Mobilisation pour la décarbonation de la vallée de la Seine

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Tour d’horizon des échanges sur la décarbonation de la vallée de la Seine lors du deuxième sommet de l’axe Seine, le 1 décembre 2021.

La décarbonation de la vallée de la Seine a été l’un des thèmes abordés lors du deuxième sommet de l’axe Seine, le 1 décembre 2021.

 Il y a, d’un côté, l’évolution des motorisations, comme celle engagée par la Communauté portuaire de Paris (CPP) et qui entre dans une phase de concrétisation, d’un autre côté, les problématiques de l’approvisionnement à terre et de la production des énergies alternatives.

Enedis travaille « sur les nouveaux usages de l’électricité pour la décarbonation des quais, ou pour la mobilité mais aussi sur les énergies renouvelables », a dit Frédéric Courault, directeur délégué grands projets Ile-de-France. Le long de l’axe Seine, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité est engagé aux côtés de Haropa, par exemple, au Havre avec l’objectif de mettre à disposition des navires de croisières entre 2023 et 2025 30 MW sur trois quais, et permettre le branchement à quai lors des escales.

A Paris, Enedis fait partie des partenaires de la CPP pour avancer sur les solutions possibles de branchement à quai des bateaux de tourisme qui vont évoluer vers l’électricité. Dans la capitale, « l’environnement est compliqué, les usages très divers, les défis à relever sont nombreux », selon ce responsable d’Enedis Ile-de-France pour lequel « ce qui se fait sur l’axe Seine pourra être dupliqué sur d’autres fleuves ou axes pour la décarbonation des activités et améliorer leur compétitivité ». Une convention est en cours d’élaboration entre Enedis et VNF.

Pour Daniel Lheritier, directeur affaires publiques Ile-de-France de GRDF, l’avitaillement à terre pourrait prendre la forme de « stations multi-énergies pour tenir compte des degrés de maturité technologique spécifiques des différentes solutions ».

GRDF participe d’ailleurs à l’appel à projets lancé par Haropa sur l’installation de stations multi-énergies à Gennevilliers, Bonneuil-sur-Marne, Limay-Porcheville, Bruyères-sur-Oise et Montereau-Fault-Yonne. Ce distributeur de gaz est un partenaire de la CPP. Il participe aussi au projet de la coopérative Coalis qui travaille avec des partenaires (dont Segula Technologies, le Syctom…) sur un retrofit fonctionnant au biogaz produit via les déchets ménagers. « Ou comment intégrer dans un bateau électrique avec batteries un prolongateur d’autonomie d’énergie au biogaz qui pourraient ensuite être remplacés par des piles à combustibles quand la filière hydrogène arrivera à maturité », a expliqué Daniel Lhéritier.

Du côté de Haropa, la « décarbonation » fait partie des enjeux du futur projet stratégique : « Nous avons une obligation collective de résultat. Nous voulons nous appuyer sur la multimodalité, sachant que nous avons déjà les deux modes bas-carbone. Nous sommes mobilisés pour mettre à disposition les énergies les plus « propres » sur nos ports », a souligné Antoine Berbain, directeur général de Haropa-Ports de Paris. La transition énergétique et écologique pour les trois ports de l’axe Seine, c’est l’électricité à quai, des panneaux photovoltaïques, la méthanisation, des stations multi-énergies, le captage de CO2, l’hydrogène vert…

Projet d’hydrogène vert à Port-Jérôme

De nombreux espoirs reposent sur l’utilisation du dihydrogène pour décarboner les transports. Or l’obtention industrielle de cette molécule est majoritairement réalisée par reformage du méthane : une opération fortement émettrice de CO2.

« Aujourd’hui, l’enjeu est la décarbonation de la production d’hydrogène », a rappellé Stéphane Vialet, directeur des projets de transition écologique d’Air Liquide. La société s’est engagée avec H2V Normandy dans la fabrication d’un électrolyseur sur le site de Port-Jérôme, qui devrait entrer en production en 2030.

A Port-Jérôme, il s’agit de produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, ce qui nécessite de grandes quantités d’électricité : en l’occurrence, une puissance de 200 MW pour produire 80 t par jour de dihydrogène. Encore faut-il, pour que cet hydrogène soit décarboné, que l’électricité utilisée soit verte. Mais sa production par électrolyse pour stocker l’énergie produite par des éoliennes ou des panneaux solaires ne va pas de soit.  « Il n’est pas facile, pour une installation industrielle, de gérer l’intermittence des énergies renouvelables. Pour un électrolyseur de 200 MW, il faut 600 MW de puissance installée en solaire ou éolien », a précisé Stéphane Vialet, qui plaide par ailleurs pour l’élaboration rapide d’un cadre réglementaire stable, « le projet n’étant pas tiré par le marché mais par une réglementation européenne qui doit être transcrite rapidement en droit français ».

Il a été rappelé que quatre grands sites de la basse Seine utilisent aujourd’hui de l’hydrogène dans leurs processus industriels : les raffineries Exon à Port-Jérôme et Total à Gonfreville-l’Orcher, les usines d’engrais Borealis à Rouen et Yara au Havre. Au total, la consommation quotidienne d’hydrogène de ces quatre sites atteint 600 t.

À côté de l’hydrogène issu d’électricité verte, de l’hydrogène carboné continuera à être produit pour répondre aux besoins. C’est pourquoi un consortium est prévu entre les industriels de la basse vallée de la Seine pour la capture chaque année de 3 Mt de CO2, qui sera liquéfié et acheminé par navire en mer du Nord pour y être enseveli dans d’anciens puits de pétrole.

Le transport de l’hydrogène est aussi à l’étude, notamment en réutilisant des canalisations servant aujourd’hui au transport de méthane. « C’est techniquement possible, des essais ont été faits depuis plusieurs années pour adapter ces canalisations. Un réseau de transport et de stockage est nécessaire car les producteurs d’hydrogène ont besoin de produire de façon continue, ce qui ne cadre pas toujours avec la demande locale », a souligné Catherine Brun, secrétaire générale de GRT Gaz, qui précise que la décarbonation est aussi à l’œuvre via la méthanisation. Aujourd’hui, la production de gaz vert est de 6 TWh par an et les projets en cours représentent une capacité annuelle de production de 28 TWh.

Parmi les autres intervenants, Engie, par la voix de Pierre-Yves Dulac, directeur délégué régional Ile-de-France, veut « accélérer sur la transition énergétique car l’axe Seine est en retard sur les énergies renouvelables par rapport à d’autres régions ». Engie mène un projet photovoltaïque à Marcoussis avec une installation d’une capacité de 18 MW et s’intéresse à ce qu’envisage Haropa pour développer d’autres projets au Havre, Limay, Gennevilliers, Bonneuil-sur-Marne.

Par Clotilde Martin et Etienne Berrier

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