Le marché du poids lourd n’est pas à la fête. Le dernier point du marché organisé à Paris le 10 septembre dernier par la Chambre syndicale des importateurs de véhicules industriels (CSIAM) laisse apparaître une baisse des immatriculations de 4,5 % en France sur les huit premiers mois de l’année pour les camions de plus de 5 t par rapport à 2023. Le marché annuel devrait tourner autour des 40 000 unités, loin des 48 000 ventes de l’an passé. Ce trou d’air était attendu par les constructeurs et reflète un retour à la normale après une année 2023 exceptionnelle, marquée par le rattrapage post-Covid.
L’année 2024 avait pourtant bien démarré, avec la continuation du rattrapage des dernières commandes passées en 2022 et 2023, notamment sur les porteurs, associée à une accélération des immatriculations du fait de l’entrée en vigueur de la réglementation GSR2 en juillet 2024. Cette nouvelle réglementation européenne impose la présence de plusieurs dispositifs de sécurité sur les véhicules neufs, comme l’alerte de survitesse, de maintien dans la file et le freinage automatique d’urgence, ce qui alourdit la facture. « De ce fait, si le marché 2024 s’annonce encore bon en immatriculations, il est en revanche faible en entrées de commandes, ce qui augure une baisse des immatriculations en 2025 », prévoit déjà Laurent d’Arnal, directeur commercial de Volvo Trucks.
Depuis juillet, les ventes sont déjà en berne. Mais les constructeurs semblent plus inquiets du nombre de camions électriques écoulés. De janvier à août 2024, 316 camions de plus de 5 t ont été immatriculés en France avec 220 porteurs et 96 tracteurs, ce qui représente 0,9 % du marché (contre 0,7 % en 2023). « En 2030, plus d’un camion vendu sur deux fonctionnera à l’électricité », prophétise pourtant Jean-Yves Kerbrat, DG de MAN Truck &Bus France. Derrière cette affirmation se cache une réalité bien plus prosaïque, puisqu’une directive européenne menace d’amendes astronomiques les constructeurs qui ne respecteraient pas les seuils de baisse des émissions de CO2. Pour passer de 1 % à 50 % en à peine six ans, les constructeurs comptent sur les aides publiques, seules capables de faire surpasser des coûts d’acquisition ou de location trois fois plus élevés.
En 2023, l’Ademe a permis de dégager 60 millions d’euros d’aides à travers ses appels à projets, ce qui a permis de financer l’acquisition de 914 camions électriques. Un coup de pouce qui devrait se traduire dans les chiffres des immatriculations à partir du second semestre 2024, voire début 2025, puisque les projets d’acquisition de camions électriques sont plus longs à mener que ceux de véhicules diesel classiques, selon Jean-Yves Kerbrat (ne serait-ce que pour intégrer l’infrastructure de recharge). Malgré la crise, le montant des aides a plus que doublé en 2024 avec une enveloppe de 130 millions d’euros financée par des certificats d’économies d’énergie. Cela devrait se traduire par l’acquisition de 2 000 à 3 000 véhicules électriques en 2025 et 2026. Un bond qui fait rêver les constructeurs, mais qui pose également la question de la pérennité de ces aides. « Si les aides cessent, le marché risque de chuter comme cela a été le cas en Allemagne », prévient Ulrich Loebich, président de Daimler Truck France. Un scénario catastrophe que la CSIAM cherche à tout prix à éviter, en réclamant « une enveloppe pluriannuelle d’aides simples d’accès et bonifiées en faveur de l’électrification des poids lourds, notamment pour les PME » en insistant pour qu’elle se prolonge au minimum en 2025 et 2026, voire 2027.