chaque transporteur avec lequel nous travaillons tant en matière d’exploitation que de logique financière ». Soldo, qui se pré-sente comme une plateforme de gestion des dépenses des employés des entreprises, reconnaît que la plupart des transporteurs sont d’abord intéressés par la carte de car-burant dématérialisée : « Beaucoup des entreprises du TRM que nous aidons viennent à nous par le biais des cartes carburant. Dans un second temps, elles vont potentielle-ment débloquer des catégories de paiement supplémentaires comme le paiement du péage, des amendes, de réparation, l’enjeu étant toujours d’éviter l’avance de frais par un conducteur ».