Sans surprise pour ZIM, la hauteur de la chute est à l’égal de son incroyable ascension à la faveur d’une maladie planétaire.
La dégringolade en bourse de l’action de la compagnie israélienne, revenue au niveau des toutes petites capitalisations (855 M$) après avoir côtoyé les cimes du NY stock Exchange en 2021 (parmi les cinq premières performances boursières de ce marché), a donné un avant-goût de ce qui l’attendait dans les prochains mois.
En juillet, quelques jours avant de présenter ses résultats pour le premier semestre 2023, le dixième transporteur mondial de conteneurs et parmi les plus fortes croissances de 2022, avait annoncé la couleur des mois à venir en anticipant une perte de l’ordre de 100 à 500 M$ en 2023.
À la lumière de son troisième exercice de l’année, il prévoit désormais, pour l'ensemble de l'année, un bénéfice avant amortissement sur immobilisations (Ebitda) compris entre 900 M$ et 1,1 Md$ et une perte encore plus importante, de l’ordre de 600 à 400 M$.
Pas de retour à la rentabilité avant 2025
Sans aucune amélioration sensible avant 2024, la société prend les devants et ajourne son retour à la rentabilité en donnant rendez-vous en 2025. En attendant, elle doit composer avec un résultat net négatif de 2,2 Md$ (alors qu’elle avait enregistré un bénéfice de 1,16 Md$ au troisième trimestre 2022) et avec une perte de valeur (l’action ne vaut plus que 7,42 $, alors qu'elle a connu des pics plus de 50 $ en 2022).
Après avoir effectué un test sur les flux de trésorerie futurs, la direction a estimé qu’une dépréciation importante de ses actifs était nécessaire, explique-t-elle pour justifier ces 2,06 Md$ comptabilisés. La mesure comptable devrait agir sur les charges d'amortissement du quatrième trimestre, a précisé l’entreprise à ses investisseurs, évoquant une réduction de 150 M$ au quatrième trimestre et d'un peu plus de 600 M$ en 2024.
Perte d'exploitation de 2,27 Md$
Le chiffre d'affaires entre juillet et septembre a plongé de 61 %, à 1,27 Md$, par rapport à la même période de l’an dernier, tandis que le résultat opérationnel avant amortissement sur immobilisations a dévissé de 89 % pour s’établir à 211 M$ et l’Ebit (équivalent de l’excédent brut d'exploitation en comptabilité française) est tombé à 213 M$, soit une perte d'exploitation de 2,27 Md$, très loin du milliard et demi encaissé au troisième trimestre 2022.
Ils ne résultent pas d'une baisse des volumes transportés sur les trois derniers mois (867 000 EVP), qui comme pour l’ensemble des acteurs du secteur, ont légèrement augmenté (842 000 EVP il y a un an). Ils s'expliquent par la chute du revenu moyen par EVP (de 66 %), passant en un an de 3 353 à 1 139 $, mais à noter, toujours en hausse de 13 % par rapport au troisième trimestre 2019.
Phase de transition
« Les résultats renvoient à l'environnement opérationnel actuel, car la demande est restée faible et les taux de fret ont continué à se détériorer. Nous sommes actuellement dans une période de transition, qui devrait s'étendre jusqu'en 2024, au cours de laquelle nous devrions progressivement voir les avantages des mesures prises pour améliorer la résilience commerciale et opérationnelle de l’entreprise », assure Éli Glickman, le PDG de ZIM.
Le dirigeant fait référence à son programme pour améliorer sa structure de coûts, à savoir le renouvellement de sa flotte avec 46 nouveaux porte-conteneurs, dont 28 au GNL, attendus entre 2023 et 2024. Plus économes en carburant, les navires neufs ont un coût unitaire inférieur. Il compte aussi remplacer progressivement de l’ancien par du neuf dans ses affrètements au fur et à mesure de l’expiration de ses contrats de location.
Depuis le début de l'année, Zim a restitué 20 navires affrétés tandis que cinq baux expirent d'ici la fin de l'année et 34 autres l'année prochaine.
Outre le travail sur sa flotte, le transporteur de Haïfa, touché de plein fouet par la guerre du Hamas, compte également sur les économies de réseau, notamment sur sa nouvelle collaboration avec MSC au cours du troisième trimestre, pour « améliorer l'efficacité opérationnelle et les niveaux de service ». ZIM a remplacé ses propres services entre l'Asie et l'Australie et entre l'Europe du Nord, la Méditerranée orientale et l'Inde, par des accords de partage de navires conclus avec le leader mondial de la ligne régulière.
Forte exposition au spot et au transpacifique
ZIM trimballe deux boulets : une forte exposition au marché comptant et une concentration importante de ses capacités sur le transpacifique, en particulier entre l'Asie et la côte est des États-Unis.
Or, le SCFI du Shanghai Shipping Exchange, qui reflète les prix au comptant sur la plupart des grandes destinations au départ de Shanghai, n'a toujours pas terminé sa course de déccélération.
Quant au marché transpacifique, il a donné l’illusion en août d’une reprise mais l’espoir a très vite été remisé. Ce marché dépend d’abord et avant tout de l’agenda de la reconstitution des stocks qui tarde.
Les armateurs mentionnent ce déterminant depuis le début de l’année. Mais la morosité dans la consommation, refroidie par les accès inflationnistes et sans doute par l'environnement géopolitique qui enchaîne les chocs, n’aident pas à déstocker et n’incitent guère les détaillants à passer commande.
La sécheresse dans le canal de Panama, passage emprunté pour rejoindre la côte est-américaine depuis l’Asie, vient encore exacerber une situation difficile pour ZIM. Le gestionnaire du canal a réduit le nombre de transits à plus ou moins une vingtaine de passages jusqu'en février, impactant grandement les néo-panamax, contraints par ailleurs de respecter un tirant d’eau également soumis à des limitations.
Pour y pallier, ZIM exploite des feeders en Amérique latine pour que ses navires puissent traverser le Pacifique à pleine capacité et décharger une partie de leur cargaison avant d'atteindre le canal de Panama.
Relance des services
ZIM continue néanmoins d’investir. Il a lancé le 12 novembre un nouveau service entre Asie et la côte ouest-américaine, commercialisée sous la marque ZIM Albatross (ZAT), au départ de Ningbo. Il y affectera onze panamax (affrétés).
Mais l’information qui a retenu l’attention est surtout la reprise de son service express entre le sud de la Chine et la Californie, le ZIM eCommerce Xpress (ZEX), qu’il avait lancé en juin 2020 quand les taux de fret bombaient le torse et fermé en mars 2023 face au ralentissement généralisé. Une décision très surprenante au vu du contexte.
« Le choix est compréhensible au regard de l'évolution des taux de fret maritime au comptant sur les deux plus grands trafics Est-Ouest [Asie-Europe et Asie-Amérique du Nord]. Cet axe génère actuellement le revenu le plus élevé pour le fret spot, compte tenu de la distance de navigation », décrypte Aphaliner.
Si les taux de fret sont loin des plus de 8 000 $ par conteneur de 40 pieds, observés en février et mars 2022, ils sont à nouveau supérieurs de 15 % à ceux de mars 2023. Bien que très volatiles (- 12 % la semaine dernière). Mais selon Alphaliner, le revenu par mille nautique s'élève actuellement à 0,32 $ soit bien plus qu’entre Shanghai et Rotterdam (0,14 $), New York (0,22 $) ou Barcelone (0,27 $).
Adeline Descamps
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