« Le secteur des transports représente 30% des émissions de gaz à effet de serre de la France. Il est dans une situation spécifique car ses émissions se sont certes stabilisées mais ne diminuent pas alors que l’effort de réduction d’ici à 2030 est élevé avec -55% par rapport aux niveaux de 1990 puis le bas carbone en 2050. Il faut tracer des trajectoires pour atteindre ces objectifs. Il faut jouer sur tous les leviers : électrification, sobriété… », a rappelé Olivier David, chef du service climat et de l’efficacité énergétique à la DGEC, lors de l’assemblée générale annuelle d’Entreprises fluviales de France (E2F) le 7 juillet 2023 à Paris, dont une table-ronde a eu pour thème le « verdissement » des activités des transports et de la logistique.
Quel peut être le rôle du transport fluvial ? « Le fret fluvial est une brique importante pour atteindre les objectifs. Il doit se développer massivement car c’est une solution de sobriété », a ajouté ce responsable qui a évoqué les dispositifs d’aides au financement disponibles en lien avec les certificats d’économie d’énergie (CEE) dans le cadre du programme Remove « qui peut permettre d’accélérer » la transition énergétique du fret fluvial.
Une « fiche CEE fret fluvial » pourrait être disponible à l’automne, sur le modèle de celle dédiée au fret ferroviaire. Elle est destinée aux chargeurs utilisant le transport routier de marchandises afin de leur fournir des informations sur les possibilités de report modal utilisant la voie d’eau.
« Décarboner » le corridor qu’est l’axe Seine
« Dans un an d’ici, en juillet en 2024, il y a les Jeux Olympiques et la cérémonie d’ouverture sur la Seine, un temps exceptionnel de visibilité pour la filière fluviale française, de mise en valeur mais aussi un devoir d’exemplarité », a indiqué Stéphane Raison, directeur général de Haropa Port, autre participant à la table-ronde « verdissement ».
« La décarbonation est au cœur des missions de Haropa Port, au cœur du changement du système de transport. Ce secteur étant le seul dont les émissions ne diminuent pas », a continué ce responsable.
« Construire un corridor décarboné de transport qui fasse peut-être passer la partie fluviale d’un temps ancien à un temps résolument très moderne », est le premier axe de la stratégie de « décarbonation » de l’établissement portuaire unique. Il s’agit aussi de « réindustrialiser très rapidement mais pas n’importe comment » le corridor que constitue l’axe Seine, en faisant là aussi un exemple de ce que peut être l’industrie « verte » de demain. Sachant que l’axe Seine est émetteur de 15% du total du CO2 français.
Concrètement, Haropa Port avec Voies navigables de France (VNF) conduit un programme d’installation d’une centaine de bornes électriques avec l’objectif que la plupart soit disponible et opérationnelle à la fin 2024, autrement dit toutes ne seront pas présentes pour les JO. L’électrification concerne aussi les quais du grand port maritime du Havre pour une chaine logistique « décarbonée » sur l’ensemble de ses maillons.
Le déploiement de stations multi-énergies dans les plates-formes « majeures » de l’établissement portuaire unifié, que sont, entre autres, Bonneuil-sur-Marne ou Gennevilliers constitue le deuxième axe de la stratégie de Haropa Port. A Gennevilliers, Engie a été retenue pour l’installation d’une station qui va proposer de l’hydrogène, du GNL, du GNV, de la recharge électrique.
« Avec ce révélateur que va être la cérémonie des JO, si on n’avait pas de bornes électriques à quai, pas de stations multi-énergies, si on n’accompagnait pas le mouvement de transformation du transport fluvial, on ratait finalement une sorte d’effet miroir sur la filière. On va passer de quelque chose qui a une image un peu vieillotte à une image moderne du transport fluvial », selon Stéphane Raison.
La mise en œuvre de la « décarbonation » de l’axe Seine, avec la mise à disposition des outils nécessaires aux chargeurs, transporteurs, industriels, comme les bornes électriques et les stations multi-énergies, est prévue dans un délai « extrêmement court » de trois ans. Les outils permettront, entre autres, « une vision moderne du transport fluvial » notamment auprès des chargeurs.
Les CEE, une manne financière à saisir
Annoncé en mars 2022, le programme de certificat d’économie d’énergie Remove (pour REport MOdal et VErdissement) peut financer des opérations de report modal de fret vers les transports massifiés (fluvial, ferroviaire, cabotage maritime), et des projets de « verdissement » c’est-à-dire de transition énergétique des flottes et moyens de manutention.
La mise en place d’un « guichet » nommé « Gate » (pour Groupe d’Appui pour la Transition Energétique) est l’une des mesures prévues dans le cadre de ce programme. Gate a pour objectif d’accompagner les transporteurs fluviaux voulant s’engager dans un projet de « verdissement ». Il va démarrer son activité à la rentrée et fournir une ingénierie technique pour laquelle 6 bureaux d’étude ont été sélectionnés.
« A travers ce programme, on va mener des actions de sensibilisation, de formation des acteurs de la chaine logistique, on va financer des opérations pilotes de report modal en compensant les ruptures de charge. Le tout est financé par les certificats d’économie d’énergie, un dispositif que nous avons trop longtemps ignoré pour accompagner la transition énergétique du fluvial » a indiqué Didier Léandri, président délégué général d'E2F, cette association représentative étant l’un des porteurs associés de Remove (avec VNF, l’Ademe, UTP, Cluster mariitme français, AUTF…).
Le lancement d’appels à projets dans le cadre du programme Remove est prévu à l’automne.
Où en est l’ECV ?
Il est revenu au préfet François Philizot, en tant que membre du comité de pilotage, de présenter un état des lieux de l’engagement pour la croissance verte (ECV) signé par des acteurs de la filière fluviale lors de l’AG d’E2F en 2021 :
- Pour l’électrification, « nous sommes entrés dans la phase du passage à l’acte ».
- Pour les carburants alternatifs, « nous sommes en phase de recherche des voies et moyens pour la généralisation de leur utilisation ».
- « Le cercle des signataires s’élargit : de nouveaux signataires rejoignent la dynamique » : Norlink, Medlink Ports, Batorama, la compagnie des Lacs d’Annecy, Soufflet/In Vivo, la Communauté portaire de Paris (CCP).
Pour le préfet, parmi les interrogations qui demeurent :
- « Comment aller au bout de la mise en place de bornes électriques sur l’ensemble du réseau fluvial et dans les ports publics », des investissements étant prévus sur les axes Seine et Rhône-Saône.
- « Comment faire en sorte que la filière fluviale est facilement accès à l’HVO, un carburant qui intéresse aussi l’aérien. Et alors que le GNR reste aussi la solution la moins coûteuse ».
« L’ECV permet un travail collectif sur tous les sujets, d’avancer sur les diagnostics pour parvenir aux objectifs bas carbone étape après étape », conclut François Philizot qui assure : « La prise de conscience collective et individuelle est faite par l’ensemble des acteurs, il y a une volonté de s’engager dans la transition environnementale ».
Lire aussi
Les choix de la compagnie Vedettes de Paris pour le verdissement de sa flotte avec un rétrofit vers l’électricité de quatre de ses bateaux sur un total de cinq ont été évoqués.
Les CEE financent le transport fluvial via le programme Remove
Parm, Pami et CEE, le point sur les programmes d’aides au fluvial
L’étude Fluent de VNF avec l’IFPEN, ses résultats, sa déclinaison sur les autres bassins que Rhône-Saône a été rappelé lors de la table-ronde, et a déjà fait l’objet de plusieurs articles de NPI à l’issue du dernier événement « Vert le fluvial » du 17 mars 2023 :
Trois solutions de transition pour la décarbonation du fluvial d’ici 2025
Des bateaux hybrides pour une « décarbonation » totale
Des bateaux électriques avec pile à combustible et hydrogène
Une étude pour la transition énergétique du fluvial de 2030 à 2050
L’arrêté préfectoral sur l’accès fluvial à Port 2000 ouvre la voie aux travaux. Ceux-ci pourraient commencer fin 2023 pour une livraison deux ans plus tard, en même temps que la modernisation des quais conteneurs de Port 2000 au Havre, a rappelé Stéphane Raison. La réalisation de cet accès fluvial direct, attendue depuis l’inauguration de Port 2000 en 2006, c’est aussi 10 millions d’euros consacrés à des mesures compensatoires environnementales.