Faire face à la perte du permis de conduire de son conducteur

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Les conducteurs routiers sont quotidiennement exposés à des contrôles et contraintes qui peuvent avoir une incidence sur leur capital de points et affecter, à terme, leur droit de conduire. En tant qu’outil indispensable à l’exécution du travail, le fait de devoir faire face et gérer la perte du permis de conduire de son conducteur est devenu malheureusement assez courant. Rappel des règles en cas de perte du permis de conduire du personnel affecté aux opérations de conduite.

L’attitude à adopter face à la perte du permis d’un conducteur dépendra de la réponse apportée à la question suivante : dans quelles conditions mon salarié a-t-il perdu son permis de conduire ? Ainsi, trois hypothèses doivent être envisagées et distinguées.

1 La perte du permis de conduire a lieu à l’occasion de l’exécution du travail

L’employeur peut envisager le licenciement du salarié si l’infraction qui a entraîné une suspension ou un retrait de son permis est commise pendant le temps de travail ou à l’occasion du travail et si elle résulte d’un comportement fautif et dangereux du chauffeur1. Selon les circonstances, il va s’agir d’un licenciement pour faute simple ou grave. Dans ce cas, il convient de mettre en œuvre la procédure disciplinaire classique. La faute grave peut être reconnue, par exemple, si le retrait ou la suspension du permis d’un chauffeur routier est décidé à la suite d’une conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants pendant les heures de travail. Néanmoins, en matière sociale, il n’y a pas d’automaticité à ce qu’un comportement soit considéré ou non comme une faute grave, la prudence est donc de mise2. Bien plus, en matière de faute grave, la preuve des faits commis incombe à l’employeur. Vous devez donc vérifier au préalable, que vous détenez suffisamment d’informations pour démontrer les manquements graves commis par le salarié (justificatif de la perte du permis, sa date, durée, motif de la suspension ou de l’annulation).

2 La perte du permis de conduire a eu lieu en dehors des fonctions exercées

Lorsque le retrait ou la suspension du permis de conduire a lieu en raison d’une infraction commise en dehors du travail, le licenciement pour motif disciplinaire ne peut pas être envisagé3 dès lors que le salarié a immédiatement informé l’employeur de la situation.

Néanmoins, une sanction4 peut tout de même être prise si le salarié n’a pas alerté l’employeur du retrait ou de la suspension du permis et continue sciemment de conduire les véhicules de l’entreprise sans permis valide. Il peut même s’agir d’une faute grave5 selon les circonstances.

Lorsque le salarié avertit son employeur, la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport prévoit diverses mesures sociales d’accompagnement7 et notamment l’obligation d’organiser une réunion de concertation entre l’employeur et le salarié, avant d’envisager un éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse, en raison de la désorganisation du service et de l’atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise (licenciement non disciplinaire).

Ainsi, préalablement à la mise en œuvre d’une procédure de licenciement, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien de concertation et lui rappeler qu’il peut se faire assister par un membre du personnel de son choix appartenant à l’entreprise et lorsque l’institution existe, l’employeur doit informer le CSE de la situation du salarié. À l’issue de cet entretien de concertation, plusieurs situations vont pouvoir se présenter.

Puis-je imposer à mon salarié de prendre ses congés ou une suspension de son contrat de travail ?

Contrairement aux idées reçues, il est important de rappeler qu’une mesure de suspension du contrat de travail ou la prise sans délai de congés ne peuvent pas être imposées au salarié. La mesure de suspension du contrat doit avoir été acceptée par le salarié tant sur le principe que sur sa durée. S’agissant des congés payés, là encore l’employeur peut proposer la prise des congés mais l’accord du salarié est nécessaire.

Dois-je obligatoirement reclasser mon salarié suite à la perte de son permis de conduire ?

Si le salarié a plus d’un an d’ancienneté, la convention collective des transports routiers prévoit que l’employeur doit mener des recherches de reclassement du salarié sur un autre poste pour lequel la détention d’un permis de conduire n’est pas indispensable (exemple : reclassement d’un conducteur en tant qu’assistant chef de parc). Le salarié dispose d’un délai de sept jours pour accepter ou décliner cette proposition. En cas de refus ou d’absence de reclassement possible, le salarié peut, si la suspension de son permis est de courte durée, solliciter la liquidation de tout ou partie de ses congés acquis (congés payés, repos compensateurs…)

Ce n’est qu’à défaut de solution alternative que le licenciement pour cause réelle et sérieuse sera envisagé. Ce licenciement ouvre droit au préavis et aux indemnités de licenciement conformément aux dispositions légales ou conventionnelles. Mais aucune indemnité compensatrice n’est due au salarié dans la mesure où le conducteur se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses activités professionnelles pendant cette période6. Il en va autrement si l’employeur est en mesure d’occuper le salarié à d’autres tâches ou s’il le dispense d’exécuter son préavis. Les autres modes de rupture (démission, rupture conventionnelle ou rupture anticipée de CDD) peuvent naturellement également être envisagés entre les parties.

Mon salarié peut-il partir deux jours en congés pour suivre un stage de récupération de points ?

En cas de perte partielle de points, les dispositions conventionnelles prévoient que le conducteur peut bénéficier d’une formation spécifique de deux jours7, sous réserve d’un délai de prévenance d’au moins un mois avant la date du stage (délai pouvant être réduit par accord entre les parties).

3 La perte du permis de conduire a lieu pour des raisons médicales

Il convient de ne pas confondre l’inaptitude au poste déclarée par le médecin du travail et l’incapacité physique à la conduite prévue par l’article 11 ter de l’annexe ouvriers de la convention collective des transports routiers.

L’incapacité physique définitive à la conduite entraîne le retrait du permis de conduire de la catégorie attachée à son emploi et est constatée par une commission médicale départementale. Dans ce cas, l’employeur doit mener des recherches de reclassement du salarié parmi les postes disponibles au sein de l’entreprise et ne comportant pas d’opérations de conduite. À défaut de reclassement possible ou en cas de refus du salarié, le licenciement pour cause réelle et sérieuse devra être envisagé.

En cas d’incapacité définitive à la conduite, les dispositions conventionnelles prévoient également dans certains cas le versement d’une indemnité spécifique au salarié.

L’inaptitude au poste de travail déclarée par le médecin du travail peut également comprendre une inaptitude à la conduite (mais elle ne sera pas motivée en elle-même par le fait que le salarié a perdu son permis de conduire). Dans ce cas, l’employeur doit faire application de la procédure d’inaptitude classique (échanges avec le médecin du travail, recherches de reclassement, éventuelle consultation du CSE, proposition de reclassement et, en cas de refus ou d’absence de poste disponible, notification d’impossibilité de reclassement au salarié, convocation à entretien préalable puis notification du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le cas échéant). Le salarié percevra les indemnités de licenciement pour inaptitude (indemnité de licenciement en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle / indemnité spéciale de licenciement et indemnité égale à l’indemnité de préavis en cas d’inaptitude d’origine professionnelle).

En définitive, le licenciement d’un salarié venant de perdre son permis de conduire s’apprécie en fonction des circonstances et ne doit s’envisager qu’en dernier recours. Les règles conventionnelles protectrices en cette matière invitent les employeurs à la plus grande prudence car le manquement à ces dernières pourrait avoir de lourdes conséquences indemnitaires. Il est ainsi recommandé de bien ficeler, en amont, la clause contractuelle liée à la détention d’un permis de conduire en cours de validité et, l’obligation incombant au salarié d’informer son employeur de toutes décisions ayant une incidence sur sa capacité et son droit à conduire. Et de bien vérifier, les dispositions légales et conventionnelles, avant d’envisager une mesure de licenciement pour perte du permis de conduire.

Le saviez-vous ?

La convention collective du transport routier oblige l’employeur à négocier avec son salarié pour éviter le licenciement si son permis de conduire a été suspendu ou annulé. Une recherche de reclassement doit dans certains cas être mise en œuvre et ce n’est qu’en cas de faute, ou lorsqu’aucune solution alternative n’est trouvée, que le licenciement peut être envisagé.

Ce n’est qu’à défaut de solution alternative que le licenciement pour cause réelle et sérieuse sera envisagé. Ce licenciement ouvre droit au préavis et aux indemnités de licenciement conformément aux dispositions légales ou conventionnelles.

(1) À noter que lorsque le permis de conduire n’est pas indispensable aux fonctions exercées par le salarié, les règles qui vont suivre ne sont, naturellement, pas applicables. Cass. soc. 30 septembre 2013 n° 12-17.182

(2) Cass. soc. 26 octobre 2017, n° 15-28.674

(3) Cass. soc. 3 mai 2011 n° 09-67.464

(4) CA Dijon 4 novembre 2011 n° 10/01090

(5) Cass. soc. 25 janvier 2017, n° 14-26.071

(6) Cass. soc. 28-2-2018 n° 17-11.334

(7) Article 1 de l’accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d’accompagnement des dispositions relatives au permis à points

(8) Cass. soc. 3 mai 2011 n° 09-67.464

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