Le CMA CGM Palais Royal en tournée exceptionnelle à Fos

CMA CGM Palais Royal

Le CMA CGM Palais Royal, en visite exceptionnelle à Fos dans le cadre du service MEX, entre la Méditerranée et le nord de l’Asie. Après février, les escales seront réparties entre les Fal 1 et Fal 3.  

Crédit photo ©A.D.
Le porte-conteneurs de 23 112 EVP au GNL est exploité de façon inhabituelle jusqu’en février sur le service Mediterranean Club Express (MEX), entre l’Europe de l’Ouest et l'Asie. Pour cet « extra », qui a fait de Fos une escale, CMA CGM a fait en sorte que les Marseillais puissent l’apercevoir au large de la ville. Des manœuvres délicates avec un vent travers de 65 nœuds dans une rade fermée.

Opération « passerelle ouverte » chez CMA CGM le vendredi 15 décembre à l’occasion du passage tout à fait exceptionnel du CMA CGM Palais Royal, en darse 2 à Fos-sur-mer, reçu sur le terminal Eurofos, dont est actionnaire le groupe français (via Terminal Link) aux côtés de DP World (50/50).

Le porte-conteneurs de 23 112 EVP est exploité de façon inhabituelle, et ce jusqu’en février, (sans doute en anticipation du Nouvel an lunaire, qui démarrera le 10 février), sur le service Mediterranean Club Express (MEX), entre l’Europe de l’Ouest – où cinq ports sont desservis (Barcelone, Valence, Fos, Gênes, Malte) –, et le Nord de l’Asie (Port Kelang, Singapour, six ports chinois et Busan en Corée), via Beyrouth, Djeddah (Arabie Saoudite) et Jebel Ali (Émirats arabes unis). Une rotation hebdomadaire avec 18 escales et 91 jours de voyage (rotation), en principe opérée avec une petite flotte de 13 navires.

Après février, la compagnie marseillaise devrait redistribuer certaines escales entre les Fal 1 et Fal 3, deux des lignes de son service phare entre Asie et Europe du Nord, auquel il est destiné depuis sa livraison en fin d'année 2020.

Le navire chargé de 15 700 EVP aux couleurs de la compagnie (pour les premières rangées, et dont une partie de vides), est arrivé de Malte le jeudi 14 décembre et doit repartir ce lundi 18 décembre à midi, à l’issue de ses opérations commerciales (2 200 mouvements de conteneurs, autant à charger qu’à décharger) et, simultanément, de son avitaillement au GNL (12 500 m3) par le souteur Gaz Vitality, opéré par TotalEnergies Marine Fuels (TMFGS).

Cuve de GNL fournie par l'entreprise française GTT

18 heures pour avitailler

« Cette opération va durer 18 heures, dont cinq heures pour inerter les circuits, dans le cadre de la procédure de mise à froid », explique François Sailly, capitaine depuis deux ans à bord d'un des tout premiers porte-conteneurs neufs au GNL que CMA CGM a commandés en septembre 2017. Pour le coup, l'officier est passé du CMA CGM Rigoletto (9 400 EVP) à cette masse d’acier de 399,90 m de long et de 61 m de large, sur lequel officient 26 marins dont un dédié à la gestion du gaz.

Le CMA CGM Palais royal appartient à une série emblématique parce que le vaisseau amiral porte le nom du fondateur décédé, Jacques Saadé, parce que les autres mégamax portent les noms de sites emblématiques de Paris (Champs Élysées, Sorbonne, Concorde, Louvre, Rivoli, Trocadéro…) et enfin parce qu’il s’agit des premiers porte-conteneurs en transition énergétique (motorisation GNL), qui plus est de cette taille.

Construit par le chantier Shanghai Jiangnan Changxing Shipbuilding, une filiale de Hudong-Zhonghua et du groupe de construction navale chinois CSSC, le Palais Royal a été le troisième livré de la classe, après les CMA CGM Jacques Saadé (septembre 2020) et CMA CGM Champs Élysées (octobre 2020), ce dernier avait aussi créé l’animation en arrivant à Dunkerque un samedi soir de plein hiver alors que tout le monde était assigné à la maison en raison d'un virus improbable mais planétaire.

Arrivée exceptionnelle à Marseille ©CMA CGM

Six points au large de Marseille

Pour cet « extra », le groupe marseillais a organisé une opération spéciale de sorte que son personnel, depuis la tour CMA CGM, mais aussi, les Marseillais, puissent l’entrevoir au large de la rade de Marseille, où il était visible depuis six points le jeudi 14 décembre entre 12 h et 15 h.

Le navire de 216 000 tonnes de port en lourd, propulsé par un moteur deux temps WindGD de 63 840 kW, est arrivé dans la baie de Marseille, escorté par des conditions météorologiques pas tout à fait idéales, explique François Sailly, « au peak » d’un vent travers de 65 nœuds avec des pointes à 72 nœuds dans une rade fermée.

« Au vu de la surface latérale de 17 000 m2, un vent de 30 nœuds génère une poussée sur le navire d’environ 300 t, c’est pourquoi il fallait toujours garder le navire en inertie en jouant avec le vent et la vitesse. Le remettre en mouvement dans ces conditions aurait demandé plus de puissance que le moteur principal ne pouvait fournir et aurait sollicité un paquet de remorqueurs », explique le capitaine, contraint de décaler au vendredi matin et non au jeudi soir comme prévu l’arrivée à Fos-sur-Mer.

Pour sortir de la baie de Marseille, il aura fallu pas moins de quatre heures, explique-t-il, et le plus délicat a été le virage face à la Tour CMA CGM avec de surcroît un vent de 50 à 60 nœuds, là où il était sans doute observé par des centaines de paires d’yeux, ainsi que le lendemain dans le chenal d’accès à Fos, passablement étroit entre les bouées 7 et 8.

Le capitaine François Sailly et Xavier Leclercq, à la tête de CMA Ships. ©AD

Les pilotes en affaire

« Nous manœuvrons au quotidien des porte-conteneurs de 370 m de long, 50 m de large et 14 m en hauteur, des vraquiers et pétroliers qui s’approchent de ces tonnages soit près de 300 000 tpl, ou encore des paquebots de 360 m et de 220 000 t, explique Jean-François Suhas, pilote à la Station de Marseille-Fos. Mais seul le MSC Mette, qui a touché Fos en octobre, entrait à ce jour dans la catégorie des super-géants pour lequel nous avions une expérience de pilotage ».

Les pilotes marseillais se sont rapprochés de leurs collègues havrais qui reçoivent depuis trois ans ces géants dans des conditions proches des leurs. « La première difficulté a été le passage dans le chenal dragué large de 240 m face à la dérive d’un tel navire travers au mistral ou au vent de sud-est. La seconde fut le retournement du navire dans la fosse d’évitage du Golfe de Fos et sa mise à quai proprement dite ».

Les pilotes, qui ont dû gérer un tirant d'eau de seulement 13,5 m, disposent d’un simulateur qui permet d’anticiper la manœuvre des grands paquebots dans les bassins Est soumis à de fortes contraintes.
« Le capitaine Sailly, accompagné du commandant Emmanuel Delran, ont passé une journée au simulateur avec le pilote major du Golfe de Fos, Vincent Baccelli, pour déterminer au mieux les fameuses limites de l’entrée à Fos, les vitesses cibles mais aussi valider tout le passage avec un modèle numérique qu’on savait très proche de la réalité », ajoute le pilote.

À 90 % au GNL

La coque poinçonnée du « LNG powered », sceau de l’engagement environnemental pragmatique (en attendant plus performant) du troisième armateur mondial de porte-conteneurs, le CMA CGM Palais Royal, dual fuel, opère à 90 % au GNL en haute mer (le diesel est réservé aux manœuvres) avec donc, à bord, un gaz naturel refroidi à -161°C pour être stocké à l’état liquide avant d’être retransformé à l’état gazeux pour alimenter le moteur principal deux temps « cathédrale » de WinGD.

« Le GNL a une réactivité plus lente que le diesel, raison pour laquelle on ne fait pas de manœuvres au GNL, explique le commandant Emmanuel Delran, aujourd’hui en charge des opérations chez CMA CGM.

Emmanuel Delran, commandant en charge des opérations du groupe (à droite) et Xavier Leclercq (CMA Ships) ©A.D

De la série des neuf mégamax, il n’y a guère que le CMA CGM Champs Élysées et le CMA CGM Concorde qu’il n’ait pas opéré. « Il faut minimiser les mouvements du navire pour stabiliser les liquides dans la cuve. C’est une gestion complexe. La cuve octogonale en inox cryogénique est comme une bouteille thermos. Il ne faut pas qu’il y ait des calories ou de la pression qui rentre car c’est précisément ce qui fait que le liquide se transforme en gaz. Il y a néanmoins toujours un peu de gaz produit. Dans ce cas, il va servir à faire tourner les groupes électrogènes, les chaudières...», ajoute l’ancien marin, qui fait la visite de la salle des machines, à 10 m sous l’eau, et dont on jurerait que les odeurs du moteur lui manquent.

Dans cet espace de 24 m en longueur, 17 m en hauteur et 54 m en largeur s’alignent 12 cylindres du X92DF. Une seule ligne d’arbre est reliée à une hélice de 10 m de diamètre. Un seul tuyau d’admission conduit le gaz au moteur. Pour passer du diesel au GNL, il faut 40 minutes. Mais c’est instantané dans l’autre sens.

Salle des machines du CMA CGM Palais Royal ©A.D

96 navires au GNL et 24 au méthanol

Entre aujourd’hui et 2028, 96 navires au GNL (32 déjà en flotte) et 24 navires au méthanol (en construction) doivent être livrés à l'armateur français, les premiers au méthanol en 2025 et les derniers (à ce stade des commandes) en 2026/2027.
Quatre autres géants, de taille supérieure au Palais Royal, mais au GNL sont attendus en 2026, confirme Xavier Leclercq, à la tête de CMA Ships, que l'on sentait préoccupé, sur le qui-vive, le téléphone à portée de main. On comprendra plus tard qu'une cellule d'urgence était en train de s'organiser à la Tour compte tenu des événements en mer rouge qui ont concerné quatre porte-conteneurs en quelques heures.

Avec la dernière commande passée en octobre des 9 200 EVP, le carnet de commandes méthanol de l'armateur français atteignait les 32 unités, avec les douze de 15 000 EVP et les douze de 13 000 EVP. Le bruit courait chez les courtiers d’un switch effectuée par une « compagnie de ligne internationale » entre le méthanol et le GNL. Il semblerait donc que l’inconnue soit le transporteur tricolore.

Lors des Assises de l’économie de la mer, Rodolphe Saadé, le président du groupe de transport, avait indiqué que l’entreprise avait engagé 15 Md€ dans le verdissement de sa flotte, soit 120 navires capables de fonctionner avec des carburants décarbonés (méthane, bio/e-méthane, méthanol, bio/e-méthanol).

Adeline Descamps

 

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