Pour la première fois de son histoire, hors crise Covid, la France a baissé ses émissions de gaz à effet de serre en 2023. En repli de 5,4 %, elles se sont élevées à 373 Mt de CO2, selon le rapport annuel du Haut Conseil pour le climat (HCC) publié cet été. « Soit 31 % sous leur niveau de 1990 », précise l’organisme indépendant chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat. Tous les secteurs ont contribué à ce résultat. À commencer par celui des transports qui, malgré un recul de 3,5 %, reste le premier émetteur en France avec 127 Mt de CO2 à son actif. Consolidant le fret et les voyageurs, les transports concentrent 34 % des émissions nationales de GES devant l’agriculture (20 %), l’industrie (17 %), le bâtiment (16 %) et l’énergie (10 %).
Dans les transports, les poids lourds ont émis 28 Mt de CO2, soit 22 % des émissions de ce secteur, loin derrière les voitures particulières (67,5 %), mais devant les utilitaires (15,4 %), l’aviation domestique ou les bus et cars. De tous les véhicules, les camions enregistrent la plus forte contraction d’émissions en 2023 : – 1,8 Mt de CO2. « La baisse d’activité explique en partie cette tendance », estime le HCC. Rappelés lors d’un débat sur la décarbonation des transports, organisé le 24 septembre à Paris par AI Cargo Foundation, cinq leviers peuvent être actionnés pour diminuer l’empreinte carbone des poids lourds, selon Antoine Comte-Bellot, directeur de programme au sein du secrétariat général à la Planification écologique : « Le verdissement des flottes, l’efficacité énergétique par le renouvellement des parcs, le taux de chargement, le report modal et la demande. » Si les trois premiers – complétés par l’écoconduite – sont engagés avec plus ou moins d’intensité, la demande de transport de fret est censée augmenter de 10 % en France d’ici 2050, sous l’effet de sa réindustrialisation notamment. Pour contenir cette hausse et recourir davantage au report modal, Maxime Forest évoque d’autres pistes comme la localisation des usines et entrepôts, et la mutualisation des flux. Pour le directeur général de France Logistique, « la mutualisation est sans doute la plus prometteuse mais la plus difficile à mettre en œuvre ». Moins de la faute des transporteurs, dont c’est l’ADN pour réduire les coûts, mais en raison, par exemple, de l’opposition aux camions de certaines villes ou le partage difficile de données entre acteurs parfois concurrents ou dans une relation client-fournisseur, cite-t-il. Des constats partagés par Alexis Gibergues : « La mutualisation a des avantages économiques et écologiques. Les PME et TPE qui représentent 90 % du transport routier en sont convaincues. »
Pour le président de l’OTRE, « il est essentiel de déterminer au préalable le partage de la valeur issue de la mutualisation entre le transporteur et ses clients ». Plus globalement, il souligne « qu’innover en faveur de la transition énergétique suppose que les transporteurs disposent de marges de manœuvre ». Saisissant l’un des débats en cours, Alexis Gibergues met en garde contre la tentation des pouvoirs publics d’augmenter la fiscalité. « Il sera alors impossible de dégager les ressources nécessaires pour décarboner le transport routier ou mutualiser les flux pour faciliter le report modal. » Avant d’expliquer son raisonnement : « La route a une part modale d’environ 90 % dans les transports terrestres en France. Sachant qu’elle restera toujours élevée même s’il l’on double le report modal, il faut accompagner sa transition énergétique. »