Le défi de la décarbonation du secteur logistique ne se résume pas à remplacer les camions thermiques par des modèles électriques. Lors d’une conférence organisée le 21 novembre par France Logistique, deux transporteurs ont rappelé qu’il restait beaucoup de marge en matière d’optimisation des flux logistiques. Pénélope Laigo, directrice développement durable chez FM Logistic, a indiqué que des gains significatifs peuvent être réalisés bien avant de recourir à l'électrification. « La sobriété et l'efficacité opérationnelle permettent de réduire jusqu’à 80 % des émissions de CO₂. Par exemple, en limitant les kilomètres inutiles ou les trajets à vide, on agit directement sur le bilan carbone. » FM Logistic applique une approche pragmatique baptisée "3R+1", qui intègre notamment la réduction des kilomètres parcourus et l’optimisation du conditionnement des marchandises. Une des priorités est de revoir l’organisation des flux. « Il faut éviter d'envoyer des produits à l'autre bout de l'Europe pour les faire emballer, et diminuer également les kilomètres à vide. » Pénélope Laigo met en avant des initiatives simples mais efficaces : « Il faut réduire le vide dans les kilomètres, lorsque les camions ne sont pas complètement chargés, ou parce qu'il y a parfois plus de palettes que de produits, et notamment des palettes sandwich, très utilisées dans le retail. Il est possible d'agir en remplissant mieux les cartons ou en essayant de rendre les éléments plus stackables. » La collaboration inter-entreprises, notamment via des solutions de pooling, s’avère également un levier puissant. FM Logistic mutualise les transports pour des concurrents partageant le même entrepôt. « Cela demande une ouverture d’esprit entre les directions concurrentes, mais les bénéfices environnementaux et économiques sont évidents. » En parallèle, ralentir les flux non urgents permet d’explorer des alternatives moins polluantes. « Cela permet aux transporteurs d'avoir le temps d'aller récupérer un contre-flux. De même, une chaîne logistique plus détendue peut favoriser l’utilisation de modes de transport alternatif comme le rail », ajoute-t-elle, tout en restant consciente qu’un transporteur seul ne peut à lui seul inverser la tendance. « Il est nécessaire de mettre autour de la table les logisticiens et les donneurs d'ordre pour repenser la chaîne logistique dans son ensemble », constate-t-elle.
Réinvestir le rail pour une logistique multimodale
David Darrieussecq, dirigeant de Bleu Modal et Transports Darrieussecq, illustre cette transition avec des résultats concrets. Son entreprise a réussi à transférer 200 camions vers le rail en repoussant de 24h les délais de livraison en grande distribution pour des flux internationaux. « Le changement de certaines habitudes prises en logistique ouvre la voie à de nouvelles alternatives de transport, qui bien sûr ne sont pas adaptées à tout type de fret comme le transport de denrées périssables », Malgré la grève opérée par Fret SNCF le jour de la conférence, David Darrieussecq reste un fervent partisan de la solution rail route. « Nous avons commencé à monter des liaisons rail-route en 2019, notamment entre le sud-ouest et la région parisienne, avec d’autres projets de liaisons en cours. Les chargements s’effectuent à quai ou en latéral en caisse mobile, ce qui ne crée pas de rupture de charge et offre une bonne régularité. » Il souligne également l'intérêt du stock roulant : « Les caisses peuvent être laissées en stock sur les terminaux entre 2 à 4 jours, ce qui offre la possibilité de cadencer les livraisons. » David Darrieussecq milite pour une évolution de la réglementation, en autorisant le transport à 46t dans le cas du transport de caisse mobile, afin de compenser le surpoids de 2t de la caisse. Une revendication soutenue d’ailleurs par le GNTC.