Ekleo (37) : Le pari de l’électrique

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Crédit photo Étienne Berrier
Exploitant aujourd’hui deux camions électriques, le transporteur tourangeau Ekleo en prévoit six dès l’année prochaine afin de réaliser 10 % de ses transports sans émission de CO2.

Ekleo, transporteur établi en région Centre-Val de Loire, à la tête d’une flotte d’une cinquantaine de camions, a pris pour emblème un mouton. Cela fait référence à l’engagement environnemental de l’entreprise, qui fait pâturer des ovins dans les espaces verts entourant ses parkings et entrepôts, situés à Montlouis-sur-Loire, non loin du fleuve et à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Tours (Indre-et-Loire). Le mouton à cinq pattes figurant sur les camions symbolise aussi l’adaptabilité de l’entreprise, dont une des spécialités est de travailler pour les agenceurs qui constituent une clientèle particulièrement exigeante.
À ce marché de niche, Ekleo ajoute deux autres métiers qui composent l’essentiel de son activité. D’une part, le dernier kilomètre sur l’Indre-et-Loire et les départements limitrophes, avec 25 camions du porteur de 16 t au semi de 44 t. Distributeur régional du réseau Volupal, le transporteur affirme pouvoir desservir par ce biais 75 départements français en 24 heures. L’autre métier d’Ekleo, c’est le groupage : 25 semi-remorques sont utilisés dans des schémas pendulaires longue distance depuis la région Centre vers l’Île-de-France ainsi que vers le Sud et le Sud-Est de la France, avec, à l’aller, deux à dix clients par camion et des retours en flux complet pour plus de rapidité.
« Nos clients appartiennent à tous les secteurs d’activité, depuis le petit vigneron de Touraine jusqu’au gros industriel, indique le dirigeant de l’entreprise, Kévin Lenoir. Ekleo se veut spécialiste du mouton à cinq pattes, quelle que soit la volonté du client : contrainte technique particulière ou attention environnementale affirmée. »

Ekleo
Les 50 camions d'Ekleo sont floqués d'un mouton à cinq pattes, symbolisant à la fois l'engagement environnemental de l’entreprise, qui fait pâturer des ovins dans les espaces verts entourant ses parkings et entrepôts, mais aussi l’adaptabilité de l’entreprise.
Crédit photo : Étienne Berrier

Soif d’entreprendre

Ekleo est le nouveau nom, depuis 2023, des Transports Moisy : cette entreprise, fondée par Fabrice Moisy en 1987 à Montlouis-sur-Loire, a intégré Évolutrans dès la création du groupement en 2003, s’est lancée dans le cross-dock en 2012 et a renforcé son activité logistique en 2018 avec l’acquisition d’un nouvel entrepôt de 2 500 m².
Lorsque Kévin Lenoir reprend en juin 2022 les Transports Fabrice Moisy, il a déjà derrière lui dix ans d’expérience dans une autre entreprise familiale : celle de son père, Lenoir Transport, société comptant une centaine de collaborateurs et située près de Saint-Dizier (Haute-Marne). Y ayant occupé tous les postes jusqu’à devenir directeur de site, il a préféré voler de ses propres ailes pour étancher sa « soif d’entreprendre ». Évolutrans, auquel appartient l’entreprise de son père, constitue sa « famille professionnelle ». C’est donc naturellement au sein de ce groupement qu’il sélectionne une entreprise à reprendre après y avoir rencontré Fabrice Moisy.
Avec la reprise de Moisy/Ekleo, Kévin Lenoir a changé de spécialité, puisque les transports Lenoir font dans le volumineux, alors que les transports Moisy sont spécialisés dans le groupage. Reste un point commun avec l’entreprise familiale qu’il a quittée : la volonté d’engager la transition énergétique du transport routier. Dans la Haute-Marne, cela passait par des camions carburant au GNL. En Touraine, ce sera les camions électriques.

Une transition engagée

Fabrice Moisy avait déjà entamé la transition en 2021, avec un des premiers camions porteurs électriques de France : un Volvo FL de 16 t. Dès son arrivée, Kévin Lenoir annonce la couleur : « j’ai réuni mes collaborateurs pour leur expliquer que nous vivrons ensemble la décarbonation de l’entreprise. Fin 2022, j’ai lancé le projet d’une station de recharge adaptée aux camions. Scania, Volvo et Mercedes nous ont prêté des véhicules pour essais. »
La chance d’Ekleo, c’est le passage à proximité de l’entreprise d’une ligne électrique haute tension qui a facilité l’installation de nouvelles bornes de recharge. Jusqu’à présent étaient installées quatre bornes de 43 kW, adaptées aux véhicules légers, mais dont la faible puissance impliquait de laisser le camion branché toute une nuit pour une autonomie de 250 km.
L’installation d’un transformateur d’1 MW a permis de mettre en place quatre bornes délivrant 300 kW. Cela en fait « la plus grosse station de recharge privée d’un transporteur pour des véhicules poids-lourds en France », selon Kévin Lenoir, qui précise que la recharge pourra ainsi se faire en quelques dizaines de minutes.
Cet équipement est dimensionné pour charger dix à quinze camions, et le nombre de poids lourds électriques pourrait être porté à 25 ultérieurement à condition d’installer un module supplémentaire pour exploiter tout le potentiel du transformateur.
Ekleo n’en est pas encore là. Le premier camion électrique a pourtant convaincu de l’intérêt de la technologie. À commencer par le chauffeur, Nicolas, qui compte 18 ans de permis poids lourd au compteur et 12 ans d’ancienneté chez son employeur. Il est le meilleur ambassadeur du camion électrique : « La première chose qui change, c’est la réduction du bruit et donc de la fatigue à la fin de la journée. J’apprécie aussi la souplesse de la transmission, et l’accélération instantanée permise par la motorisation électrique. »
Ce porteur de 16 t, utilisé pour les tournées dans Tours et son agglomération, a été rejoint en octobre 2023 par un deuxième camion électrique : un tracteur Volvo FM de 44 t, acquis en octobre 2023 pour un coût d’environ 350 000 €, et dont les 540 kWh de batterie permettent une autonomie d’environ 500 km.
« Ces camions électriques sont très chers à l’achat, mais économiques si on les fait beaucoup rouler », précise Kévin Lenoir. « 250 à 300 km par jour, ce n’est pas assez pour atteindre le point mort, indique-t-il. Il faut donc charger très rapidement, pour faire rouler le camion deux fois par jour. Ainsi on arrive à une solution décarbonée avec un surcoût maîtrisé par rapport à un diesel : 10 à 20 % de plus permet de faire venir des clients pour qui un surcoût de 50 % serait dissuasif. »
Fin décembre 2023, Ekleo a remporté un appel à projets de l’Ademe pour accélérer la transition énergétique du transport routier. Cela va permettre à l’entreprise d’acquérir fin 2024 deux nouveaux porteurs de 19 t, qui seront utilisés pour les transports régionaux, puis début 2025 deux tracteurs grand autonomie, qui permettront d’atteindre la région parisienne en électrique.
Avec ces nouvelles acquisitions, l’entreprise sera en mesure d’atteindre son objectif de réaliser 10 % de ses transports sans émission de CO2. « Le 100 % électrique n’est pas pour demain, mais nous prenons de l’expérience et avons ainsi un à deux ans d’avance sur nos concurrents, explique Kevin Lenoir, qui précise que la flotte a réalisé 3,4 millions de kilomètres en 2023. Nos équipes sont désormais formées à la gestion du camion électrique, et nous seront prêts quand la demande se fera sentir. D’ailleurs certains prospects, par exemple de gros industriels de Tours qui étaient hier inatteignables pour nous, nous sollicitent aujourd’hui pour une solution décarbonée clé en main. D’autres clients ont des flux qui ne sont pas compatibles avec l’utilisation de camions électriques, mais viennent pour notre démarche globale. »

Repères

Siège : Montlouis-sur-Loire (37)
Effectif : 75 collaborateurs, dont 50 chauffeurs
Parc : 50 camions
Chiffre d’affaires 2023 : 10,6 M€ (transport) + 1,3 M€ (filiale Ekleo Logistique)
Activités : groupage, distribution

Un investissement pour dix ans

Outre la subvention de la région Centre Val de Loire pour l’installation de sa nouvelle borne de recharge, Ekleo a obtenu une aide de l’Ademe pour l’achat de ses quatre futurs camions électriques. Cela ne compense cependant pas le surcoût par rapport à des camions diesel. « L’achat se fait en crédit-bail », précise Kévin Lenoir, qui a prévu d’exploiter ces véhicules sur une durée de dix ans. « Nous n’avons pas recours à la location, car il faut rendre les camions dans le même état. Or nous ne savons pas dans quel état ils seront au bout d’un million de kilomètres. Nous ne savons pas non plus quelle sera leur valeur résiduelle, ni à quelles conditions nous trouverons des acquéreurs à l’export, comme c’est le cas actuellement pour les camions diesel lorsque nous les sortons de notre flotte. » E. B.

 

 

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