Avec seulement 29 Mt de blé tendre récolté à l’été 2020, contre 39,5 Mt en 2019 et 34 Mt en 2018, les exportations françaises de céréales ont sans surprise été faibles pour la campagne en cours qui s’achèvera fin juin. Sur neuf mois, de juillet 2020 à mars 2021 inclus, 6,3 Mt de blé tendre ont été exportées vers des pays extérieurs à l’Union européenne, soit 33 % de moins qu’au cours des neuf premiers mois de la campagne précédente. Les exportations sont surtout en recul à destination des clients traditionnels des céréales françaises: – 22 % pour l’Afrique subsaharienne (1,5 Mt), – 43 % pour le Maroc (0,8 Mt) et surtout – 62 % pour l’Algérie (1,5 Mt) qui n’est plus désormais le premier pays client du blé français. La place revient en effet à la Chine dont les achats ont doublé pour atteindre 1,8 Mt. Pour les orges, la baisse des exportations sur la même période se limite à 3 %, avec 2,8 Mt embarquées. Les 2,5 Mt de la Chine en font le premier client de la France pour les orges: les quantités exportées vers les ports chinois ont triplé par rapport à l’an dernier, ce qui concerne aussi bien l’orge fourragère que de brasserie. La Chine absorbant l’essentiel des exportations hexagonales, deux grands clients familiers se sont fournis ailleurs: le Maroc et l’Arabie saoudite.
Essoufflement prévisible
Les exportations françaises devraient s’essouffler au cours des trois derniers mois de la campagne, traditionnellement moins actifs. Ce phénomène est renforcé cette année par les faibles stocks exportables en France dans la mesure où France Agrimer prévoit un total de 7,5 Mt de blé tendre exporté vers pays tiers sur l’ensemble de la campagne 2020-2021, contre 13,5 Mt au cours de la précédente. À cela doivent s’ajouter 5,6 Mt à destination des pays européens qui utilisent cependant moins le transport maritime et davantage le fluvial, la route et le ferroviaire.
Les exportations d’orge devraient quant à elle atteindre 5,7 Mt, dont 3,2 Mt hors UE, sur une production 2020 de 10,4 Mt. Le rythme d’exportation, régulier est logiquement en retrait par rapport à l’an passé et devrait encore ralentir au cours des mois de mai et juin dans l’attente de la nouvelle récolte.
Consommation mondiale en hausse
La baisse des exportations de céréales est commune à l’ensemble des pays européens. Ces neuf premiers mois de campagne ont vu les exportations de blé tendre chuter de 24 % par rapport à la même période de la campagne précédente. La Roumanie, qui avait beaucoup exporté en 2019-2020, connaît la chute la plus spectaculaire. L’Allemagne, moins touchée que la France, marque aussi un fort recul même si France Agrimer note la « forte compétitivité des exportations allemandes vers le nord de l’Europe ». Les pays riverains de la mer Baltique sont moins touchés avec un statu quo pour la Pologne et des exportations en hausse pour la Lettonie et la Lituanie.
Au niveau mondial, la campagne céréalière en cours est marquée par une production très élevée: 2,2 milliards de tonnes récoltées en 2020, toutes céréales confondues, dont 1 139 Mt pour le maïs, 740 Mt pour le blé tendre et 158 Mt pour les orges. La consommation a aussi été en forte hausse pour ces trois céréales. C’est pourquoi l’annonce de la baisse des surfaces plantées en maïs aux États-Unis a fait augmenter le cours de cette denrée, entraînant une bascule vers le blé et l’orge pour l’alimentation animale.
Comme souvent depuis ces dernières années, les achats chinois ont une forte influence sur le marché mondial. « Les devises de plusieurs grands pays exportateurs comme la Russie et l’Argentine se déprécient face au dollar tandis que l’appréciation du yuan rend les achats plus chers pour la Chine », note Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre de France Agrimer. Cela n’empêche pas la deuxième puissance mondiale d’importer beaucoup de blé blanc américain pour l’alimentation animale et même, de redevenir le deuxième client du blé australien derrière l’Indonésie. Les tensions politiques et commerciales entre Pékin et Canberra avaient conduit la Chine à mettre en place des taxes sur les orges australiennes pour en limiter très fortement l’importation. C’est donc auprès du Canada et surtout de l’Ukraine que la Chine se fournit en orges.
Indicateurs au vert pour l’été 2021
« Ce printemps 2021 est marqué par des conditions de cultures favorables pour les céréales en Inde, en Chine et en Europe mais qui le sont moins en Amérique du Nord et en Russie », indique Marc Zribi qui fait état d’anticipations de production en hausse de 12 Mt pour l’Europe avec un retour de la France à un niveau de production habituel. Les estimations de production sont cependant en baisse pour la Russie et pour l’Australie après des récoltes record en 2020. La production marocaine est aussi attendue en très forte hausse en 2021 après deux années de sécheresse.