« À quoi aspirent les salariés ? ». Telle est la question à laquelle le département études et projets de l’AFT a répondu, en 2022, par une enquête sur le sujet : « J’entendais souvent des chefs d’entreprise ou des exploitants dire qu’ils ne comprennent pas les jeunes générations et qu’ils ne savent plus comment manager, rapporte Valérie Castay, directrice de ce département de l’AFT. Or notre étude a prouvé que, contrairement à ce que l’on pense souvent, les jeunes demandent la même chose que les seniors : plus d’autonomie, de confiance et d’écoute. Simplement, ils n’acceptent plus certaines choses. Si on agit sur leurs freins, cela bénéficiera à tout le monde ».
C’est pourquoi l’AFT poursuit ce travail par une recherche-action lancée avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Objectif : trouver comment faire des entreprises du TRM des organisations « apprenantes ». Dans ce modèle, les salariés sont souvent polyvalents, participent activement à l’élaboration des objectifs avec la hiérarchie, apprennent en continu et disposent d’une forte autonomie. Le projet a commencé par une enquête auprès des employeurs. « Nous avons constaté une grande hétérogénéité des pratiques, assure Valérie Castay. La confiance n’est pas présente dans toutes les entreprises ». Dans huit d’entre elles où celle-ci est centrale, l’AFT et l’Anact se sont entretenus avec les dirigeants et DRH, puis avec des salariés, pour s’inspirer de ces exemples. « Mais ce sont surtout des filiales de grands groupes, poursuit la responsable de l’AFT. Or notre souhait est de mettre en valeur de petites entreprises pouvant être des modèles pour toutes celles de la branche ».
Partager ses ressentis pour évoluer
Avec l’Anact, elle a donc repéré, parmi les répondants à l’enquête, huit PME ayant déjà des approches innovantes. Le dirigeant de l’une d’elles, par exemple, a fait évoluer l’un de ses salariés vers un poste de médiateur-facilitateur, sorte de coach interne intervenant en cas de problème, de frustration, ou encore pour les intégrations. Jusqu’en avril 2024, ces PME sont aidées par des consultants et une psychologue du travail de l’AFT, à formaliser leurs pratiques, à repérer les leviers et les freins, les gains que retirent l’organisation et les salariés à cette évolution, et, enfin, à chercher de nouvelles pistes. Cet accompagnement est individuel, mais se fait aussi par des temps collectifs, organisés tous les deux mois. L’ensemble servira à produire des outils (guide, monographies, vidéos d’entretiens...) utilisables par toute autre entreprise.
Valérie Castay a repéré de premières pistes : « La démarche commence par l’introspection du dirigeant, observe-t-elle. Pour que l’organisation bouge, il faut que celui-ci se soit transformé. Il est le garant du sens et du cadre permettant à chacun de se sentir en confiance pour faire des propositions, il doit autoriser l’erreur – qui permet d’apprendre – et c’est tout cela qui va donner de la puissance à l’entreprise ». Pour y parvenir, les patrons des huit PME pilotes apprennent des outils innovants, comme ce « brain storming » prospectif permettant d’imaginer ce que sera l’entreprise dans 20 ou 30 ans, ou encore cette méthode de repérage des ressentis (peur, enthousiasme, déni…) pouvant être des freins ou des moteurs de mise en mouvement. « Rien ne peut avancer tant que ces derniers ne sont pas partagés. Or souvent, on ne prend pas ce temps, observe Valérie Castay. C’est sans doute par pudeur : dans le transport et la logistique, des secteurs très masculins, on craint de partager ses vulnérabilités. C’est donc un travail sur la culture du changement que nous conduisons ».