La flotte inactive de porte-conteneurs est tombée à 313 navires, soit environ 1 555 959 EVP au 20 juillet. Elle représente désormais 6,6 % de la capacité de la flotte mondiale, selon les derniers chiffres d'Alphaliner. La ligne régulière a réactivé une capacité d'environ 1 MEVP en à peine un mois.
Faut-il interpréter le rétablissement des traversées et la reprise des escales en Chine comme les signes d’une meilleure conjoncture pour le conteneur ? À son pic d’inactivité à la fin du mois de mai, la capacité de la flotte sans emploi atteignait le record historique de 2,72 MEVP. Alphaliner tempère cependant puisque l’actuelle capacité hors service – 1,56 millions d'EVP – reste élevée en cette période de l'année, censée être en plein saison. « Il faut remonter au 20 juillet 2009 et au contexte de la crise financière pour trouver une flotte sous-employée plus élevée qu’aujourd’hui (10 %) », a souligné Alphaliner dans un de ses récents rapports hebdomadaires.
Sur ce total, il faut extraire 36 navires d'une taille moyenne de 10 500 EVP, actuellement dans les cales pour être équipés de scrubbers et se mettre en conformité avec les normes sur la teneur en soufre des carburants marins. Significatif, cette flotte inactive pour travaux et entretiens représente 24 % du total des navires immobilisés.
Navires au chômage, situation imprévisible
« Bien que le taux de chômage des navires continuera de reculer dans les semaines à venir, il est vain d'évaluer une prévision pour le reste de l'année car la hausse du non emploi, habituellement observée après la fin de la haute saison estivale, sera aggravée par l'impact incertain de l’épidémie qui continue d’évoluer », anticipe Alphaliner.
Le spécialiste des lignes régulières signale le retour en mer de la plupart des navires de PIL, depuis que la compagnie singapourienne, en difficulté, a reçu le soutien de Heliconia Capital Management, une filiale de Temasek Holdings, fonds souverain de Singapour. Parmi les autres transporteurs dont la flotte reste immobilisée, l’iranien IRISL, victime des sanctions américaines. La quasi-totalité de ses navires sont au mouillage à Bandar Abbas et au large de la Chine.
Taux de fret en baisse
L’équation reste à plusieurs inconnues pour les transporteurs. Jusqu’à présent, ils sont parvenus à maintenir voire à augmenter leur taux de fret en ajustant leur offre à une demande complètement sinistrée. Réintroduire du tonnage sans saper les fondamentaux d’exploitation ni perdre des parts de marché relève de la gageure, indique Patrik Berglund, le PDG de la plate-forme Xeneta, qui suit les taux de fret. « Les taux spot ont commencé à baisser sur les principaux trafics Extrême-Orient - Europe du Nord et Extrême-Orient - Côte Ouest des États-Unis, ce qui suggère que le rétablissement récent de services fait baisser les prix. C'est évidemment une préoccupation pour les transporteurs qui sont confrontés à une décision difficile. »
30 services restaurés sur le trade transpacifique
Dans sa dernière publication Sunday Spotlight (n ° 473), Sea-Intelligence confirme la reprise de certaines traversées qui avaient été annulées. « Sur la côte ouest de l'Asie et de l'Amérique du Nord, les transporteurs ont rétabli 30 services qui avaient été annoncées comme annulés pour le troisième trimestre. Sur ces 30 blank sailing, 22 ont été restaurés par THE Alliance (One, Hapag-Lloyd, HMM, Yang Ming, NDLR). On observe une situation similaire en Asie-Europe du Nord, où sur les 11 traversées annoncées, 9 relèvent de THE Alliance. Sur le total de 49 traversées qui n'ont pas été supprimées conformément à ce qui avait été annoncé sur les lignes transpacifique et Asie-Europe, près des trois quarts sont opérés par les partenaires de THE Alliance. Cela montre bien qu’ils ont supprimé des capacités de manière trop agressive et qu'ils les ont revues pour être en phase avec les autres alliances », indique Alan Murphy, le CEO de Sea-Intelligence.
Sur la côte ouest de l'Asie et de l'Amérique du Nord, l’analyste note qu'à partir de la semaine 29, aucune navigation à blanc n'est prévue (à l'exception de quelques-unes en semaine 36). « Cela peut dénoter soit une reprise de la demande, soit une reprise attendue dans les semaines à venir », indique encore le dirigeant.
De l’Asie vers Europe du Nord, les transporteurs semblent être alignés sur les niveaux de l’offre de 2019 en ce qui concerne les capacités annoncées, « bien que nous puissions observer une baisse de capacité pour la Golden Week à l'approche du mois de septembre. Les compagnies annoncent généralement des blank sailing pour la Golden Week quatre à six semaines plus tard.
Trade entre l'Europe et l'Amérique du Nord , toujours sous pression
Si les services se rétablissent sur le marché transpacifique et que des traversées supplémentaires sont désormais proposées de l'Asie vers l'Europe du Nord pour répondre à une demande durant la petite fenêtre de pointe estivale, d'autres blank sailing sont d’ores et déjà annoncés sur le marché transatlantique en septembre. « La capacité hebdomadaire moyenne des navires pour le commerce Europe-Amérique du Nord en juillet s'est élevée à près de 136 500 EVP, soit 6 650 EVP ou 4,8 % de moins que l'année dernière », indique Alphaliner.
Cette baisse de capacité sur la 3e des lignes Est/Ouest est en grande partie liée à la suspension par MSC et Maersk de l'une de leurs quatre boucles exploitées dans le cadre de leur alliance 2M. Entre l'Europe du Nord et la côte Est des États-Unis, le sort du TA4/NEUATL4, supprimé jusqu’à la fin du mois d'août, dépendra du redémarrage économique. Donc sa reprise en septembre est loin d’être garanti.
2M est la seule alliance à avoir suspendu un service complet. L'alliance a également réduit sa capacité en supprimant des traversées de ses boucles AL1 et AL4 entre l'Europe du Nord et la côte est des États-Unis. La première, qui dessert en cinq semaines Rotterdam, Hambourg, Anvers, Londres-Gateway, Norfolk, Philadelphie, New York, Halifax et Rotterdam, n'est actuellement assurée que par trois navires (4 500-5 100 EVP). Deux voyages sont ainsi supprimés toutes les cinq semaines.
MSC, le plus exposé sur le marché transatlantique
Indépendamment de son alliance avec le leader mondial – MSC exploite des services transatlantiques en dehors de son Vessel share agreement (VSA) avec Maersk – le transporteur de Genève reste le plus grand pourvoyeur de capacités sur le trafic Europe-Amérique du Nord avec une part de marché de 29,1 % malgré une réduction de capacité de 12,4 % depuis juillet de l'année dernière et l’augmentation de capacité de son challenger sur ce marché : Hapag-Lloyd, deuxième transporteur entre l'Europe et l'Amérique du Nord avec une part de marché de 22,8 %, y a augmenté son offre de 8,3 % au cours des douze derniers mois.
Maersk a en revanche réduit sa capacité sur cette ligne de 17,5 %, mais reste le troisième transporteur avec une part de marché réduite de 12,5 %. L'opérateur danois a interrompu son service Med - Montréal MMX en mai et prend désormais des slots chez Hapag-Lloyd. L’armateur a toutefois récemment compensé en partie la suspension temporaire du service TA4/NEUATL4 en offrant des traversées avec des 2 500 EVP.
Mais c’est Cosco qui s’intéresse le plus au marché transatlantique à en juger par ses capacités en hause de 48,9 %, en partie due au lancement du nouveau service East Med - US East Coast EMA avec cinq navires de 4 250 à 4 900 EVP lancé conjointement avec ONE et Yang Ming en avril. OOCL fournit en outre deux navires de plus de 6 000 EVP pour le service TAT3 (alias Victory Bridge ou EAG) de Ocean Alliance. Mais dans une de ses récentes publications, la filiale de Cosco indiquait que les revenus de cette ligne avaient baissé de 9,2 % au deuxième trimestre malgré une augmentation de 2,2 % en volume. Le revenu moyen par EVP s'est élevé à 1 110 $, une baisse de 11,2 % par rapport au deuxième trimestre de 2019. Des taux de fret sous pression donc…
Adeline Descamps