Le Parlement européen, réuni en séance plénière, a validé la reconduction pour un an, à partir de juin, de l'exemption de droits de douane pour les importations agricoles ukrainiennes accordée depuis 2022, mais en étendant aux céréales des "mécanismes de sauvegarde" renforcés.
Les agriculteurs européens rend l'afflux de céréales, œufs et poulets d'Ukraine responsable des effets de prix dans les pays riverains, et dénoncent une concurrence déloyale dans la mesure où elles ne satisfont pas certaines normes (volailles élevées en masse...). Les importations de produits agricoles ukrainiens dans l'UE ont bondi de 11 % en valeur sur un an entre janvier et septembre 2023.
Le sujet est particulièrement sensible en Pologne, où le blocage de la frontière par des agriculteurs en colère a provoqué une crise entre Varsovie et Kiev.
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Des mesures correctives
Pour répondre aux préoccupations, la Commission européenne avait proposé "des mesures correctives" susceptibles d'être rapidement adoptées en cas de "perturbations importantes" sur le marché.
Surtout, pour trois produits qualifiés de "sensibles" – volaille, œufs et sucre –, Bruxelles proposait un "frein d'urgence" pour stabiliser les importations aux volumes moyens importés en 2022 et 2023, niveaux au-delà desquels des droits de douane seraient réimposés.
Mais le texte des parlementaires, adopté à une très large majorité (347 voix pour, 117 contre et 99 abstentions), modifie la proposition initiale de la Commission pour étendre ce plafond aux céréales (blé, orge, avoine, maïs), ainsi qu'au miel, afin de tenir compte de l'importante capacité de production de l'Ukraine malgré la guerre.
Elle modifie également la période de référence, qui pourrait être calculée sur la moyenne de trois années (2021-2023).
Un compromis entre États membres avant juin
Les organisations agricoles critiquaient le fait que le plafonnement proposé par Bruxelles corresponde aux volumes élevés des deux dernières années, à l'origine de la crise actuelle.
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Ces modifications devront désormais faire l'objet de négociations avec le Conseil européen (États membres), afin de trouver un compromis et l'entériner formellement, avant l'expiration début juin de l'exemption de droits de douane actuellement en vigueur.
Des exportations qui dépassent les attentes
Les exportations de la mer Noire ont trompé les marchés. Les deux récoltes exceptionnelles de blé russe ont conduit à un énorme surplus de céréales au cours des deux dernières saisons par rapport aux prévisions initiales. Elles sont telles qu'elles ont limité les exportations traditionnelles de céréales, comme celles des États-Unis, malgré l'augmentation de l'offre du continent nord-américain par rapport à l'année dernière.
Un schéma d'exportation en voie de régulation
L'Ukraine exploite avec succès le corridor de transport maritime qu'elle a initié pour déjouer le blocus de la mer Noire par la Russie et suppléer à la sortie de son agresseur du premier corridor négocié sous l'égide des Nations unies à des fins humanitaires (de nombreux pays pauvres dépendent des céréales de la région en guerre).
Les estimations combinées de l'USDA américaine pour les exportations de maïs et de blé ukrainiens en 2023-24 ont augmenté de 35 % (10,5 Mt) depuis le mois d'août, bien que la production n'ait augmenté que de 9 % (4,4 Mt). Soit des volumes d'exportation proches de la normale par rapport à la production et des ratios exportations/production de 83 % (maïs) et 68 % (blé).
Au cours des cinq campagnes de commercialisation précédant la guerre, l'Ukraine a exporté en moyenne 79 % de sa récolte annuelle de maïs et 67 % de sa récolte de blé.
La Russie devrait exporter 56 % de sa récolte de blé 2023-24 contre une moyenne de 48 % sur cinq ans.
Au cours des deux dernières campagnes de commercialisation, les principales exportations de céréales de la mer Noire devraient dépasser les estimations initiales de 53 Mt.
Les exportations de céréales et d'autres produits agricoles sont beaucoup plus vitales pour l'économie ukrainienne que pour celle de la Russie, d'où l'urgence pour Kiev de maintenir en service les ports en eau profonde qui sont d'une importance capitale.
A.D (avec agences)