Augmentation des charges pour les entreprises, baisse de la rémunération en net pour certains conducteurs mais aussi impact sur l’attractivité de la profession, qui peine déjà à recruter. Le 12 juin, le Premier ministre Édouard Philippe a évoqué que la baisse d’impôt sera notamment financée par une diminution des niches fiscales et sociales qui « réduisent les droits sociaux des salariés, comme la déduction forfaitaire spécifique ». Cette niche, estimée à 1,5 Md€ dans le budget de la Sécurité sociale, peut se cumuler avec les baisses de charges votées avec la fin du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et ne serait donc plus justifiée pour le gouvernement. « Pour les entreprises appliquant la DFS, la suppression de ce dispositif aurait un impact très lourd sur le coût du travail », indique Michel Mattar, secrétaire général de TLF Méditerranée.
L’ouverture d’une concertation avec les secteurs concernés par la DFS a été annoncée, plusieurs options étant sur la table (réduction de l’avantage, suppression pour certaines professions, etc.). Les organisations professionnelles FNTR, TLF et OTRE ont lancé une consultation auprès de leurs adhérents pour mesurer l’impact financier et estimer le nombre d’entreprises appliquant la DFS. Le sujet sera évoqué lors de leur réception à Matignon le 5 juillet.
Quels avantages apporte la DFS au transporteur ? L’employeur peut, pour une liste précise de professions visées par l’article 5 de l’annexe IV du Code général des impôts, pratiquer une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels à l’assiette des cotisations dans la limite de 7 600 euros par an. C’est un abattement de charges sociales accordé aux salariés ayant des frais liés à leur activité. Les frais, remboursés par l’entreprise, ne sont pas soumis aux charges sociales. L’abattement figure sur la fiche de paie et vient diminuer la base de cotisation du montant brut d’imposition des charges sociales et patronales. « C’est le seul accord gagnant/gagnant entre entreprise et salarié qui procure du pouvoir d’achat au salarié », souligne la société STS, spécialisée dans la gestion des temps, la paie transport et l’optimisation sociale, qui donne l’exemple d’un salarié qui toucherait un salaire brut de 2 000 euros et aurait 300 euros de frais professionnels. Avec l’abattement, établi à 20 % dans le transport, la base de calcul des cotisations des charges sociales est de 1 840 euros au lieu de 2 000 euros. Pour le salarié, le salaire net est alors augmenté puisqu’il paie moins de charges sociales et les charges patronales s’avèrent moindres pour l’entreprise. En supprimant la DFS, la hausse moyenne de charges payées à l’État par le salarié serait d’environ 8 %.
Cette spécificité du secteur apparaît par ailleurs comme un argument pour les transporteurs qui cherchent à recruter, certains candidats n’hésitant pas à demander lors des entretiens « si les repas s’affichent en bas de la fiche de paie » et sont donc non soumis à cotisations. Cependant, « quelque 80 % des entreprises n’utilisent pas ce dispositif, par méconnaissance la plupart du temps », estime Jean-Marie Charbonnier, directeur général de Soreco, une société spécialisée dans la gestion de la paie dans le transport. La procédure à suivre pour que son application soit validée par l’Urssaf peut rebuter. « Mais c’est un système d’autant plus bénéfique pour les entreprises et pour les salariés que les conducteurs réalisent davantage de courte distance aujourd’hui », défend-il. L’application de la DFS requiert par ailleurs l’accord du salarié, le système impliquant une réduction sur leurs cotisations retraite, maladie et chômage. Avec 30 à 40 euros net mensuels supplémentaires, le système reste gagnant, assure-t-il.