Transport d'animaux vivants : Les règles pourraient bientôt changer

Article réservé aux abonnés

animaux vivants

La réglementation européenne en vigueur sur le bien-être animal durant le transport date de 2004. En décembre dernier, la Commission européenne en a proposé une évolution.

Crédit photo DR
En décembre dernier, la Commission européenne a proposé une évolution législative des règles portant sur le bien-être animal dans le cadre du transport d’animaux vivants. La législation n’avait pas évolué depuis 20 ans.

« Nous avons dû faire beaucoup d’aménagements réglementaires ces 10 dernières années, en faveur du bien-être animal : des équipements pour le chargement, la géolocalisation, le relevé des températures… indique Christopher Garcion, gérant des Transports Réflexe Garcion, entreprise de transport de bétail. En parallèle, les clients souhaitent que les animaux voyagent le moins longtemps possible. Toutes ces contraintes ne sont pas évidentes à gérer. » La réglementation européenne en vigueur sur le bien-être animal durant le transport date de 2004. En décembre dernier, la Commission européenne en a proposé une évolution. Le texte pourrait être soumis au Parlement européen en 2025. Selon la Cour des comptes européenne, chaque année, plusieurs milliards d’animaux sont transportés au sein de l’UE et vers l’extérieur.

Une centaine de professionnels

En France, les fédérations estiment qu’une petite centaine d’entreprises réalise du transport d’animaux vivants pour le compte d’autrui. Ces professionnels doivent disposer d’un agrément spécifique ; leurs véhicules doivent également avoir un agrément de type 1 ou 2 (transport de moins ou de plus de huit heures), qui doit être renouvelé tous les cinq ans par un contrôle des services vétérinaires. De plus, les conducteurs sont tenus d’avoir le certificat de compétences des conducteurs et convoyeurs (4C, anciennement « Captav »). « Cette formation est très complète sur le plan théorique mais manque d’un aspect pratique, surtout que de moins en moins de conducteurs sont issus du milieu agricole, pointe Mathieu Langevin, président du conseil de métier transport d’animaux vivants à l’OTRE. La formation est souvent complétée dans les entreprises par quelques semaines avec un conducteur expérimenté, d’autant que la moindre erreur avec un animal peut leur coûter le droit d’exercer leur profession. » La responsabilité du conducteur et du transporteur, notamment concernant la bonne santé des animaux, est un point sur lequel l’OTRE et la FNTR espèrent une évolution significative. Comme le rappelle Isabelle Maitre, déléguée permanente de la FNTR à Bruxelles, la fédération travaille sur l’évolution de la législation depuis plusieurs années, notamment avec l’IRU, dans un groupe de travail formé avec des fédérations d’autres pays. Henry Charléty, chargé de mission affaires européennes de la FNTR à Bruxelles, indique : « Nous nous réjouissons de la proposition de la Commission sur la meilleure répartition des responsabilités, mais nous demandons des clarifications. Nous aimerions que le transporteur porte la responsabilité du chargement et déchargement des animaux, en plus du trajet, de l’état du véhicule, de la formation du conducteur et de la qualité de conduite. » Mathieu Langevin de l’OTRE argumente : « Actuellement, on a la responsabilité de l’animal dès qu’il monte dans le véhicule. Mais une vache gestante ou blessée sous le ventre au milieu d’un troupeau peut être chargée sans que le conducteur, même expérimenté, s’en aperçoive ! ». En cas de non-conformité constatée lors d’un contrôle, l’autorisation du transporteur, l’agrément du véhicule et/ou le 4C du conducteur peuvent être suspendus ou retirés, en plus du risque d’amende. Selon la Cour européenne des comptes, en 2020, 900 000 contrôles ont été effectués par les États membres, qui ont appliqué 8 000 sanctions pour des problèmes concernant l’aptitude des animaux, les pratiques de transport, les documents de transport.

Plusieurs mesures proposées par la Commission européenne

Parmi les propositions de la Commission Européenne : des temps de trajets raccourcis, un espace plus important alloué aux animaux, des conditions de transport plus strictes lors de températures extrêmes, etc. « On voit que le texte va dans le sens du bien-être animal mais certaines règles risquent de bouleverser fortement le fonctionnement des entreprises », préviennent Isabelle Maître et Henry Charléty. L’OTRE et la FNTR, qui précisent avoir participé aux concertations en amont, soulignent leurs réserves sur plusieurs points, par exemple sur l’espace plus grand alloué aux animaux : « Cela implique moins de stabilité et nous craignons que cela mène à davantage de foulures, de pattes cassées… De plus, cela va aboutir à plus de véhicules sur les routes », ajoute Mathieu Langevin. « Ma crainte est que nos clients ne puissent investir pour changer leurs équipements ou qu’ils ne puissent commander deux transports au lieu d’un et que cela soit synonyme d’arrêts de marchés » craint le transporteur Christopher Garcion. Les fédérations souhaitent une harmonisation entre les durées de transport des animaux et leurs pauses, le code du transport, du travail et la RSE pour les conducteurs. Elles pointent également des problématiques d’organisation du transport : « Pour certains animaux, la Commission veut fixer un temps de transport maximum de huit ou neuf heures. Or, certains abattoirs ne sont pas accessibles sur ce temps de route », pointe Henry Charléty. Avec le resserrement des horaires des abattoirs, la plupart n’accueillent les animaux qu’entre 4 h et 6 h du matin, ce qui implique de charger la nuit.

Une concurrence déloyale

Dans un rapport1, la Cour des comptes européenne liste des pistes d’actions pour améliorer le bien-être des animaux. Parmi celles-ci, des changements structurels comme favoriser le transport de viande plutôt que d’animaux, rapprocher l’abattage du lieu de production en favorisant le développement d’abattoirs mobiles ou de proximité, mieux informer les consommateurs sur l’origine de la viande, rendre la chaîne d’approvisionnement alimentaire plus durable… La relocalisation de la consommation de viande, c’est un argument qu’entend Christophe Ollive, gérant de Multi transports Ollive (transport de bétail) : depuis quatre ans, il a arrêté l’export d’animaux. « L’animal n’a pas à traverser d’aussi longues distances pour aller dans un pays qui n’est pas en mesure de produire ce qu’il consomme. » Un argument que tous ne sont pas prêts à entendre, dans un secteur qui connaît des bouleversements de marché liés à la diminution de la consommation de viande et à la forte baisse du nombre d’éleveurs dans le pays (-30 % entre 2010 et 2020 selon les Chambres d’agriculture). À quoi s’ajoutent des problématiques de concurrence déloyale d’acteurs agrémentés pour réaliser du transport en compte propre (éleveurs, commerçants de bestiaux…) mais qui en réalisent à compte d’autrui « à prix cassés », sans être soumis aux mêmes contrôles. « Cela existe depuis longtemps, mais aujourd’hui ils prennent des parts de marché qui nous manquent », ajoute Christophe Ollive. Sur ce point, l’OTRE dit travailler avec la FFCB (Fédération française des commerçants en bestiaux). Mathieu Langevin indique : « Notre prochain grand cheval de bataille est d’intégrer l’Interbev (interprofession bétail et viande) pour faire entendre nos problématiques ».

(1) « Transport d’animaux vivants dans l’UE : défis et pistes d’action », avril 2023

Stratégie

Réglementation

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15