ZIM bien placé pour profiter des mutations en cours dans la chaîne d'approvisionnement ?

Crédit photo ©ZIM
Secoué plus sévèrement que ses concurrents en 2023, le numéro dix mondial dans le transport maritime de conteneurs a accusé un déficit de 2,7 Md$ en 2023 contre un bénéfice de 4,7 Md$ en 2022. Mais selon plusieurs analystes, le transporteur côté en bourse depuis 2021, est favorablement placé pour accompagner les mouvements de relocalisation et les stratégies d'évitement des droits de douane.

Après avoir accumulé les performances ces deux dernières années, la compagnie cotée sur le marché new-yorkais depuis 2021, n’est pas épargnée par le retournement radical de la conjoncture de son marché et n’échappe pas non plus à la déconfiture de son secteur.

Son modèle la fragilise particulièrement dans certaines conditions du marché par rapport à ses concurrents :  ZIM exploite une flotte de navires de petite taille, quasi-exclusivement affrétée (122 sur 130 navires) et presque entièrement placée au marché spot, ce qui l’expose à l’effet de ciseau quand ses taux de fret couvrent à peine ses loyers. A fortiori s’ils ont été fixés au prix fort, ce qui a été le cas durant la pandémie.

Le revenu moyen par EVP du transporteur a chuté de 63 % entre 2022 et 2023 pour atterrir à 1 203 $ versus 3 240 $ en 2022. Sur ce plan, avec ce niveau de taux de fret, ZIM a perdu quelque 300 M$ par trimestre. Le chiffre d'affaires a dégringolé de 7 Md$, passant de 12,6 à 5,16 Md$. Et contrairement à ses pairs, les volumes transportés de 3,28 MEVP sont en baisse de 2,9 % par rapport à 2022. La compagnie accuse un déficit de près de 2,7 Md$ alors qu’elle était bénéficiaire de 4,7 Md$ en 2022.

Des signaux envoyés au marché

Dès le troisième trimestre, la société avait revu à la baisse ses prévisions de rentabilité pour l'ensemble de l'année en se basant la faiblesse persistante des taux de fret, une légère baisse des volumes et l'augmentation des coûts des combustibles de soute.

Pour autant, l’entreprise a envoyé d’autres signaux au marché. La capacité en exploitation de l'Israélienne (684 000 EVP) devrait compter à court terme 46 nouveaux porte-conteneurs, en grande partie alimentés au GNL, dont 24 déjà livrés tandis que 22 le seront cette année.

En fin d'année, la direction a annoncé qu'elle allait relancer son service ZIM eCommerce Xpress (ZEX) entre la Chine et Los Angeles. Le ZEX avait été initié en 2020 avec la promesse d’un transit-time de 12,5 jours entre la Chine et la côte ouest-américaine, sans rollover, avec déchargement prioritaire et une mise à disposition du fret le jour où le navire amarre.

Erreur d'appréciation ou excès d'optimisme, la direction de Zim semble penser, d'une part, qu'il y a une option de transport entre le long courrier océanique (21 jours) et le transit du fret aérien (1 jour) et d'autre part, que les volumes à venir sur le transpacifique en direction de l'Est sont tels qu'ils peuvent supporter une option à prix élevé.

Relocalisation en cours

Plusieurs analystes semblent partager cette vision. Ils estiment que les perturbations à venir – une possible victoire électorale de Trump en novembre, qui s'accompagnerait inévitablement d'une levée de barrières douanières envers les exportations chinoises, et la tendance actuelle au nearshoring/relocalisation des détaillants américains (Vietnam, Corée, Japon, Mexique) –, pourraient faire le lit de ZIM.

La pandémie, qui révélé la servitude du monde à la Chine, et la guerre en Ukraine, celle de l’Europe aux richesses énergétiques de la Russie, font figure de traumas. La désorganisation de la chaîne de production, les incertitudes sur l’approvisionnement des matières premières et l'inflation généralisée (énergies, matières premières, salaires) qui s’en sont suivies, ont ébranlé bien des certitudes dans la supply chain. Le dogme intouchable du « juste-à-temps » cherche désormais à se réinventer en « juste au cas où » avec des zones-tampons.

Éviter les droits de douane

Selon Xeneta, plateforme d'analyse comparative et de renseignement sur les taux de fret maritime, la croissance de la demande d'importations de conteneurs de la Chine vers le Mexique en janvier 2024 a augmenté de 60 % (117 000 EVP expédiés en janvier) par rapport à l'année précédente, « ce qui alimente les soupçons selon lesquels le Mexique est devenu une "porte dérobée" vers les États-Unis ». La croissance annuelle du transport de conteneurs entre la Chine et le Mexique avait déjà augmenté de 34,8 % en 2023, contre seulement 3,5 % en 2022.

Selon Peter Sand, analyste en chef de Xeneta, ces données « sont une preuve supplémentaire que les entreprises tentent de contourner les droits de douane sur les marchandises importées de Chine aux États-Unis ».

ZIM en première ligne

En 2023, l'armateur a réalisé 39 % de ses volumes avec la région pacifique et 28,8 % avec l'Intra-Asie. Les deux-tiers de ses activités sont donc concentrés dans des régions sujettes à de grands mouvements de flux, que ce soit pour éviter les droits de douane ou pour suivre les mouvements de la supply chain.

En attendant, depuis l'annonce de ses résultats, l’action a perdu 11,24 % pour s’établir à 9,32 $. Le 18 mars 2022, le titre de ZIM valait 84,50 $.  Le 28 novembre 2023, il touchait le fond à 6,59 $.

Adeline Descamps

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